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LES ICÔNES DU PÉCHÉ - chapitre troisième
— Chère Janette... comment allez-vous ? Petite mine...
— Cher collègue. Je n'ai pas dormi de la nuit. J'ai planché sur les nouveaux dossiers reçus la veille pour aujourd'hui.
— Vous auriez dû m'appeler à la rescousse, Janette !
— Ce n'est pas grave, je ne voulais pas gâcher votre rendez-vous galant. Un thé noir de New Zed, Marcello ?
— Très bonne idée, Janette. La date n'a rien donné, vous auriez vraiment dû m'appeler. La femme qui travaille et l'homme qui récolte les lauriers, pas sous mon règne, très chère !
— Il est temps de lancer le documentaire, votre Maaaajesté ! Découvrons en exclusivité multidimensionnelle, ce nouveau chapitre que notre pigiste nous a concocté. Accrochez-vous chers trollitos ! Marcello, ça coince... attendez... ah, enfin. Envoyer l'holovid !
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Le nouveau
Parish traverse la salle d'entraînement, se dirigeant vers le vestiaire. Il apprécie la pratique des sports de combat. L'exercice intense lui permet d'oublier les horreurs qu'il voit chaque jour dans sa profession. Se concentrer sur le rythme des coups donnés sur le sac de sable. Travailler son jeu de jambes. Transpirer toute la tension accumulée dans la journée. L'activité est vraiment salvatrice pour un esprit torturé. Il reste assis un moment sur le banc. Seul, il médite. Quelqu’un entre, puis ouvre un casier derrière lui. Le bruit le fait sursauter. Dorian se tourne vers l'inconnu et aperçoit un bel homme noir, la petite quarantaine, paraissant beaucoup plus jeune, très grand, musclé, vêtu d'un pantalon de jogging gris.
— Impressionnante, votre technique, adresse-t-il à Parish.
— Merci, mais je n’ai fait que m’entraîner, aujourd’hui. Comment avez-vous pu voir que j’ai de la technique ?
— Avant-hier. Vous combattiez avec Lenny. C’était bien du Krav-maga ?
— Oui, en effet. Len est coriace comme adversaire. Il me donne du fil à retordre, ça me permet de m’améliorer considérablement, ajoute Parish en souriant pensivement.
— C’est un sournois. Ce sont les meilleurs pour ça, lance son interlocuteur d’un air complice.
L'étranger se rhabille, puis sort. Le jeune homme, un tantinet confus, consulte son téléphone. Il est vingt-et-une-heures. Il doit rentrer.
L’air est frais, la nuit s’est emparée de la ville. Les lumières diffusent leur teinte dorée au-dessus des habitants de la cité à l'architecture de bronze. Le ciel de Chicago se pare d’une nuance cuivrée. Parish lève la tête, puis inspire profondément. Entendant soudain le moteur d’un véhicule imposant, il s’élance vers l’arrêt de bus, situé à quelques mètres du club de sport. Il attrape le car dans la foulée. Depuis trois semaines, le jeune homme s'est repris et arrive à l'heure au travail. L'exercice intense lui permettant de se détendre, de se recentrer, il pense proposer à sa sœur de suivre des cours.
Ce matin de début novembre, Parish arrive vingt minutes en avance. Aaron, son patron, est déjà dans la salle de réunion, café à la main, le regard rivé sur le tableau des victimes. C'est un Afiro-usayen, la quarantaine avancée, à la carrure impressionnante. Toujours stoïque. Il plaît beaucoup aux femmes et en profite, parfois. Sa carrière a mis fin à son mariage. Depuis, il ne cherche plus la stabilité du couple. Il se consacre entièrement aux dossiers de sa section.
— Bonjour, boss, lui lance l’agent en se versant du breuvage encore chaud dans son mug.
— Bonjour, Dorian. Comment va ta sœur ?
— Elle s'en sort, annonce le jeune homme en buvant une gorgée.
Un bruit de pas résonne dans le couloir de l’ancienne fabrique de couture, aménagée pour accueillir la section spéciale. Casey Hartman - ancien marine de presque deux mètres, surnommé « Ice Man » à cause de son caractère froid, détaché, à l'humour grinçant - entre, suivi de Daniella King ainsi que de Karen Berenton. Une belle femme de quarante-neuf ans, aux cheveux courts d’un roux flamboyant.
— Bon, les enfants, vous restez cool. On accueille le nouveau, aujourd'hui.
— T'inquiète, on va pas le manger. Pas vrai les geeks ? s'esclaffe Casey, s'adressant au Capitaine Levar avant de se jeter sur le goudron matinal.
