Épisode 10 - Fou de toi

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— Tu comptes vraiment ne pas me lâcher un seul mot ?

 Tête posée contre la paroi intérieure de la charrette en bois, Evaline tourna à peine les yeux vers Chiraku, affalé sur son siège, bras derrière le crâne en sa typique posture de désinvolte tranquille. Chaque cahot du chemin vibrait à travers le grain verni du luxueux transport, un confort presque insultant vis-à-vis des civils et modestes shinobis qui devaient se contenter de leurs jambes.

 Pour toute réponse, la demoiselle aux mèches de prunes haussa une épaule, qui glissa faiblement contre son ventre.

— Je ne comprends pas, soupira Chiraku en jetant un regard vers l’extérieur. J’ai fait quelque chose de mal ?

— Difficile de saisir que tout ne tourne pas autour de toi ? répliqua Evaline, plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu.

 Pris de court, le Mizu releva un sourcil de surprise avant d’ouvrir la bouche, mais fut interrompu par Evaline qui ne parvenait plus à retenir ses coups :

— À quoi tu t’attendais ? cingla-t-elle, exaspérée. J’ai refusé de venir dans ton foutu carrosse durant tout le trajet à travers le désert !

— J’ai cru que c’était juste par gêne, bredouilla le second du tournoi, désemparé.

— Tu as mal cru, monsieur le prodige, acheva la Sabayaku, à vif.

 Un silence tendu s'abattit sur les deux adolescents. Evaline se mordit une lèvre, se reconnaissant de moins en moins dans ses réactions. La jeune femme était à cran, les événements des derniers jours tournant en boucle dans sa tête, tandis qu’elle essayait de comprendre pourquoi son entourage la laissait tomber les uns après les autres. Après la rupture avec sa famille, la kunoichi avait pourtant été convaincue que de réels liens s’étaient tissés entre elle et son équipe.

 Pour quel résultat ? Avant son départ après le premier convoi de retour pour Gensou, Mey-Lynn ne lui avait pas adressé la parole. Kezashi la tenait à l’écart, sans lui donner le moindre indice sur ses raisons. Même Izyroth la fuyait. Qu’avait-elle pour mériter cela ? Et maintenant, voilà qu’elle se déchaînait sur Chiraku, comme par anticipation d’une future trahison.

— Si seulement tu voulais bien m’expliquer ce qui t’arrive, murmura l’adolescent, sincèrement blessé par les réactions de celle qu’il pensait devenir une amie.

 Une fois de plus irritée, Evaline claqua la langue et asséna, la voix tremblante :

— Qu’est-ce que ça peut bien te foutre, Chiraku ? Tu ne me connais même pas.

 Cette fois, ce fut au tour du prodige de Gensou de s’énerver. Il se redressa sur son siège, furieux :

— Et alors ? C’est quoi cette hypocrisie ? Je pensais que tu serais la dernière à me mettre dans une case. Quand il fallait te changer les idées, j’étais là, et maintenant que madame n’est plus d’humeur, ce sont mes réactions qui sont déplacées ?

— Si Cacaunoy ou ton pote aux cheveux bleus avaient été fichus de se qualifier, tu n’aurais pas daigné accorder le moindre intérêt à mon existence, le sécha Evaline, la mâchoire serrée et la gorge étranglée par un mélange chaotique d’émotions.

 La main fébrile, elle enclencha la poignée du véhicule en plein mouvement et, sans un regard pour Chiraku, murmura :

— J’en ai marre d’être prise par dépit.

 Elle sauta de la charrette du Mizu et claqua la porte d’un même mouvement. Elle prit conscience qu’ils avaient atteint le marais de Gensou, et croisa les bras contre elle comme pour se protéger du monde extérieur. Evaline marcha d’un pas rapide, fixant ses pieds. Une fois à bonne distance du transport de Chiraku, elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et constata que le jeune homme ne l’avait pas suivi. Ne sachant si elle en éprouvait du soulagement ou de la peine, elle ralentit et balaya du regard l’escorte autour d’elle.

 Leurs expressions se ressemblaient tristement, comme taillées dans une même glaise d’ennui discipliné. Les shinobis étaient pour la plupart impassibles, d’autres laissaient filtrer leur agacement à ne pas pouvoir se mouvoir à leur maximum, contraint de chaperonner les charrettes des derniers blessés et des personnalités importantes de Gensou.

