(VIII)

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Il le posa au sol, intact et épargné, afin de s'apaiser, et sur ses épaules, les frictions du labeur, dures, pénibles, cruelles, prirent sans quartier, en coup de langues de putes, sudations aimables, les senteurs d'un échec. Celui-ci vagissait. Les mains à son ventre, tout prêt à enfanter, puis, d'une minute à l'autre, dans une dernière douleur, disparaître.

— J'ai… j'ai… pe… peu… j'ai peur…

Marat le mit à nu, et, après lui-même, dévisagea au loin.

C'était impossible.

Quand le passé mal pesé empêche une suite, il faut se résigner. Dans l'immédiateté. Ses bons amis filaient, à bon train, arrière, en feu, follet, furieux. Il en ferma les yeux. Sa peau pleurait prou en réprouvant au temps, autant d'acharnement à décharner qui vit. Qui vit d'espoir meurt toujours de désir ; plus aucun ne l'animait plus. Il était immobile.

Seuls ses poings serraient encore, tenaient le cou, à quelques idées allurées de ses bagages. Salopes, s'enflammait-il, mais il était trop tard.

— J'ai… j'ai… fro… froi… j'ai froid…

Marat se défit de ses aides parjures, diluant son sang chaud aux sueurs froides d'Enzo. Il se porta aux mots de celui-ci, et, l'oreille affable, de son embrassade sur lui en fit un berceau. Vieux, fissuré au front, chancelant un chant lent. Pendant que, grelottant, sur cette couche inattendue, surprenant corps-à-corps, le mort découvrait, la tête ivre, de tous nouveaux accords. Une procession, qui mettait à sa peine des habits noirs, devant ses yeux de sombres voiles ; qui résonnait un air suffoqué.

— Je… je… me... meu… je meurs ?

Le sage-homme essuya d'un pouce amène la fièvre d'exister qui perlait sur ses joues. Coulis amers, roulis d'une mer. En terre aride, désolée, où ne se creusent que des sillons stériles, des rides, au soc de l'affliction, qui ne pardonne plus l'audace des fleurs ; jardin suspendu, dans lequel ne croît plus que celle de l'âge : Marat en avait vu d'autres et en verra, mais, pour l'instant, Marat chantait. Psalmodiait un vécu qu'il allongea, auquel il croisa les bras sur la poitrine, et, de ses mains jointes ensemble, le borda d'un drap poussiéreux, d'un drap chaud. Enzo n'avait plus froid ; Enzo n'avait plus peur. Bercé par nos voix qui entonnaient à peu près ceci :

Avetz-vos vist los tilholèrs

Avetz-vos vist los tilholèrs

Qui estón braves, hardits, leugèrs,

Qui estón braves, hardits, leugèrs,

Hasón la promenada

Capsús de Pèirahorada...

Deu tombèu.

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