02 août 1990, Forces spéciales irakiennes, palais de Dasman, Koweït.

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00:10 à la montre.

  • C'est l'heure.

   Son regard balaye le salon, déchiffre avec paresse les tapisseries matelassées fixées aux murs, dévisage l'espace d'un instant les hommes rassemblés dans cette maison miteuse. Certains, avachis dans les canapés, se réveillent de leur sieste improvisée. D'autres jettent leurs cartes à jouer en trainant bruyamment leurs chaises en osier. Le plancher grince sous les multiples bottes qui se pressent. Un faux-placard est déplacé, dévoilant une armurerie quasi-complète.

  • Va prévenir la vigie.
  • Reçu.

   L'homme se dirige à pas rapides vers le balcon. Quelques mots sont échangés, des banalités. La vigie siffle, le signal est donné.

  • On s'équipe messieurs ! Départ dans 25 minutes.

   La dizaine de commandos s'arment ; les gestes sont mécaniques, précis, incisifs. Les chargeurs sont garnis, des boîtes de munitions sont remplies. Fusils d'assaut, mitrailleuses lourdes, grenades, cocktails molotov. Tout ce qui a pu être amassé ou fabriqué pour l'assaut est empaqueté, puis embarqué.

   Pour lui, tout est prêt. Il réajuste ses chaussures, resserre son gilet pare-balles. Il jette un coup d'œil par la fenêtre, les camionnettes viennent d'arriver.

  • Ils sont là, on descend.

   Les soldats descendent les marches en silence : il ne faut alerter personne. D'autres hommes sortent des maisons alentours, tous armés jusqu'aux dents. Il ouvre la portière d'un des vans, ils s’entassent le plus possible sur les bancs sommaires. Les véhicules démarrent en trombe, direction le lieu de rendez-vous.


   00:57 à la montre.

   Le bruit des pales leur parvient depuis la mer. Presque à l’heure.

  • Balise la plage. Qu’ils sachent qu’on les attend.

   Quelques commandos craquent des bâtons lumineux et les jettent sur le sable. Au loin traîne un couple de promeneurs nocturne. Il faut faire vite. Émergeant depuis les ombres, les hélicoptères se posent en un éclair. Deux Hind armés de roquettes débarquent cinq hommes chacun.

  • On vous attendait plus nombreux.
  • Les Pumas sont juste derrière nous, on attendait que ça soit dégagé.
  • Bien. On va se mettre en place. H-28.
  • Entendu.

   Le temps que les troupes aéroportées arrivent, les commandos vont se mettre en place. Les véhicules sont abandonnés : trop voyant, plus assez pratique. Leur trajet à pied est tout tracé : 1.5 kilomètres dans la ville, de nuit, tout équipé. Vitesse et discrétion seront leurs atouts. Alors ils s’élancent ; il ne faut pas perdre un instant. Ils ne suivent que les petites rues, se frayent un chemin entre les poubelles et les climatiseurs. Il ne cesse de regarder sa montre, il ne faut pas être en retard.

   Le poste de filtrage est en vue, ils se placent. La vigie ne les a pas encore remarqués, ce n’est pas l’heure.

  • H-3. Préparez-vous.

   Il vérifie que son arme est bien chargée, son équipement bien fixé. Tout est sanglé, accroché, prêt à être dégainé. Il s’empare de la radio.

  • On est en place. Vous en êtes où ?
  • On vient d’arriver.
  • Reçu, attendez le signal.

01:30 à la montre.

   Les turbines des avions résonnent dans la nuit noire. Pile à l’heure. Il s’empare de la radio, fait signe à ses camarades.

  • On engage.

   Les hommes s’élancent vers le portail. La vigie, surprise, déclenche l’alarme avant d’essuyer des tirs. Derrière les murs, les sirènes retentissent. Au-dessus d’eux, les parachutistes fleurissent par dizaines et se pose dans le parc du palais.

