1. Les origines de la high fantasy
1. Les origines de la high fantasy
The Lord of the Rings est l’œuvre fondatrice de la high fantasy, en littérature. Au cinéma, nombreux sont les réalisateurs qui ont tenté de mettre la trilogie en scène. La plupart ont échoué et se sont rabattus sur des créations plus personnelles qui ont néanmoins à voir avec la trilogie.
S’il fallait une date de naissance approximative de la high fantasy cinématographique alors ce serait 1979. Cette année-là, sort la première adaptation de la trilogie de Tolkien. Ralph Bakshi, un cinéaste d’animation déjà auteur de la première véritable œuvre d’heroic fantasy, réalise un dessin animé mettant essentiellement en scène Frodon et Sam. Il ne pourra pas réaliser l’œuvre tout entière faute de moyens et de légitimation du public qui ne reconnaît pas en son travail l’œuvre mythique de Tolkien. Mais le ton est donné. Il n’y a pas de héros musclés, et surtout pas de héros tout simplement. Les personnages sont des antihéros[1] qui se trouvent mêlés à de terribles aventures malgré eux. Dès lors, parallèlement aux herculéens héros d’heroic fantasy, vont apparaître des figures telles que les écuyers, les chevaliers errants, les princesses innocentes, les magiciens et tout un bestiaire issu des légendes populaires. Il est ainsi possible de considérer qu’une dizaine de films tournés entre 1979 et 2001 appartiennent à la high fantasy.
Parmi ceux-ci, Excalibur (1981), de John Boorman s’attache à retracer la légende du roi Arthur et de ses chevaliers. Avant de se tourner vers le cycle arthurien, John Boorman a tenté de réaliser sa version de The Lord of the Rings. Il ne sera pas le seul auteur dans ce cas. George Lucas s’est lui aussi heurté au roman et nous connaissons aujourd’hui l’étendue de l’influence de l’œuvre de Tolkien sur les deux trilogies de Star Wars, et sur le scénario de Willow, réalisé par Ron Howard en 1988.
The Lord of the Rings se révèle impossible à réaliser tant au niveau scénaristique qu’au niveau logistique et financier. Cependant, les réalisateurs lui emprunteront différentes thématiques.
L’amour impossible est l’une d’entre elles. Dans Ladyhawk (1984), de Richard Donner, le chevalier de Navarre est condamné à errer sur des terres hostiles, accompagné de son faucon. Au coucher du soleil, il devient un loup, et son faucon devient une femme, Isabeau. L’un et l’autre s’aiment d’un amour impossible à cause de la malédiction d’un évêque épris d’Isabeau.
Autre motif, l’attraction pour le mal est mise en scène dans Legend (1985), de Ridley Scott. Une princesse, Lili, se laisse entraîner dans les arcanes du mal. Le héros amoureux et quelques compagnons (deux nains, un elfe et une fée) risqueront leur vie pour la sauver, elle, ainsi que la dernière licorne garante de la Lumière sur le monde.
La parenté de Willow (1988), de Ron Howard avec The Lord of the Rings est évidente à travers la présence des nelwyns qui ne sont ni plus ni moins qu’une version des hobbits de la Comté. Dans Dragon Heart (1996), de Rob Cohen, le réalisateur ne garde que l’atmosphère féerique de la high fantasy, tandis que Dungeons & Dragons (2000), de Courtney Salomon, tente de retrouver la fraternité des compagnons de l’anneau à travers un groupe de héros hétéroclites.
À la fin des années 80, la high fantasy connaît un fléchissement qui est lié à celui de l’heroic fantasy. Peu d’œuvres sont alors réalisées, et des films comme Dragon Heart ou Dungeons & Dragons se révèlent être des échecs artistiques et financiers. De quoi éloigner toute velléité dans ce domaine.
C’est d’Asie, de Hong Kong, que viendra le regain d’intérêt pour la high fantasy, avec Swordsman (1990) et Zu, Warriors from the Magic Montain[2] (1983) de Tsui Hark, Lodoss Tô Senki[3] (1990), de Ryô Mizuno, sans oublier Mononoke Hime[4] (1997), de Hayao Miyazaki. Ces deux dernières œuvres sont des films d’animation. Ce support est favorable à la high fantasy considérée, à la manière des romans de Tolkien, comme plus difficile à adapter à l’écran que l’heroic fantasy. Il permet de créer de toutes pièces des univers fantastiques et poétiques. C’est sans doute pour cela que Shrek (2001), un film d’animation des studios Dreamworks, fut l’un des triomphes de ces dernières années.
L’absence de frontières dans la création de nouveaux univers, sur plusieurs niveaux (le visuel, le sensitif, l’évocateur…) est la base du succès de l’adaptation de The Lord of the Rings (2001), de Peter Jackson. Celui-ci s’est aussi donné les moyens financiers (astronomiques), techniques (expérimentations de nouveaux trucages infographiques), artistiques (imprégnation de l’univers de Tolkien), humains (recherche des acteurs à un niveau mondial), géographiques (tournage en Nouvelle-Zélande, hors Hollywood) et temporel (près de sept ans de travail, de 1996 à 2003, pour la préparation, le tournage et le montage).
Pour la première fois, un film de high fantasy est enfin à la hauteur de ses ambitions.
[1] Selon son acception dans Le Petit Larousse 2003 : « Personnage de fiction ne présentant pas les caractères convenus du héros traditionnel. »
[2] Zu et les guerriers de la montagne Magique.
[3] Les Chroniques de Lodoss.
[4] Princesse Mononoke.
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