Chapitre 2 : Rendez-vous

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Le lendemain,

La musique inondait la pièce.

Malgré le froid qui commençait à s’installer en ce fin de mois d'octobre, un beau soleil éclairait ma chambre. Devant le miroir, je me regardais une dernière fois pour m’assurer que ma tenue était parfaite.

Une jupe noire avec un épais collant de la même couleur et un t-shirt blanc des plus banals formaient un ensemble harmonieux, comme quoi ces deux couleurs si opposées semblaient se compléter en cet instant. Afin de lutter contre le léger froid, je portai un long gilet beige qui m’arrivait pratiquement au niveau des genoux. J’avais aussi enroulé une légère écharpe noire autour de mon cou avant d’enfiler un bonnet sur mes cheveux. Ceux-ci étaient attachés en deux petites couettes basses. Comme à mon habitude, j’avais enfilé mes longues bottes à lacets couleur nuit.
Je tournai deux trois fois sur moi-même puis estimai que j’avais fini de me préparer.

Je croisai mon regard déterminé dans le miroir.

- Prête ! lançai-je à moi-même, aujourd’hui sera le plus beau jour de ma vie !

À condition qu’il vienne vraiment…

Je chassai rapidement cette idée de mon esprit et attrapai mon portable posé sur mon lit.

Quinze heure quarante… Ça va être juste…

Je fourrai l’appareil dans la poche de ma jupe, attrapai mes clés sur mon bureau et me dépêchai de sortir de ma chambre. Cependant, après que j’eus verrouillé ma porte et que je me sois retournée, je me retrouvai nez-à-nez avec une surveillante.

- Bonjour Linoa, déclara-t-elle en souriant. Tu sors ?
- Euh… Oui, répondis-je. J’ai envie de me dégourdir les jambes. Mais j’ai fais quelque chose de mal ?
- Non ne t’inquiètes pas, répondit-elle tout de suite. Je voulais juste te prévenir que tu vas avoir une colocataire : une nouvelle arrive demain matin.
- Merci de m’avoir prévenu. Si ça ne vous dérange pas, il faut que je parte à présent.
- Je t’en prie. Passe une bonne journée.
- Vous aussi, renvoyai-je en m’éloignant.

Une colocataire ? J’espère qu’elle sera sympa.

Non parce que je dois déjà supporter deux jumelles dans ma classe. Pourtant au début de l’année de première tout allait très bien : c’étaient deux camarades des plus normales. Puis l’une d’entre elle m’a renversé le contenu de sa bouteille d’eau sur mon crane dans le vestiaire.
Bon maintenant que Nel a commencé a m’apprendre certaines choses sur le Chaos, je comprends mieux. En même temps les héritières de l’Harmonie ne peuvent pas s’entendre avec l’héritière du Chaos, non ?

Un peu plus tard,

À la fois stressée et excitée comme une puce j’attendais Callen. Ainsi je triturais mes doigts, regardant de temps en temps l’heure sur mon portable.

Les minutes, telles des heures, passèrent si bien qu’il fut bientôt seize heure quarante. En voyant ce chiffre, mon cœur se serra dans ma poitrine et j’eus à nouveau envie de pleurer comme à chaque fois qu’il me posait un lapin.

J’en ai marre !

Serrant les poings, je fis quelques pas en avant, bien décidée à rentrer à l’internant pour laisser à nouveau mes sanglots s’exprimer.

- Linoa !

Mon cœur rata un battement.

Est-ce que c’était…

Je me retournai et constatai qu’il courait vers moi.

- Callen ? lâchai-je n’arrivant toujours pas à y croire.

Son visage s’éclaira d’un sourire tandis qu’il répliquait :

- Tu es surprise de me voir ? Pourtant je t’avais prévenu hier de notre rendez-vous.
- Euh… oui… c’est juste qu’il était quarante et comme tu as l’habitude de me poser des lapins, j’ai cru que ta « promesse » était du vent.

Il passa une main derrière son crâne.

- Logique, admit-il. Mais bref ! Profitons de ce moment.

Il m’attrapa la main ce qui fit emballer mon cœur. Malheureusement cela ne fut que de courte duré...

Un coup sur ma main me fit grimacer de douleurs et, dans un sursaut, nous nous lâchâmes.

J'examinai la rougeur laissé par l'impact tandis que Callen s'agenouillait.

