Épisode 5 - La Belle VS Le Prince

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Opening : https://www.youtube.com/watch?v=3yoLXIQd2cM

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 Une mèche glissa le long de la joue de Mey-Lynn, dont le noir d’ébéne faisait ressortir la pâleur. Evaline retira les larmes au coin de ses yeux et les replaça convenablement, songeant qu’elle était encore plus jolie la chevelure détachée qu’avec ses tresses.

 Le contact la tira de sa torpeur. Eblouis par le soleil du midi de Chikara, elle peina à entrouvrir les yeux. Baignant dans la lueur en la faisant resplendir, Evaline donnait l’impression à la Sabishii de se retrouver face à son ange gardien, sa silhouette brillante d’un halo doré.

— Salut, chuchota-t-elle d’une voix faible.

— Salut ma belle, lui répondit la kunoichi aux mèches de prunes, le regard humide.

 Mey tenta de se redresser, mais ne parvint qu’à raviver la douleur à son flanc droit. Elle y posa une main crispée et grogna en laissant sa tête retombée contre l'oreiller.

— Doucement, lui dit son amie en replaçant délicatement le drap sur Mey. Tu as besoin de repos.

— M’en fous, répliqua la Gensouarde en ricanant. Ce soir, je veux te voir défoncer le connard.

 D’un pâle sourire, Evaline lui caressa la joue. Mey-Lynn plissa les yeux, comme pour sonder son amie. Ressentait-elle le tourment qui l’habitait, malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître ?

— Ménage toi si tu veux y assister, l’encouragea la Sabayaku en affichant son sourire le plus convaincant.

— Si Izyroth ne m’y emmène pas, je lui latte les couilles, ricana Mey-Lynn avant de poser son visage contre la main de Evaline, qui continua à l'apaiser.

 Avant de se laisser emporter par la fatigue, elle chuchota :

— Désolé de ne pas avoir réussi à me le faire…

 La nymphe laissa échapper un sanglot, la gorge nouée par la culpabilité qui la brûlait à petit feu. Depuis le moment où Takeshi avait traversé le corps de son amie de sa lame, Evaline n’avait cessé de se maudire pour l’avoir poussé au delà de ses forces, se torturant l’esprit en se demandant si la Sabishii aurait songé à abandonner le match plus tôt sans leur stupide promesse.

 Lasse, Evaline se rassit et pencha la tête en arrière, laissant sa chevelure brune veinée de prune glisser le long du dos de la chaise. Presque sans sommeil, elle peinait à réaliser que le soir même, elle ferait face à celui qui n’avait pas été loin de lui enlever sa meilleure amie.

 Se refaisant le film des événements, Evaline se voyait quitter les gradins en catastrophe pour intercepter Izyroth et son équipe, hurlant sans s’entendre jusqu’à atteindre son amie. Face à la détermination de la jeune femme, il n’avait pas songé à la congédier. Mais arrivée au bloc opératoire, elle fut contrainte d’attendre dans l’angoisse que les infirmiers fassent leur travail.

 Au chevet de son élève sur la table d’opération, le médecin aux cheveux d’argents envoya une Chikarate de confiance faire un bilan à Evaline. D'une extrême bienveillance, une dame au visage anguleux s'était alors penchée sur une Evaline à demi-endormie, prostrée contre le mur adjacent à la porte du bloc opératoire. Réveillée par une fragrance mêlant fleur d'oranger et vétiver, elle eut un moment de flottement face à cette femme aux cheveux courts, d’un noir de jais. Rassurante, l’infirmière lui expliqua que Mey-Lynn était tirée d’affaire et ne souffrirait d’aucune séquelle, excepté deux cicatrices, là où le tantô avait grillé la peau. Ces bonne nouvelles n’avaient pas empêché la Sabayaku de subir une quasi nuit blanche d’angoisse, veillant son amie dans sa chambre d'hôpital.

 Une porte s'ouvrit brusquement, tirant Evaline de ses pensées en un sursaut. Furieuse, elle fusilla Kezashi du regard, qui soupira en constatant sa présence.

— J'espérais ne pas te trouver ici. Tu n'as pas le luxe de perdre du temps, Evaline.

 La kunoichi aux mèches de prunes croisa bras et jambes, avant de détourner le regard de son mentor.

— Et où devrais-je me trouver, alors que mon amie a besoin de moi ? rétorqua-t-elle, acide.

