Tu me manques

3 minutes de lecture

: Ariel, ma chérie, tu ne dors toujours pas ?

Elle passa l'encadrement de ma porte. Ses vieux colliers et bracelets balançaient, produisant de petits tintements mélodieux.

: Non... j'ai peur...

Elle s'assit au bord de mon lit et me prit dans ses bras. Sa chaleur et son parfum au jasmin si rassurant suffisaient à m'apaiser.

: De quoi as-tu peur, mon petit cœur ?

: Des cauchemars...

Elle me caressa doucement la tête et esquissa un sourire.

: J'ai le sortilège parfait pour te protéger des méchants rêves.

Elle retira un de ses colliers de pierres dont j'étais incapable de retenir les noms. Elle me le mit autour du cou et me chuchota...

: Surtout, n'oublie pas de réciter la formule magique.

: Si dans mon cœur rien n'est noirceur, alors mes rêves seront douceur.

: Exactement. Fais de beaux rêves, ma chérie.

Elle m'embrassa, se leva et quitta ma chambre en laissant la porte légèrement entrouverte. Ma petite veilleuse scintillait faiblement à côté de mon lit. Je serrai le collier dans mes mains et fermai les yeux.

: S'il vous plaît, petits cailloux, faites que les méchants ne me trouvent pas ce soir.

Je me recouchais sous la couette et le sommeil me happa.

---------------------------------------------------

J'avais cinq ans lorsque mes nuits commencèrent à devenir chaotiques. Je me réveillais en sueur, haletante et en pleur. J'étais si terrifiée que je ne trouvais même pas le courage de sortir de mon lit pour aller chercher mes parents. Je ne faisais que hurler depuis ma chambre en espérant qu'ils m'entendent et viennent à ma rescousse. Mes parents avaient laissé passer quelques semaines avant de réellement s'inquiéter. Par extension, leurs nuits devenaient aussi insupportables. Ils avaient de grosses valises sous les yeux et étaient constamment en manque de sommeil et sur les nerfs. Quant à moi, je m'endormais en classe et les profs rappelaient systématiquement mes parents pour qu'ils viennent me chercher.

Mes parents avaient alors pris rendez-vous avec des psychologues, des psychanalystes, des hypnotiseurs, des médecins… J'étais passée entre les mains de tout un tas de spécialistes. Dans un dernier espoir de comprendre ce qu'il se passait, un médecin m'a envoyé pendant trois jours passer une polysomnographie à l'hôpital. Terme que je m'étais vantée de connaître auprès de mes camarades de maternel. Mais, aucun médecin n'était capable d'identifier l'origine de mes nuits catastrophiques. À cinq ans, j'avais fait quasiment le tour du pays de tous les médecins spécialisés dans les troubles du sommeil. Mes parents, désespérés et épuisés, se sont alors tournés vers des professions alternatives à la médecine. Certains mirent mon problème sur le dos des écrans, disant que je devais certainement regarder des programmes inadaptés à mon âge. D'autres refusèrent de me revoir en thérapie et conseillèrent à mes parents de déménager.

Ce conseil créa des disputes entre mon père et ma mère...

Ma mère envisageait sérieusement de déménager. Elle ne voulait pas en expliquer les raisons précises à mon père, mais elle disait que changer d'environnement me ferait certainement du bien. Après tout, on ne peut pas guérir dans l'endroit qui nous a rendus malades.

Mon père, étant très cartésien, refusa d'abandonner sa maison d'enfance. Il hurlait à ma mère que ces "babas cool" comme ils les appellent, sont des charlatans qui s'imaginent des superpouvoirs.

Entre le manque de sommeil, la fatigue permanente et les disputes, mes parents finirent par se séparer...

Je partis vivre avec ma mère dans une autre ville et j'entrai à l'université en sciences économiques, car c'était une des seules filières proches de notre appartement qui ne me dégoutait pas trop.

Malgré le déménagement, les cauchemars continuèrent par pédiodes. Ma mère et moi ne savions plus quoi faire. Alors, je dormais le moins possible la nuit et je faisais quelques petites siestes la journée. J'avais peur de m'endormir le soir. Alors, il m'arrivait de passer la nuit avec ma mère.

Je voyais mon père un weekend sur deux et il venait parfois me rendre visite en semaine sur ses jours de congé. J'adore mes parents.

Je les aime si fort…

Je me lève du lit et regarde une dernière fois le cadre qui contient précieusement la photo qu'on avait prise les deux à Disneyland le jour de mes huit ans. Je la dépose délicatement sur le dessus de mes affaires et referme ma valise.

Je saisis la poignée de la porte de chambre à ma mère et observe une dernière fois son décor fait de pierres précieuses, d'encens brûlés et de fioles de mélanges de diverses plantes et baies. Je respire une dernière fois cette odeur de jasmin mélangée à de l'encens froid dont les draps de lits s'étaient imprégnés. Je referme la porte, les larmes aux yeux et je sors de mon ancien appartement.

Maman... tu me manques.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Lia coco ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0