  • Fais sauter le portail !

   Il saisit un pain de C4 et l’attache sommairement aux gonds de l’immense portail de fer.

  • Reculez, ça va péter !

   L’explosif fait son affaire : la pierre et la poussière sont projetés en tout sens, la grille s’effondre sur le bitume.

  • En avant !

   Les commandos rejoignent les troupes aéroportées et avancent à bon rythme en direction du palais de Dasman. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que l’émir a été évacué et placé en lieu sûr. Dans le jardin, les tirs fusent dans toutes les directions, les balles traçantes zèbrent la nuit de raies rouges. La garde rapprochée du palais se défend farouchement face à l’envahisseur.

— Massacrez ces chiens !

   Il s’empare d’un cocktail molotov, le jette par la fenêtre brisée. L’instant d’après, un homme se défenestre dans un hurlement lugubre. Toujours vivant après sa chute du premier étage, il rampe en se tortillant de douleur. Pourquoi abréger sa misérable existence et gaspiller une cartouche ? Sa carcasse s'immobilise, ses vêtements continuent de le rôtir.

   Le combat fait rage. Les tirs résonnent dans la cour vide, une voiture est en proie aux flammes. À sa gauche, des renforts arrivent ; pas pour le bon camp. La Garde émirienne ainsi que la Police koweïtienne les descendent des véhicules et repoussent les forces irakiennes.

  • On se replie ! Reculez !

   Derrière lui, les fusils crachent encore leur tonnerre de plomb. Il n’a pas le temps de regarder d’où ça vient. Un de ses camarade traîne un parachutiste blessé. Une bonne partie de son bras est couvert de sang, son gilet en a également pris la couleur. Il doit en sauver le plus possible, coûte que coûte. Il saisit une grenade, la dégoupille, puis la lance. Un écran de fumée épaisse masque bientôt le repli catastrophique.


04:22 à la montre.

   La première vague fut un échec cinglant, mais la seconde se prépare. Des renforts irakiens débarquent en nombre sur la plage : des véhicules blindés continuent d’arriver, leurs équipages les accompagnent ; un patrouilleur navigue non loin de la côte, il fournira un appui-feu. Autour d’une carte, le commando, un parachutiste et un marin discutent.

  • Alors, toi avec ton groupe, vous appuierez le groupe B et vous rentrerez par-là. Le groupe A sera en éclairage. Tirez sur tout ce qui bouge, je ne veux pas de prisonniers. Faudrait faire tomber ce point très vite, on a eu beaucoup de difficultés lors du premier passage.

   Un officier marinier se dirige au pas de course vers les tacticiens.

  • Mes respects ! Nous sommes bientôt prêts à partir. Une partie des effectifs restera avec les blessés, au cas où.
  • Entendu, on y retourne. Rompez.

   L’officier marinier salue et tourne les talons.

  • C’est clair pour tout le monde ?

   Les tacticiens acquiescent silencieusement. Le commando soupire, saisit son arme et sort de la tente de fortune. Sur la plage, le dispositif se met en marche. L’air emporte les embruns de la mer et les fumées noires des véhicules. Fusil à la main, il avale avec peine quelques gorgées d’eau et une barre de céréales. Il siffle et fait signe à son unité que le départ est ordonné. Le reste des hommes remplissent les véhicules rapidement, les commandos s’installent sur le dessus. Tout ce beau monde s’engage sur la route déserte qui mène au palais.


05:07 à la montre.

   Les véhicules du groupe A percent les maigres défenses extérieures et vomissent leur contenu. Les parachutistes et les marins se dispersent très vite. Les premiers bâtiments sont contrôlés alors les blindés avancent. Le groupe B progresse aussi, couvert par les commandos. Très rapidement alertés par le hurlement des moteurs diesel, la Garde émirienne se manifeste. Les canons de 20 millimètres font rapidement taire les quelques koweïtiens isolés. L’endroit semble avoir été abandonné.


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