Chapitre 8. LA VOIX QUI TUE LE SILENCE
Les cloches sonnaient dans les villages…
Non pas celles des tambours du peuple, mais celles des églises construites par les prêtres venus d’ailleurs.
Les murs étaient hauts, les croix bien dressées, les chants étrangers résonnaient…
Mais leurs fondations ? Elles n’étaient bâties ni sur la justice, ni sur la vérité.
Les gens murmuraient que Dieu n’y descendait pas.
Même les arbres les plus anciens se détournaient de leurs toits.
Et Awa, un jour, dit tout haut ce que les autres n’osaient même pas penser.
— "Vous bâtissez des églises, mais pas votre propre foi.
Vos prières n’atteindront pas le ciel, car vos cœurs n’y montent pas."
Les mots volèrent comme des flèches dans le vent.
Ils atteignirent les oreilles du Père Joseph, le chef spirituel des missionnaires.
Il trembla. Il rougit. Il écuma de rage.
— "Cette enfant parle comme si elle avait vu Dieu.
Elle est un danger, un poison, une hérésie vivante."
D’abord, ils tentèrent la douceur.
Des cadeaux. Des vivres. Des robes blanches. Des livres dorés.
Un jour, trois prêtres vinrent jusqu’à elle, humblement vêtus.
— "Petite Awa, tu es sage, mais tu n’es qu’une jeune fille. Viens avec nous. Tu seras bien traitée. On t’écoutera."
— "Vous m’écoutez déjà, dit-elle en souriant. Mais vous ne m’entendez pas. C’est votre peur, pas votre foi, qui vous amène ici."
Et elle refusa.
Alors, ils choisirent l’autre voie.
"Faites-la taire", murmura le Père Joseph. "Par tous les moyens. Qu’elle ne prophétise plus jamais."
Un plan fut lancé dans l’ombre.
On parla de poison, d’accident, de disparition discrète.
Mais la voix d’Awa volait plus vite que leurs complots.
De son côté, le gouverneur Arnaud Delambre, toujours intrigué, voulut lui aussi la voir.
Quand il apprit que les prêtres tentaient de la faire disparaître, il s’emporta :
— "Elle m’a échappé une fois, mais si vous la détruisez, vous détruirez aussi ce mystère qui m’intrigue. Je veux la voir, moi seul !"
Il fit porter un message au village.
Mais Awa avait pris les devants.
Elle avait écrit elle-même au gouverneur.
Un vieux soldat, porteur du message, lut à voix haute devant le conseil du Fort :
— "Dis à tes prêtres ceci : s’ils arrêtent de me chercher pour me tuer, ils finiront par me trouver. Et alors, je viendrai à toi. Je te ferai cet honneur."
Le silence dans la salle fut pesant.
Certains rirent. D’autres froncèrent les sourcils.
Arnaud, lui, sourit doucement.
— "Quel courage… ou quelle folie…"
Il donna l’ordre que sa sécurité soit assurée, et que les prêtres cessent toute tentative contre elle.
Mais le Père Joseph refusa d’obéir.
— "Je lèverai pas le cœur, dit-il, mais je ne baisse pas les bras non plus. Le ciel doit choisir entre elle… et nous."
Ainsi, la tension monta dans le silence des jours à venir.
D’un côté, le gouverneur attendait.
De l’autre, les prêtres tremblaient de peur que leur dogme soit mis à nu.
Et au milieu, Awa… marchait lentement vers son destin.
Car dans le ciel, l’ange qui devait descendre était déjà debout.
Il attendait seulement que le temps soit mûr…
Et que la voix d’une jeune fille brave le tonnerre du monde.
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