— À l'arène, affirma le Hykao, indifférent au ton de son élève. À étudier tes potentiels adversaires.

 Evaline soupira d’exaspération, faisant soulever la mèche violette posée au bout de son nez.

— As-tu réfléchi à une stratégie ? l’interrogea le Chuunin, sans une once de pitié.

— Abandonner, lâcha Evaline, sans réfléchir.

 Le corbeau de Kezashi se posa au pied du lit et foudroya la demoiselle du regard.

— Je te l'interdis, lui ordonna froidement Kezashi.

— Vous êtes payé par Gensou pour briser du Genin, Hykao ? asséna une voix vaguement familière dans leur dos, d’une colère palpable.

 Le corbeau et Evaline se tournèrent d’un même mouvement vers l’infirmière qui avait aidé à l’opération de Mey-Lynn. Kezashi resta statique, mais la jeune femme aux mèches de prunes remarqua ses poings serrés.

— Je ne vous permets pas, Boshi, gronda t-il à l’intention de la nouvelle venue.

— Je n’ai pas souvenir d’être soumise à une quelconque permission.

 Droite, l'infirmière passa devant Kezashi et prit la tension de sa patiente, une moue préoccupée s’affichant rapidement sur son visage. Laissant la médecin faire son travail, l'oiseau se décala vers Evaline.

— Mey-Lynn a reçu les soins nécessaires et n’a pas besoin que tu la couves, reprit Kezashi, calme malgré la tension qui couvait entre lui et la Chikarate.

— Encore une erreur, l’interrompit froidement l'infirmière, alors que Evaline venait d’ouvrir la bouche pour répondre à son sensei.

 Déterminée à aller au bout de son argumentaire, la femme enchaîna sans le laisser reprendre la main.

— Ses constantes sont régulières, expliqua-t-elle avec professionnalisme. Physiquement, Mey devrait commencer à se remettre.

— Pourquoi n'arrive-t-elle donc pas à se maintenir éveillée ? lui demanda Evaline d’une voix tremblante.

 La Chikarate soupira et se releva, notant quelque chose sur le dossier de Mey-Lynn, qu’elle fit glisser au pied du lit.

— Le mental, dit-elle en désignant son front. De ce que j'en vois, le chamboulement subi a provoqué chez elle une forme de stress post-traumatique.

 La dame aux cheveux de jais adressa un sourire rayonnant à Evaline, qui lui apporta pour la seconde fois un peu de réconfort depuis l’horrible blessure de la Sabishii.

— N’écoute pas les shinobis. Ton amie a besoin de toi.

 Snobant le grognement de l’Hykao, elle se dirigea vers la sortie de la chambre en lui jetant un dernier regard noir.

— Je vous laisse, lâcha-t-elle froidement. Tsumyo doit recevoir son traitement.

 Kezashi lui rendit son regard, tandis que Evaline soupira de soulagement. Bien souvent épuisée de combattre seule la philosophie du musellement des sentiments des shinobis, recevoir du soutien était rare et précieux pour celle qui aspirait à changer le système de l’intérieur. L’Hykao fit quelques pas vers elle, la tendant instinctivement.

— Désolé.

 Surprise, Evaline se tourna vers son sensei. Bien qu’aveugle, il était tourné vers Mey-Lynn, les poings toujours serrés.

— J’oublie parfois que la vie n’est pas toujours un combat, ajouta le Chuunin aux corbeaux, chaque mot semblant lui coûter.

— On t’a élevé pour raisonner ainsi, tenta de le rassurer Evaline, quelques mèches glissant sur son visage.

 Kezashi posa une main sur son épaule. Surprise, elle se sentit agréablement réconfortée par la chaleur de sa paume et lui adressa un léger sourire.

— Heureusement, des personnes telles que toi sont là pour nous rappeler notre humanité.

 Par cette simple phrase, Kezashi réalisa l’exploit de parvenir à la faire rougir. Décontenancée, elle baissa la tête sur ses mains, qui se crispèrent sur ses genoux, le cœur battant fortement contre sa poitrine.

 Elle releva finalement le regard sur le visage épuisé de la Sabishii, sentant la flamme de la détermination se raviver en elle. Le visage narquois de Takeshi s’imposa en son esprit, lui faisant se mordre la lèvre de colère. Hors de question que cet enfoiré s’en sorte à si bon compte. Mais comment vaincre quelqu’un capable de téléportation ? Semblant sentir le changement mental en son élève, la poigne de l’Hykao se raffermit, comme pour lui transmettre une partie de sa force.