- Une bille en plastique de faux revolver, constata-t-il.
- Sans doute un gamin qui a voulu "s'amuser", supposai-je en continuant de fixer la tache sur ma main.

Je l'entendis marmonner quelque chose entre ses dents. Surprise, je reportai mon regard sur lui.

- Quelque chose ne va pas ?
- C'est rien, répliqua-t-il en se relevant. J'aurais juste des comptes à régler ce soir.

Je fronçai les sourcils.
Callen se retourna vers moi et me sourit.

- On y va ? me demanda-t-il.

J'acquiesçai, ne cherchant pas à en savoir plus, et nous nous dirigeâmes vers les attractions.

Plus tard,

Après quelques manèges, nous décidâmes de nous acheter une énorme barbe à papa à partager. Étrangement, je sentais régulièrement quelque chose m'effleurer la joue et à chaque fois Callen semblait.. comment dire... se retenir de hurler.

- Tiens, un stand de tirs, déclara-t-il.

Puis il se tourna vers moi et pointa du doigt un gros nounours.

- Tu veux que je te le gagne ?

Non.

Voilà ce que j'aurais répondu si mon père ou un de mes frères – principalement Philippe ou Lilo – m'avaient demandé. Mais là c'était Callen. S'il y arrivait, c'était comme si il m'offrait cette peluche.

- Je veux bien, répondis-je.

Il me sourit et se dirigea vers le stand avant de poser un billet sur le comptoir.

- Alors on essaye de gagner une peluche pour sa petite amie ? lança malicieusement le forain.

Je sentis mes joues partirent en fumée.

- Non ! répondîmes moi et Callen à l'unisson.

J'aimerais tellement que ce soit le cas...

Le forain se mit à rire puis il lui donna la carabine à bille.

- Bonne chance !

Le jeune brun visa le ballon avec beaucoup de concentration. Toutefois, au moment de tirer, il sursauta et son tir dévia complètement à côté.

- On est pas très bon en tir à ce qu'on dirait ! commenta le forain.

Furieusement, Callen se retourna et pointa la fausse arme au niveau d'un buisson isolé.

- Euh... Qu'est-ce que vous faites ?
- Je règle mon problème, répondit-il très calmement.

Il tira.

- AÏE !

J'écarquillai les yeux, surprise.

- Bien fait pour toi ! lui lança-t-il, maintenant laisse nous tranquille !

Puis il se remit en position au niveau du stand et, très aisément, éclata les quatre ballons. Ceci fait, il reposa la carabine.
Le forain, un peu déstabilisé par ce qu'il venait de faire, lui passa le gros nounours au pelage sombre.

- Pourquoi tu as tiré sur cette personne ? m'enquis-je alors que l'on s'éloignait du stand, tu aurais pu aller lui parler ! D'ailleurs, tu connais ce tireur ? Tu sais pourquoi il nous suit ?
- Ce n'est rien. Tu n'as pas à te prendre la tête avec ça. D'ailleurs tu as oublié mon cadeau...

Sur ces mots, il se tourna vers moi et me tendis la peluche. Tentant de paraître naturelle, je le pris dans mes bras en souriant. Sourire qu'il me renvoya aussitôt.
Sa main vint timidement prendre la mienne. Mon cœur accéléra dans ma poitrine.

- Avec cette peluche, tu ne dois plus très bien voir devant toi, se justifia-t-il. Je ne voudrais pas que tu te perdes ou que tu trébuches.

Je lui serrai la main et me rapprochai un peu plus de lui.

- Merci pour tout Callen.
- De rien. Mais dis-moi, c'est bientôt ton stade de changement d'humeur ?

Je lui fis de gros yeux.

- Mais de quoi tu parles ? lui lançai-je, déboussolée.

Doucement, il me dirigea vers un banc où nous nous assîmes. Il se tourna ensuite vers moi de façon à ce que nous soyons à peu près face à face.

- Eh bien l'année dernière, ça t'es arrivé en novembre. Le jour de ton anniversaire, tu étais toute contente puis, petit-à-petit, tu es devenue de plus en plus triste. Si bien que le sept novembre tu es restée enfermer dans ta chambre toute la journée.
- Ah ça... murmurai-je, me sentant soudainement mal-à-l'aise.

Ça fera bientôt six ans...

