Chapitre 1. CE QUE VOIENT LES CIEUX

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Alors que la nuit tombait sur un village africain, là-haut, dans le ciel, la nuit ne tombait jamais. Il n’y avait ni lune, ni soleil, seulement une lumière étrange, sans source visible, douce mais implacable, qui baignait l’éternité.

Ce jour-là, comme bien d’autres, les anges se tenaient autour de Dieu, silencieux, leurs regards tournés vers la Terre. Ils ne parlaient pas. Ils attendaient. Là, dans la sphère spirituelle, aucun mot ne venait troubler le silence. Peut-être parce que personne n’avait envie de parler. Peut-être parce qu’il n’y avait plus rien à dire.

Depuis des siècles, ils observaient les Hommes. Ils les avaient vus s’étrangler, se tuer, se vendre entre eux. Toujours les mêmes gestes, toujours les mêmes horreurs. Mais pourquoi ? Aucune réponse ne semblait suffire. Même pour les anges.

Et en cet instant figé, leurs regards à tous s’étaient posés sur Dieu. Comme pour lui demander, sans oser le dire :
"N’est-ce pas Toi qui les a créés ?"

Mais cette fois, c’en était assez.
Comment des mortels, qui vivaient à peine soixante-dix ans, parfois un siècle tout au plus, pouvaient-ils commettre autant d’horreurs en si peu de temps ? Cette question résonnait, silencieuse, dans les hauteurs célestes.

Les cris des opprimés étaient devenus plus lourds, plus denses. Ils ne traversaient plus seulement les airs, ils montaient, ils frappaient, comme s’ils avaient appris à hurler dans un langage que même les cieux ne pouvaient plus ignorer.
Leurs larmes, invisibles depuis la terre, s’évaporaient vers le haut. Et peut-être, oui, peut-être était-ce ces larmes-là qui finissaient par retomber sous forme de pluies torrentielles. Comme un retour. Comme une réponse muette de la nature.

Dans le ciel, les anges murmuraient. Le silence sacré avait été brisé par des chuchotements inquiets.
— Qui sera envoyé, cette fois ? murmurait l’un.
— Je doute que Dieu envoie encore l’un de nous, disait un autre, résigné.
— Et pourtant, ajoutait un troisième, cette fois… quelque chose vient.

Au centre du Royaume, Dieu ne disait rien.
Assis sur Son trône de lumière, Il écoutait.

Ils n’avaient plus envoyé d’anges sur Terre depuis longtemps.
Non pas parce qu’ils s’en moquaient. Mais parce qu’aucun de ceux qui y étaient descendus n’était jamais revenu capable de raconter ce qu’il avait vraiment vu.

Tous avaient été bouleversés.
Aucun ne pouvait expliquer pourquoi l’Homme, placé entre le bien et le mal, finissait toujours par choisir la voie la plus sombre.
Même pour les anges, les mots manquaient.

Et puis, ce jour-là, Dieu se leva.
Il ne dit rien. Il ne donna aucun ordre. Il n’adressa aucun regard.

Autour de Lui, tous les êtres angéliques retenaient leur souffle.
Pourquoi ce silence ?
Pourquoi maintenant ?
Le silence de Dieu faisait plus de bruit que mille voix réunies. Et c’est ce silence-là… qui les fit tous trembler.

Alors Dieu marcha.
Seul.
Sans un mot.

Il s’éloigna lentement du trône, et pénétra un espace que nul ange n’avait jamais osé regarder en face. Un lieu sacré, ancien, invisible même aux plus anciens des archanges. Il n’y avait ni porte, ni mur, mais tous savaient qu’Il entrait ailleurs.

Les anges restèrent figés, pris entre crainte et fascination.
— Il va juger, murmura l’un. C’est son temps.
— Non... Dieu aime trop pour juger. Il va juste s’éloigner, dit un autre.
Mais tous se trompaient.

Car ce que Dieu s’apprêtait à faire… n’avait encore jamais été fait.

Cette nuit-là, sur Terre, la pluie tombait sans relâche sur le village de Mvula.

Les gouttes frappaient les toits de paille comme si le ciel pleurait à leur place.
Les hommes rentraient lentement des champs, les dos courbés, les bras engourdis. Ce n’étaient pas leurs champs.
C’était ceux de leurs oppresseurs.

Les femmes les attendaient, silencieuses, les mains pleines d’attentions. Et dans chaque case, une prière montait. Discrète. Murmurée dans l’obscurité, les yeux fermés.

Une prière adressée à Dieu, mais que seul le ciel pouvait entendre :
“Vois-nous… Aide-nous… Ne nous oublie pas…”

Et là-haut, dans les hauteurs invisibles, ces mots montaient.
Comme des échos pressants.
Et Dieu, pour la première fois depuis longtemps… écoutait autrement.

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