Elle s'arrête un instant pour contempler le paysage. Elle tourne sur elle-même avec la grâce qui lui est propre afin de pouvoir saisir toute l'ampleur de la haute chaine de montagne qui se dresse devant elle. Au loin, les cîmes enneigées se perdent dans le ciel noir et la neige au sol scintille sous l'effet d'un rayon de lune, réfléchissant la faible lumière qui lui est apportée. La seule présente dans la nature profonde, permettant d'admirer les étoiles qui confèrent une lueur mystique au cours d'eau à ses pied. Elle cesse de tourner et éclate de rire. Un lieu sublime pour mettre fin à la traque qui régit sa vie depuis la lune de sang. Le jour où elle avait été engagée pour ôter la vie. Une fois de plus. Dans quelques heures, la neige étincelante serait souillée de sang. Dans quelques heures, sa victime serait morte et elle, elle serait libre. Elle rabat la capuche sur sa tête et s'enfonce dans la nuit, sa cape noire virevoltant derrière elle face au vent qui sculpte la glace des sommets. Elle arrive au pied de la falaise et enlève les longs gants qui recouvrent ses avant bras pour les laisser s'enfuir dans la nuit. Elle fait craquer ses doigts, un à un, avant de lever la tête pour observer la haute paroi verticale recouverte de glace qu'elle devrait gravir à main nue. Rien de plus facile pour elle. Ce n'est pas pour rien qu'ils l'ont engagée, elle, parmi tous les autres. Ses doigts attrapent une prise, et elle commence à grimper, se hissant sans efforts le long de ce pic interminable balayé par des vents violents. Bien qu'elle soit la meilleure dans le domaine de la grimpe, les deux heures d'ascension commençaient à fatiguer ses muscles, et l'oxygène se faisait de plus en plus rare. Elle crochète une vire et s'y installe difficilement, à bout de souffle. Elle n'y reste l'espace que de quelques minutes. Elle doit finir avant l'aube dont les lueurs rougeâtres commencent à être visibles à l'horizon. Elle fait fondre un peu de neige entre ses mains pour boire puis recommence à se glisser le long des failles qui strient le granite pour avancer. Elle arrive une demi-heure plus tard, se glissant sans bruit vers le domaine de l'Étoile Polaire. Sa victime dort encore. Le palais imposant surgit soudain devant le ciel, et elle sait que c'est son objectif. Elle raffermit sa prise sur la dague empoisonnée qu'elle tient dans sa main avant de rentrer telle une ombre dans la structure réalisée en marbre. Elle n'hésite pas un instant. Elle lève la lame et lui tranche la gorge, la jugulaire de la victime s'ouvrant sans efforts sous la lame acérée de la tueuse. Les yeux marrons se révulsent, et la victime meurt dans un ultime soubresaut. Le sang gicle, tachant la cape noire et la combinaison de la même couleur de la tueuse. Elle dégrafe lentement ses cheveux pour déposer une rose noire sur la gorge de sa victime. Son symbole. Celui qui rendra fou les autorités quand elles s'apercevront que la Reine des Ombres, comme elle se fait appeler, leur a encore une fois filé entre les doigts. Elle quitte le domaine dans le silence le plus total, juste à temps pour assister au lever de soleil le plus splendide qu'elle n'ait jamais vu. Ce n'est question de quelques minutes avant que les domestiques ne découvrent le corps et alertent ceux qui la recherchent depuis maintenant des années. Elle le sait, elle n'aura pas le temps de fuir. Elle se dresse devant la falaise et, sans un mot, se laisse tomber dans le vide.