 À quelques mètres devant elle, Evaline repéra la silhouette de Shiro, lui tournant obstinément le dos. Se sentant stupidement paranoïaque, la Sabayaku ne pouvait s’empêcher de noter les changements de comportement chez son policier. Même criblé de travail, il s’était toujours arrangé pour lui glisser un mot ou un sourire. Depuis quand avait-il cessé de le faire ? Avait-elle dit quelque chose de mal, pour mériter cette soudaine distance ? Ou peut-être s’était-il simplement lassé, lui aussi.

 Un écho de cri à l’avant et l’escorte ralentit, intimant l’obligation de pause à l’arrière. Sans même chercher à aborder le Yuushi, Evaline s'isola, désireuse de se retrouver seule avec elle-même. Elle fit quelques pas à travers les branchages humides et s’adossa à un arbre, levant les yeux vers le ciel gris, songeant un bref instant que l’éclat du soleil de Chikara lui manquait déjà.

 Du coin de l’œil, une silhouette familière attira son attention. À quelques mètres, Kezashi taillait son chemin à travers le marais, souhaitant visiblement s’éloigner du groupe. Surprise, Evaline haussa un sourcil et l’observa, tandis que le Chuunin ne daigna lui accorder le moindre intérêt.

 Nerveuse, la demoiselle tapota du doigt l’écorce, se mordillant une lèvre, hésitante. Puis elle se décida et le suivit discrètement, s’interrogeant sur ce que trafiquait son mentor. Ce dernier ne cherchait pas à être discret, mais tout dans sa démarche transpirait l’homme qui ne voulait pas être dérangé. Dommage pour lui, il avait rejeté la mauvaise personne. Il serait le premier à lui donner des explications, même s’il fallait lui coller une droite pour le secouer. Ce serait bon pour ses propres nerfs, au passage.

 Marchant en silence, la Sabayaku remarqua que de plus en plus de corbeaux volaient en cercle au-dessus de leur tête. Après une dizaine de minutes, Kezashi stoppa net au milieu d’une langue de terre, cerné par l’eau stagnante dont s’extirpaient des racines noueuses, tordues en une évocation de cadavres faméliques pris par le bourbier. Sur une branche à la gauche d’Evaline, l'une des sinistres créatures se posta et la fixa intensément.

— Tu comptes me suivre sans parler encore combien de temps, Genin ? demanda-t-il sèchement, dos tourné et cape voletant légèrement à la brise du marais.

 La langue d’Evaline claqua d’agacement. Elle stoppa net, l’eau stagnante caressant ses chevilles. La jeune femme fit quelques pas vers le Chuunin aux corbeaux, nullement intimidée et toisant d’un regard furieux les oiseaux, qui continuaient de se poser en masse de part et d’autre de son chemin :

— Tu ne penses pas avoir des explications à me donner ? l’interrogea sèchement la kunoichi en le pointant du doigt. Il t’arrive quelque chose, je le vois bien.

— Oh ? s’étonna faussement l’Hykao, trop exagéré pour être sincère. Et que se passe-t-il, selon toi ?

 La demoiselle stoppa net, sourcils froncés. Au-delà du sarcasme, elle sentit quelque chose dans la brève question de son sensei, qui venait de frapper son cœur d’une lame glacée. Elle déglutit, cherchant à se redonner du courage, tandis que de plus en plus de corbeaux se posaient autour d’eux.

— Gatanoa t’a fait quelque chose, affirma-t-elle d’une voix tremblante, qu’elle se maudit d’échouer à maîtriser.

— Oui. Quelque chose de merveilleux, susurra l’héritier des Hykao.

 Un sourire railleur aux lèvres, Kezashi se tourna lentement vers elle. Ses doigts étaient agités, se tendant et se détendant par à coup, comme s’il retenait quelque chose. Il fixa Evaline, attendant clairement la suite.

— Tu aurais dû couper la finale bien plus tôt. Puis, tu nous rejettes, moi et Izyroth.

— Tout cela te surprend ? s’étonna Kezashi en un murmure. Peut-être ne me connais-tu pas si bien que cela ?

 Evaline remua la tête, farouchement sûre d’elle.

— Tu peux être un sale enfoiré, je le sais, affirma la demoiselle aux mèches de prunes. Mais tu ne fais pas dans la violence gratuite, surtout si cela peut se retourner contre toi. Un calculateur, mais avec des règles logiques !

 Le visage du Chuunin aux corbeaux se pencha doucement de côté, ses longs cheveux noirs pendant dans le vide, ce qui arracha un frisson à sa pupille, qui se sentit comme fouillée jusqu’au tréfonds de son âme à travers les regards perçants de ses ombres à plumes.

— La mort de cet insupportable Mizu te semble vraiment en contradiction avec mes principes, selon toi ? répliqua-t-il en une grimace écœurée.