— Tu as toutes les armes en main, Evaline.

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 Attendant que son nom soit enfin appelé, concentrée, Evaline tâchait d’ignorer les éclats des jutsus du duel en cours. Le tumulte des gradins lui martelait les tempes, et ses mains tremblaient légèrement d’appréhension à chaque cri de douleur qui lui parvenait. En plein exercice d’assouplissement, la jeune femme faisait entièrement fi des rares présents dans la salle d’attente, déterminée à ne pas se laisser parasiter. Jouant le dernier match de la journée, son court isolement lui permettait de faire le point sur sa stratégie et de trier ses pensées. Avant son entrée, la kunoichi était dans l’obligation d’avoir les idées claires pour espérer l’emporter.

— Tu es certaine de vouloir y aller ? lui demanda une voix dans son dos, qui accéléra instantanément le rythme de son cœur.

 Evaline se redressa et se tourna vers Shiro, tentant de le rassurer en lui adressant le sourire le plus solaire dont elle était capable. Mais les crispations de son visage trahirent son mensonge.

— On se fiche de ce que pense Kezashi, tenta de le rassurer maladroitement son policier en un sourire amer.

 La demoiselle aux mèches de prunes détourna le regard, à la fois touchée par son inquiétude et peinée de son manque de confiance.

— Je le dois à Mey, répondit-elle d’une petite voix.

 Shiro lui prit la main et tiqua en la sentant moite d’angoisse.

— Vous n’avez pas à souffrir toutes les deux pour cette raclure, affirma t-il, la colère bouillonnante dans sa voix.

 Elle lui lui sourit, se demandant s’il parlait de Takeshi ou de Kezashi. Une discussion au sujet de sa décision de devenir l’élève du Chuunin aux corbeaux semblait s’imposer. Mais cela devait attendre.

— C’est mon choix, lui assura-t-elle doucement.

 Tous deux se contentèrent de se fixer, Evaline profitant de la présence de son Yuushi. A son expression, elle savait qu’il ne la croyait pas, mais peu lui importait. Emporter un visage amical en son cœur lui donnait une force supplémentaire contre le Masumane.

 Finalement, ils furent arrachés de leurs bulles par l’appel tonitruant de son nom. Evaline se pencha vers Shiro et déposa un baiser sur sa joue, tout en lui chuchotant :

— Regarde-moi.

 La demoiselle aux mèches de prunes lui tourna le dos, noua sa chevelure en une queue de cheval et entra sur le terrain, le pas déterminé. Acclamée par un public en furie, grisé par les précédents combats, Evaline se dirigea vers le centre du terrain, faisant craquer le cuir de ses gants en les revêtant, un son devenu réconfortant à ses oreilles. Bras croisés, Takeshi Masumane la toisait déjà de son regard présomptueux.

— Pressée de partager la chambre d’hôpital de ta copine ? ricana t-il lorsqu’elle fut face à lui.

 Pour toute réponse, Evaline se contenta de lui adresser un charmant clin d'œil. Décidée à rester concentrée, il était hors de question de tomber dans son jeu de provocation. La kunoichi jeta un regard aux tribunes, de là où Mey l’observait. Bien qu’elle savait que son amie ne voyait que sa silhouette, elle ne put s’empêcher de lui sourire.

— Prêts ? leur demanda Miiyu, tendant son fouet devant elle.

 Evaline hocha la tête, tandis que le Masumane décroisa les bras sans se départir de son rictus cruel, qu’il réservait à ses proies. Pour lui, chaque combat était une chasse. Evaline allait souffrir, comme Mey avant elle. Le sadique savourait ce jeu délicieux qui allait démontrer une fois de plus sa supériorité sur cette génération misérable de shinobis amoindris par la paix.

 Après leur avoir accordé à chacun un dernier regard préoccupé, la Mahousarde donna le départ du duel en frappant le sol en soulevant une volute de fumée, avant de s’éloigner alors que Evaline se jetait sur le bourreau de sa meilleure amie.