- Du coup, je me demandai si tu referais pareil cette année ou si ce n'était pas juste qu'un petit coup de blues à cause de je-ne-sais-quoi.

Je me blottis un peu contre le nounours en répondant :

- Oui, ce n'était qu'un petit coup de blues. Rien de bien grave.

Pour appuyer mes paroles, je me forçai à sourire.

Menteuse.

- Tant mieux, soupira-t-il de soulagement. Tu sais, je n'aime pas quand tu es triste.

Mensonge... Que vas-tu lui sortir le huit novembre pour justifier que tu es restée enfermer le jour d'avant ? Un nouveau coup de blues ? Je suis pathétique.

Mentir.

Comment puis-je espérer un début de relation avec lui si je lui mens ? Je sais très bien que je devrais lui mentir ! Comment lui avouer que je suis la princesse du Chaos ? Comment lui avouer...

- Linoa ?

... Que ma vie n'est qu'une suite de catastrophe ?

- Linoa !

Dans un sursaut, je sortis de mes pensées. Mon regard croisa celui de Callen qui avait l'air... inquiet.

- Est-ce que ça va ? Je sens que j'ai fait une grosse erreur en te parlant de ça...
- Ah non, ce n'est rien ! répliquai-je avec ce sourire faux.

Il n'avait pas l'air convaincu.
Mon regard tomba sur l'énorme structure qui dominait le paysage.

- Tiens et si on allait faire un tour de grande roue ? proposai-je histoire qu'il ne s'attarde pas sur mon comportement vis-à-vis de cette question.

Plus tard,

J'aurais jamais du proposer ça.

Face à face, chacun assit sur un banc de la cabine, le silence régnait entre lui et moi.

Blottis contre l'ours, je ne savais pas quoi faire. J'étais horriblement gênée et j'essayai de le cacher.

Cette situation était complètement romantique !

Seuls pour une vingtaine de minute, suspendu dans le vide avec un magnifique panorama – le soleil qui se couchait donnait une magnifique teinte orangé –. La grande roue devait rentrer dans le classement des meilleurs lieux pour recevoir son premier baiser après le cinéma ! Même, c'est l'endroit parfait pour déclarer sa flamme !
L'envie de lui dire ce que je ressentais devint de plus en plus intense en même temps qu'une partie de moi tentait tant bien que mal de restreindre cette folie.
Ma résistance intérieure finit par céder.

- Je t'aime.

J'eus l'impression de ne plus contrôler mon corps durant un court instant, le temps que mes lèvres prononcent ces mots.

Réalisant brutalement ce que je venais de dire, je sentis mes joues brûlées.

Je... Je l'ai dit...

- Linoa...

Doucement je dirigeai mon regard vers lui tout en prenant soin d'éviter de croiser ses yeux.

- ... Qu'est-ce que tu as dit ? Je suis vraiment désolé mais je n'ai pas entendu.

Ce fut à ce moment-là que je remarquai l'écouteur dans sa main, l'autre étant toujours à son oreille.

- On m'a appelé et tu semblais si plongée dans tes pensées que je n'ai pas voulu te déranger avec cet appel.
- Ah...

Une partie de moi était soulagée.

Pas de râteau aujourd'hui.

- Alors tu m'as dit quoi ? me demanda-t-il.
- Non... rien de bien important, déclarai-je, oublie.

Son attention sembla se reporter sur la personne qui l'avait appelé.

- Quand je pars de la fête foraine ? répéta-t-il.

Son regard tomba sur sa montre.

- Dans moins d'un heure, répondit-il. Ok pas de problèmes.

Il enleva sa deuxième oreillette.

- Je ne vais pas pouvoir renter avec toi à l'internat, m'annonça-t-il. J'ai quelques petits trucs à régler.

Je blottis ma tête contre mon nounours pour qu'il ne voit pas ma déception.

- Au moins tu es venu et tu es resté jusqu' à la fin du rendez-vous, murmurai-je.
- Laisse-moi une petite place.

Je me décalai et, rapidement, je sentis une présence à côté de moi. Doucement, il attrapa ma main et laissa sa tête pencher dans ma direction. Rougissant légèrement, je fis de même.

Il était si près de moi...

- Profitons de ce moment, d'accord ?

Faiblement, j'acquiesçai.

À cet instant, je n'eus qu'une envie : que le temps s'arrête.

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