— Tu étais l’arbitre, ce serait ta responsabilité, argumenta sèchement Evaline. Son clan est puissant et ce serait retourné contre toi. Tu aurais mis les Hykao en porte à faux vis-à-vis du Kage. Le Kezashi ambitieux que je connais ne commettrait jamais une erreur aussi grossière.

 Sans prévenir, le Chuunin aux Corbeaux s’évapora de son champ de vision. Quelques mèches de prunes se levèrent, une brise menaçante cinglant ses joues, mais la Genin ne put faire le moindre geste avant qu'une poigne ne se referme douloureusement sur sa gorge. Manquant d’air, elle écarquilla les yeux sur le regard fou de son sensei, sourire sadique aux lèvres, alors qu’il la soulevait à bras le corps, sans l’ombre d’un effort.

— Pauvre petite Evaline…

 Il resserra la prise, tandis que la Genin ne parvint qu’à battre vainement des pieds, les larmes lui piquant les yeux devenus rouges. Suffocante, Evaline se sentit insignifiante. Un insecte, si simple à briser… Deux messagers de mort se posèrent sur les épaules de Kezashi, penchant la tête avec curiosité sur que la conscience de la jeune femme vacillait.

— Une laquais qui se croit maligne, susurra l’Hykao, qui arborait un rictus cruel à travers ses longs cheveux noirs. Un pantin parmi d’autres, qui pense avoir un libre arbitre. Tu ignores même jusqu’à l’intérêt que nous avions pour toi.

 Kezashi la rapprocha de son visage, un éclair traversant le regard opaque du corbeau qui croisa celui de la Genin. Terrifiée par ce qu’elle y lut, Evaline frappa son bras, en vain.

— Tu joues à la vaillante, alors que tu es incapable de te battre sans notre genjutsu ? Pitoyable.

 Paniquée, Evaline redoubla ses coups sur son bras, ne cherchant pas à comprendre le sens des mots de son sensei. Seul son instinct de survie contrôlait ses actes et son esprit. Le cœur battant à tout rompre, elle sentait que l’Hykao comptait sérieusement la tuer. Comme pour confirmer ses craintes, un kunai se glissa de sa manche à sa main libre.

— J’en ai assez de couver des enfants gâtés, cracha-t-il, acide.

 Il plia son bras, mais n’eut pas le temps d’achever son geste, saisi par un fouet aqueux d’un bleu éclatant. Un torrent condensé d’eau frappa la poigne tenant Evaline, le forçant à la relâcher. Ne donnant pas un instant de répit au psychopathe, un second lien agrippe Kezashi à la gorge, l'obligeant à reculer de quelques pas.

 Evaline chuta à terre, à genoux. Elle sentit une main se poser sur son épaule, suivie d’une voix familière :

— On s’éloigne. Vite !

 La Sabayaku releva les yeux, tandis qu’elle se faisait redresser sur ses deux jambes et fut stupéfaite de reconnaître Chiraku. Non loin, Kezashi s’était défait des fouets aqueux et était aux prises dans un combat au corps à corps avec Shiro. Evaline papillonna des cils, sa vue redevant difficilement claire, tout en se frottant la gorge, se laissant guider par Chiraku qui s’efforçait à établir une distance avec les duellistes :

— Allez Eva ! Ton Shiro va s’en charger, il crève d’envie de le ruiner !

 À contrecœur, Evaline suivit le Mizu à l’ombre de fourrés et, une fois qu’elle eût retrouvé un semblant de souffle, lâcha :

— Faut l’aider…

 Étonné, Chiraku haussa un sourcil et lui dit d’une petite voix :

— Je sors d’une finale et après ce qu’il t’a fait… Désolé Eva, mais on est pas au niveau sur ce coup-là.

 Evaline secoua la tête, le cœur battant encore en panique, le regard fou de Kezashi imprimé dans son esprit :

— C’est pas le Kezashi qu’on connaît, bafouilla-t-elle, confuse.

 Une violente frappe à l’estomac coupa le souffle du Yuushi, avant de l’expédier fracasser un arbre juste à côté des Genins. En un sourire appelant le sang, Kezashi se dirigea vers les adolescents.

— Putain ! rugit Chiraku en composant des mudras.

 L’eau stagnante devant eux s’hérissa en pointes, qui filèrent vers le Chuunin. Ce dernier claqua la langue et les balaya d’une bourrasque, en un simple geste du bras. À leur droite, Shiro se releva, des brindilles et branches glissant piteusement de son torse tandis qu’il s’époussetait.

— Il est bien plus fort que d’habitude, pesta le Chuunin aux cheveux bleus, s’interposant de quelques pas entre les Genins et l’Hykao.