 Observant chaque mouvement de son adversaire, la Genin décocha plusieurs frappes, toutes parées ou esquivées par le Chikarate. Rapidement débordé par Evaline, Takeshi la repoussa et prit ses distances à plusieurs reprises, lui tournant autour en plusieurs saltos, durant lesquels la kunoichi remarqua les étranges mouvements de mains au sol dont Mey-Lynn lui avait parlé.

 Evaline en était certaine, Takeshi s'économisait pour la suite. Mais cette fois, il ne bénéficierait pas de l’effet surprise. Elle-même était toute en retenue, attentive au moindre changement chez son adversaire afin de percer le mystère de son pouvoir.

 Après avoir esquivé un crochet en se baissant à même le sable, le Masumane ricana et disparut comme par magie alors que Evaline tentait de l’écraser du talon. Une fraction de seconde plus tard, un choc au flanc la plia de douleur. Le souffle coupé, elle s'éloigna instinctivement d’un bond. Face à elle, l'œil gauche de Takeshi se teinta d’écarlate, avant que sa silhouette ne s’évanouisse à nouveau dans le néant. Un choc sourd électrisa le dos de la demoiselle, avant qu’elle ne se sente projetée en avant jusqu’à finir face contre le sol sableux de l’arêne.

— Je me lasse déjà, ricana cruellement le Chikarate. Bouge-toi ou j'abrège cette farce.

 Lorsqu’elle se releva en titubant, Takeshi fut étonné de ne pas lire la frayeur habituelle de ses victimes sur le visage de la Gensouarde. Au contraire, la jeune femme souriait, presque victorieuse.

— Tu craques déjà ? la provoqua t-il, railleur.

 Pour toute réponse, Evaline se contenta de dépoussiérer sa tenue de quelques tapes. Durant ses rares moments de lucidité, Mey lui avait donné deux informations capitales. Dans un premier temps, Takeshi ne cessait de fuir et effectuait de drôles de gestes des mains au sol, comme s’il traçait quelque chose. Ensuite, son œil gauche, certainement un dojutsu, devenait rouge sang avant chaque téléportation. La Sabishii avait été prise de court durant son combat, mais avait fait le lien avec son amie entre les deux actions. Provocatrice, Evaline sourit et prit une position de combat, tendant une main vers Takeshi avant de l’inviter à s’approcher.

 L'œil gauche vira démoniaque et regarda non loin du pied gauche de la demoiselle aux mèches de prunes. Apparaissant à ses côtés, Evaline para son poing du plat de la main, sans même daigner changer de posture. Sans se départir de son sourire victorieux, elle se contenta d’un pas de côté et profita de la stupeur de Takeshi pour l’éjecter d’un puissant coup de pied au flanc. Après un vol plané ponctué de douloureuses glissades au sol, le prodige des Masumane se redressa et réitéra son coup fétiche.

 Réapparaissant à quelques mètres du dos de Evaline, Takeshi effectua une impulsion, comptant profiter de l’accélération pour lui briser la colonne. Comme soudainement doté d’un troisième œil, Evaline se retourna et saisit le poing dans sa paume. Takeshi tenta un uppercut, contré de la même manière. Sans laisser le temps au jeune homme de réagir, la Sabayaku cala un violent coup de genou en plein menton, le faisant chuter dos contre terre.

 Décidée à profiter de son effet de surprise, Evaline l’aveugla d’un jet d’eau dans les yeux et se jeta sur lui, le martelant sans aucune pitié de coups de poings en plein visage.

— Tu vas payer, enfoiré ! rugit-elle, tandis que le sang commençait à gicler au sol.

 Dès qu’il le put, l'œil de grenat s’ouvrit, lui permettant de s’évaporer. Evaline se redressa et le toisa du regard, ayant identifié son point de réapparition à quelques mètres d’elle. Prostré tel une bête blessée, le visage contusionné, Takeshi tremblait de rage. La jeune femme se rendit alors compte que le public était déchainé, emporté par ce combat étonnamment palpitant.

 Contrer sa technique n’avait rien de compliqué lorsque l’on comprenait l’astuce. Mey-Lynn avait vu juste, Takeshi traçait une sorte de marqueur de Chakra au sol, invisible à tous sauf à son œil écarlate. De ce qu’elle en percevait, le prodige réalisait ensuite une vicieuse substitution améliorée, donnant l’illusion d’être capable de téléportation. Il suffisait de surveiller son regard, pour anticiper dans quelle direction le Genin allait réapparaître. Evaline avait également perçu que chaque déplacement demandait une fraction de seconde de repos à son œil, illustré par l’alternance entre sa couleur d’émeraude et écarlate.