À ce moment, les deux femmes se retournent. Parish suit leur regard, puis s'arrête, surpris. L'inconnu du vestiaire se tient sous le chambranle de la porte.
— Parfait. Team, je vous présente Vaughn Carter. Il sera consultant sur les dossiers les plus sensibles. L'affaire sur laquelle la section travaille, en ce moment, concerne la disparition de jeunes étudiantes. Deux d'entre elles ont déjà été retrouvées mortes, à deux semaines d'intervalle. Balancées à la décharge comme de vulgaires déchets. Kelly Burke, la dernière victime, est portée disparue depuis douze heures déjà. Le tueur a été affublé du surnom de « Doll Master ». Me demandez pas ! Ces journalistes... son profil indique qu'il déshumanise ses proies, les transformant en « poupées de cire ».
— Il les déguise, joue avec, puis les jette, ajoute Vaughn en s'approchant du tableau où sont épinglées les photos des jeunes filles et de leurs cadavres.
Il note que leur maquillage, ainsi que leurs robes, sont identiques. Le tueur semble être à la recherche d'un idéal.
— Une étudiante, c'est une femme en quête d'indépendance. Et ce type n'a pas l'air d'apprécier. On dirait bien qu'il cherche à les dompter, les soumettre à sa propre vision du genre féminin, affirme Dorian, tenant le rapport du légiste ouvert entre ses mains.
Le consultant acquiesce en souriant.
— Il nous reste combien de temps avant qu’il ne tue Kelly ? demande Daniella en jetant un coup d’œil au dossier que tient son collègue Eireen.
— Il les retient vingt-quatre heures seulement, d'après la scientifique. Nous avons donc douze heures pour lui sauver la vie. Allez, au boulot les enfants, il n'y a pas une seconde à perdre.
Levar informe les agents de leur mission, donnant les consignes à chaque binôme.
Aujourd'hui, Parish part interroger les familles et leur entourage avec « le nouveau ». Le jeune homme appréhende quelque peu, cependant Aaron sait ce qu’il fait. Carter étant de nature calme, bienveillante, sa présence auprès des parents des victimes est un choix judicieux. Arrivés chez les Burke, Dorian se met en retrait, préférant observer son collègue. La mère de Kelly tremble de tout son corps, tenant à peine debout. Vaughn l’aide à s’asseoir sur une chaise de la salle à manger. Inclinant légèrement la tête, il indique à son collègue de tenir compagnie à la femme, tandis qu’il s’éloigne vers la cuisine US pour préparer du thé. L’environnement est parfaitement tenu, chaque accessoire est rangé avec une logique optimale. La décoration de la maison est sobre, voire minimaliste. L’enquêteur revient avec un mug et un dessous de verre qu’il pose sur la table. Parish se tient debout, une main sur l’épaule de madame Burke, en pleurs.
La détresse des familles est insoutenable et pourtant les agents doivent garder la tête froide. On ne sait jamais quoi dire dans ces moments-là. Comment trouver les mots justes ? On ne peut donner de faux espoirs, non plus. On ne peut que promettre que la section spéciale fera tout son possible pour retrouver l’enfant, saine et sauve.
Les chroniques du Monde - BEHAVIORS
Réalisation : Alessya M. pour TROLL MAG INFINI-TEA
~*~
— Si je comprends bien, Janette, celui que l'on nomme le Shabah Almawt n'y serait pas étranger ? On dirait pourtant le quotidien normal d'une simple équipe de la criminelle. Ceux-là travaillent pour le FBI, mais c'est la même chose, ils mettent les véreux sous les verrous.
— Sans aucun doute, cher Marcello. Cependant, la Sentinelle a repéré la signature du Shabah. Regardez le cliché. Chicago est auréolée de rouge. Tout comme Boston, Washington, Los Angeles et Miami.
— Il me faut plus de preuves pour me convaincre que quelque chose d'étrange et terrifiant nous guette dans l'ombre, ma Janette...
— Notre pigiste continue d'enquêter, cher Marcello. J'ai une théorie. Je suis d'avis, comme vous, que l'humain est seul responsable de ses actes et que personne ne lui murmure de faire du mal à son prochain. Cependant, rien n'empêche que l'accumulation de toute cette énergie négative ait donné vie à cette entité démoniaque. Et, mue par la haine pure, qui seule est l'émotion dont elle est capable, cette entité développe une conscience biaisée d'elle-même ne pouvant que désirer la destruction de toute vie sur Terre, voire dans le Multivers.
— Votre théorie me plaît, chère Janette. Je pense que la destruction du Multivers est son dessein ultime. Il y a un épisode dans Star Trek avec Tasha Yar... à la semaine prochaine chers Troll-spectateurs et ne trollez pas trop devant l'écran !
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