— Ça ressemble à Cacaunoy, marmonna sombrement Chiraku, alors que ses tatouages recouvrirent ses mains et son cou.

 Goguenard, Kezashi tendit les bras, parallèles à son corps. Obéissant à leur maître, l’armée de corbeaux vola d’un même geste vers eux, en un nuage de menaces coassantes. Retenant un juron, Shiro exécuta des signes à une vitesse ahurissante et frappa l’eau de ses paumes, suivi de Chiraku. Une sphère aqueuse les entoura, faisant rebrousser chemin aux oiseaux en un ballet désordonné.

 Perçant la protection, la silhouette trempée de Kezashi saisit un Shiro interloqué au visage, impuissant et se retrouvant violemment fracassé au sol, soulevant des éclaboussures autour d’eux. Malgré l’eau peu profonde, la poigne de l’Hykao risquait de le noyer. Mais le corps de Shiro s’évapora en une brume épaisse, qui enveloppa Kezashi, arrachant des coassements de frustration aux innombrables corbeaux.

 Se détachant du nuage vaporeux, Shiro fondit sur l'Hykao, qui ne put qu’encaisser les frappes étonnamment puissantes de son adversaire. Le goût du sang envahit sa bouche, tandis qu’il peinait à employer sa botte secrète. Il parvint finalement à étendre son en et à disperser du Chakra tout autour de lui, invisible à l’œil nu. Kezashi esquissa un sourire narquois, son ouïe saisissant avec facilité les mouvements de Shiro. Il esquiva une frappe avec dédain et éjecta le pitoyable policier d’un solide coup de pied à l’estomac. Shiro traversa la brume, éclaboussant Chiraku, les gants Suiton se diluant dans l’eau dormante du marais.

 Le Yuushi se releva, une main crispée sur une côte cassée, tout en réfléchissant à sa prochaine manœuvre. La silhouette menaçante de Kezashi se détacha, sourire carnassier aux lèvres. Il cracha du sang en direction de son rival et claqua des doigts. Son armée de corbeaux se déploya au-dessus des têtes des shinobis dont les cœurs se figèrent d’effroi face à leur nombre virtuellement illimité. Retenant un juron, le policier de Gensou replaça ses paumes dans l’eau et forma deux lames aqueuses acérées, qui redoublèrent de longueur lorsque les mains du Mizu, brillantes par l’éclat de ses tatouages, touchèrent le dos du combattant.

 Tandis que Shiro tranchait oiseau sur oiseau, l’Hykao ricana en un grincement écœuré :

— Le morveux le renforce, pesta-t-il avec dégoût, une corneille se posant sur son épaule. Même pas fichu de se battre par lui-même.

 Le corbeau se tourna, repérant Evaline non loin. Bras croisés, Kezashi secoua la tête, dépité :

— Tu ne vas pas aider tes amoureux ? susurra-t-il, moqueur.

 Une flamme enragée et brûlante dans le regard, les poings d’Evaline se crispèrent. Impuissante, mais fière. Tellement faible, mais elle ne tremblait plus que de colère face à ce qu’elle voyait comme une énième trahison. Kezashi roula des yeux. A l’inverse de l’ancien Hykao, tout ce qui l’attirait chez la demoiselle lui donnait envie de la réduire en charpie.

 Épuisé, Chiraku posa un genou au sol. Shiro continuait à pourfendre les corbeaux, mais il peinait à tenir la distance. Agacé, Kezashi frappa dans ses mains et étendit son en sur une vingtaine de mètres, ne leur laissant aucun échappatoire. Certains corbeaux redoublèrent de vivacité, jusqu’à transpercer les torses de Shiro et Chiraku.

 Hurlant d’effroi, Evaline sentit son propre ventre se déchirer lorsqu’un oiseau traversa ses tripes. Elle fit quelques pas en arrière, mais ne ressentit soudainement plus aucune douleur. Clignant des yeux, la Sabayaku se rendit compte qu’une épaisse pénombre venait de s’abattre tout autour d’elle.

— Tu choisis bien mal tes alliés, Evaline…

 La voix susurrante de Kezashi la fit sursauter. La jeune femme fit volte-face, cherchant son contact de la main. En vain.

— Shiro Yuushi. L’hypocrite en chef. Il veut te convaincre de sa pureté, et pourtant… Si tu savais tout ce qu’il te cache.

— On peut en dire autant de toi, enfoiré ! rugit Evaline, frappant vainement du poing dans le vide.