 Fière de l’avoir percé à jour, Evaline leva le menton avec dédain, renvoyant son insolence au Masumane qui n’était pas si insaisissable finalement. Un tic nerveux secoua l'œil gauche du Chikarate, tandis qu’une ecchymose se formait sous le droit.

— Le brillant Genin se replie face à une faible femme ? minauda-t-elle en esquissant une moue faussement surprise en plaçant une main devant sa bouche devenue ronde.

— Sale pute, gronda le Masumane, l’orgueil meurtris. Comment oses-tu ?

— T’éclater la gueule ? demanda-t-elle en battant des cils.

 Elle désigna son poing et lui fit un clin d'œil.

— Avec ça.

 En un rugissement de frustration, l'œil de Takeshi redevint grenat. Mais avant qu’il ne puisse disparaître, Evaline envoya un fin trait d’eau condensé à son point d’accroche. Le Chikarate n’ayant pas disparu, la Gensouarde comprit qu’elle était parvenu à mettre la substitution en échec.

 Exploitant la nouvelle surprise du Genin, la kunoichi dévora rapidement les mètres la séparant du Masumane et lui décocha un nouveau coup de poing en pleine mâchoire. Repérant une nouvelle tentative de fuite, Evaline inonda le point d’accroche et continua à briser la fierté du prodige à coups de poing. Durant quelques secondes, Evaline alterna entre la destruction des ancrages et le martèlement de Takeshi. Mais ce dernier était résistant et la kunoichi aux mèches de prunes sentait que la stupeur se dissipait de son esprit.

 En un hurlement de rage, le prodige posa une main sur le ventre d’Evaline, qui eut tout juste le temps d’user du Chakra en un zetsu protecteur afin d'amoindrir les dommages à venir. Serrant les dents, elle fut éjectée en arrière, tandis que le corps de Takeshi se chargea d’électricité.

— Tu vas regretter d’avoir osé me pousser à bout !

 Plissant les yeux sous l’intensité qui se dégageait du Masumane, Evaline fléchit les jambes, prête à esquiver. Les premiers éclairs filèrent mais, à sa grande surprise, passèrent tout autour d’elle et laissèrent une trace au sol, qui s’illumina de foudre par à coup. Le retour du sourire cruel de Takeshi ne lui annonçait rien de bon.

— Merde, marmonna la nymphe, pensant comprendre la manoeuvre.

 La kunoichi aux mèches de prunes enchaîna les mudras, sans prendre le temps de se détailler le plan d’urgence qui se mettait en place en catastrophe. Jubilant d’un ricanement grinçant, Takeshi multiplia les marquages électriques au sol.

 Lorsque le corps du Genin cessa de s’illuminer, cinq Evaline apparurent tout autour d’elle avant de se disperser à travers l'arène. Sans perdre de temps, Takeshi disparut pour l’un de ses ancrages et dissipa l’un des mirages d’un coup de poing. Mais alors que Evaline s'était attendue à l’habituel délai entre deux substitutions à la Masumane, le prodige disparut et réapparut face à elle.

 Agissant par instinct, elle se substitua à l’un de ses clones matériels, qui disparut en une explosion de fumée. Courant à travers l'arène, la kunoichi vit ses mirages et son dernier clone se faire exterminer sans qu’elle ne puisse réagir, puis un choc douloureux creusa son estomac avant de la propulser en arrière.

 Evaline n’eut pas le temps de se ressaisir qu’un nouveau choc l’envoya sur le côté, puis un poing en plein visage fit percuter sa tête contre le sol. Sonnée et un goût de sable en bouche, la kunoichi désormais impuissante se sentit douloureusement soulevée, tirée par les cheveux. Les yeux embués de larmes, elle aperçut le sourire sadique de Takeshi, ainsi que son œil de grenat dont perlait abondamment du sang.

— Tu vas retourner à ton rang, pétasse ! hurla-t-il en calant un genou dans son estomac.

 Eclatant d’un rire dément incontrôlable devant une Evaline prostrée, mains contre son ventre, Takeshi la frappa à nouveau d’un uppercut qui la fit reculer de quelques pas.Clignant des yeux pour dissiper le flou provoqué par la douleur, la kunoichi aux mèches de prunes réalisa que le dojutsu s’était éteint, tout comme les étincelles autour d’eux. Grognant de douleur, le Chikarate ferma son œil gauche en le saisissant d’une main, par pur instinct.

