Quatre saisons
À l'ombre du cerisier fleuri, l'air est doux. Teresa a étendu une nappe bariolée sur l'herbe nouveau-née. Les senteurs de vétivers l'étourdissent. Elle lance à ses enfants qui sortent de la maison chargés de paniers :
— Il fait si beau !
Joyeux, ils rejoignent leur mère. Bientôt, les nourritures sont étalées ; salades de riz, salades de fruits, chips et charcuteries, pain frais et pain grillé ; pique-nique printanier. On se nourrit, on boit l'eau qui pétille, on parle ; un moment de joie sous un ciel qui rit. Ceci durant le repas et l'après-midi. Arrive enfin la fraicheur, l'heure où s'assoupissent les fleurs, ou la lune monte, éclaire la famille qui vers la maison se replie.
Le cerisier passe la nuit… Pour s'éveiller à l'été.
— N'oubliez pas les chapeaux !, conseille Teresa aux enfants.
Les couvre-chefs sont sortis. Alors que les branches lourdes caressent la terre de leurs fruits rouges et rebondis. Pendants d'oreilles pour tous ; éphémères ornements agités à l'air chaud de ce temps. Et voici que croquent les dents. Et voici que les joues s'arrondissent et le jus coule entre les doigts gourmands. Personne n'oublie de remplir les paniers ; belle récolte qui parera nombre de clafoutis, de bocaux de liqueurs, de compotiers ; se mariera aussi avec ce chocolat fondant sur drupes cramoisies. De superbes journées les attendent avant que ne sonne la saison qui suivra.
Autrement colorée...
Autour du cerisier mordoré, l'automne s'est invité. Maman et les enfants, sous le vent, ramasse les feuilles échouées ; l'herbe folle de l'été s'en est allée. À pleines brassées, ils dressent des montagnes autour de l'arbre-forteresse. Et, ils deviennent chevaliers assiégeant un roi détesté ; les sommets écroulés, brisés par les mini-guerriers. Et Thérésa consternée qui crie :
— Non, faut tout recommencer !
Ainsi la magie est-elle brisée ; montagnes, chevaliers et forteresses se délitent. Penauds, les bambins se dandinent ; Maman saura-t-elle pardonner ? Son air sévère. Ses sourcils froncés. Sa bouche pincée. Mais, soudain, ses lèvres s'incurvent ; un sourire nait ! Plus amusée qu'irrité, elle se saisit d'une brassée de feuilles et la jette sur ses enfants surpris. Les rires retentissent et aussitôt, ils l'imitent ; la bataille est lancée. Un bon entrainement pour celles à venir quand la saison froide pointera le bout de son nez.
— Les bonnets, les écharpes et les gants et les bottes fourrées !
Le ton de Thérésa est impératif et les enfants obéissent ; ils se hâtent et s'équipent, puis sortent en trombe de la maison. Ils tracent sur le sol enneigé, la marque de pieds emmaillotés. Maman prudente est dans leurs pas. Tous arrivent vers le cerisier et ils s'arrêtent, émerveillés ; l'hiver a surchargé d'immaculée les branches de l'arbre endormi. Le silence autour est palpable, pas de bruit, à peine un cri de corbeau qui résonne dans l'air. Tous frissonnent, impressionnés, presque effrayés ? Maman rompt la solennité, elle envoie la première boule de neige, vite les petits ont riposté ; cela devient bataille rangée. Rires et froid ; exclamations et munitions, accumulées.
Mais l'affrontement cesse, la paix est signée et tous se rassemblent pour édifier le bonhomme de neige de la conciliation. Ensuite, c'est le retour vers la maison ; la nuit tombe. Devant le feu après le chocolat chaud, la famille s'est endormie.
Dehors la neige s'est remise à tomber sur le cerisier engourdi sans doute jusqu'à la belle saison
Annotations