 Un rire sinistre fit vibrer ses tympans :

— Mais je ne le dissimule pas. Je joue selon mes propres intérêts. Quant à lui, malgré tous ses beaux discours, il fera toujours passer Gensou avant toi. Après tout, il ne t’a pas fait part de ses conclusions nous concernant, n’est-ce pas ?

 Au loin, un hurlement de douleur glaça le sang d’Evaline. Shiro ?

— Il sait pourquoi je te convoite. Et il ne t’a rien dit.

 Un coassement strident poignarda le cerveau d’Evaline. Dents serrées, elle chuta au sol, les mains crispées des deux côtés de son crâne.

— Et que dire de tes deux amis ? Mey-Lynn, qui t’abandonne à la seconde où tu lui deviens supérieure. Et le Mizu, pour qui tu n’es qu’un jouet jetable parmi d’autres.

— Arrête, marmonna Evaline entre ses dents, la respiration de plus en plus saccadée.

 La voix de Kezashi se fit plus douce, accompagnant la sensation d’une caresse sur l’épaule d’Evaline :

— Je suis le seul de ce monde à avoir réellement voulu ton bonheur.

— Alors pourquoi tu m’abandonnes ? répondit Evaline en un murmure étouffé.

 Tremblante, la kunoichi aux mèches de prunes entendit un hurlement de douleur par Chiraku, plus proche que celui de Shiro. Après un instant de silence, le Chuunin aux corbeaux chuchota, d'un ton bien plus familier :

— Je suis fou de toi. A un point me poussant à te protéger de moi-même.

 Les jambes fébriles, Evaline se releva et étendit les bras devant elle :

— Alors, prouve-le.

 Tel un fantôme, Kezashi se matérialisa devant sa pupille. Avec une douceur étonnante, ses mains glissèrent jusqu’au visage de la jeune femme, avant de se pencher pour l’embrasser. Dès que leurs lèvres s’unirent, la kunoichi injecta les phéromones des Sabayaku, attisant le désir de l’Hykao. Redoublant d’ardeur sans chercher à se contrôler dans un premier temps, les yeux du Chuunin s’écarquillèrent de stupeur lorsqu’il prit conscience de la perte de son genjutsu.

 Sentant l’aura de danger se dégageant de son amant du moment, Evaline bondit en arrière. Kezashi tituba, étouffant un juron tout en s’armant d’un kunai :

— Salope, bafouilla-t-il, tremblant de honte et de colère. Tu vas me payer ça !

 Il leva son bras armé, qui se fit saisir par un fouet né de l’eau stagnante à ses pieds, qui furent également immobilisés. Son dernier bras fut à son tour paralysé, tandis que Shiro et Chiraku s’interposèrent une fois de plus entre l’Hykao et Evaline.

— C’est fini, connard ! cracha Shiro, qui plaça ses mains d’un côté et de l’autre de son visage.

 Le policier plia ses doigts, n’en laissant que deux à chacune, au bout desquels naquirent quatre sphères condensées. L’eau tournoyait sur elle-même, redoublant d’intensité lorsque Chiraku posa une paume sur le flanc de son équipier. Dans un rugissement, la lueur des tatouages devinrent presque éblouissantes, recouvrant l’ensemble de son visage et de ses mains. Le cri de Shiro se joignit au sien, alors qu’il éjectait ses sphères renforcées à la sauce Mizu fracasser les rotules et les coudes de l’Hykao en un craquement sinistre.

 Ce fut au tour de Kezashi de hurler de douleur. Épuisé, Shiro dissipa les liens de leur ennemi, le laissant choir dans l’eau du marécage. À bout de souffle, le Mizu tomba à genoux :

— On l’a enfin eu, l’enflure.

 Alors qu’elle s’apprêtait à prendre la parole, Shiro envoya un fouet aqueux emprisonnait un corbeau. Ignorant le haussement de sourcil d’Evaline et l’air interloqué du Mizu, Shiro rejoignit l’oiseau qui se débattait sur place et le saisit d’une poigne ferme. Son regard prit leur blancheur apaisante, que la Genin aux mèches de prunes n’avait plus revu depuis leur première rencontre :

— Pourquoi avoir attaqué Evaline ? demanda froidement Shiro.

 Le visage à demi dans l’eau, Kezashi écarquilla les yeux, bien que toujours fixés dans le néant. Ses gémissements se turent et il se tourna sur le dos et murmura, la voix secouée de sanglots dont perçait la panique :

— C’était pas moi…

 La seconde suivante, son expression se referma. Soudainement calme, presque apaisé, il esquissa un sourire sadique, semblable à celui arboré durant le combat et siffla avec douceur :

— Je vous tuerai tous…

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