 Lisant la compréhension dans le regard de la jeune femme, Takeshi fit abstraction de la douleur et fondit sur elle en un éclair. Un hoquet de surprise prit la gorge d’Evaline, une sensation de froideur pénétrant son bas-ventre. La Genin baissa les yeux sur le kunai enfoncé en elle, fermement tenu par le Masumane. Comprenant qu’il ne fallait en aucun cas l’extirper, Evaline saisit son poignet et redressa la tête.

 Instinctivement, elle saisit la nuque de Takeshi et l’embrassa avec fougue, libérant le pouvoir qu’elle avait juré de ne jamais utiliser des années auparavant. Les phéromones des Sabayaku se réveillèrent, éveillant le désir du Masumane qui, passé la surprise, lui rendit le baiser avec ardeur jusqu’à lâcher son kunai, toujours planté en Evaline.

 Le jugeant à point et prise de nausée, la kunoichi usa du gyo, la manipulation renforçant la force physique du shinobi, et repoussa Takeshi aussi fort qu’elle le pouvait. Titubante, la main entourant sa blessure, Evaline cracha au sol et esquissa un rictus de dégoût, songeant au nombre infini de bains de bouche qui lui seront nécessaires pour se débarrasser du goût de Takeshi sur sa langue.

— Qu’est ce que tu m’as fait ? bafouilla le jeune homme, secouant la tête en fixant la jeune femme qui tâchait de rester dans son rôle.

— Ce que veulent tous les hommes, susurra-t-elle en se léchant une lèvre, provocatrice.

 L’esprit embrouillé par des visions d’ébats avec la nymphe, Takeshi plissa son œil valide pour se concentrer sur la réalité et sortit lentement son tantô de son fourreau avant de fondre maladroitement sur l’objet de son désir. Gauche, ses frappes hasardeuses furent esquivées par sa cible, qui lui semblait bien plus souple et langoureuse que précédemment. Mais handicapée par l’arme dans son ventre, Evaline peinait face à la vivacité naturelle de l’apprenti assassin.

 Se forçant à lâcher sa blessure, elle recula d’un bond en arrière, ses mains tachées de sang composant des mudras. Takeshi la poursuivit en un rugissement et frappa au niveau de son visage. Evaline sentit le bruissement d’un fouet non loin d’eux, qui s’arrêta lorsque la lame se retrouva coincée dans le bouclier d’eau lié par les mains de la Gensouarde. D’un geste sec, la lame fila entre les mains du Chikarate et tomba au sol, soulevant une volute de poussière d’or.

 Le Masumane se précipita pour s’en emparer, mais une trombe d’eau l’envoya loin de sa portée. Il eut à peine le temps de se redresser que de doux doigts lui frôlèrent la tempe, plongeant son œil valide dans l’obscurité. Beuglant de frustration, il tenta une frappe de son bras en arrière et sentit la belle glisser contre son dos, en sens inverse et tournoyante sur elle-même. L’instant suivant, une main lui saisit le visage et le bascula en arrière. L’arrière de son crâne heurta le sol avec fracas en un amas de sable. Bien que geignante de douleur, Evaline se pencha et murmura à son oreille, lui arrachant un frisson :

— Battu par ta queue, connard.

 La kunoichi se redressa et lui cala un dernier poing en plein visage, l’envoyant dans le coma. Epuisée, elle posa une main au sol en expirant difficilement. Rasséréné par la brûlure du désert, elle serra les dents et se releva, les jambes flageolantes. Du flou envahissant par instant son regard, la Sabayaku cligna des yeux et se rendit compte que le public hurlait, surexcité par le match intense qui venait de clôturer la troisième journée du Tournoi.

 Tandis que Izyroth fonçait vers les blessés, Miiyu lui adressa un léger sourire crispé, avant de désigner Takeshi du menton :

— C’était nécessaire ? demanda-t-elle. Ce dernier coup ?

— Nécessaire non, répondit-elle malicieusement en esquissant un petit sourire. Mais mérité, oui.

 Visiblement satisfaite de sa réponse, Miiyu laissa échapper un petit ricanement et leva haut la main dans sa direction avant de proclamer :

— Evaline Sabayaku, victorieuse du dernier match des éliminatoires !

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