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Est-ce que nous avions changé ? Je ne me souvenais plus de notre vie précédente, de notre vie au début de notre relation.

En revanche, nos échanges physiques restaient intenses, nos rencontres fulgurantes. Il m’envoyait toujours dans des orgasmes magnifiques. Je crois qu’il aimait bien mes étreintes, prenant autant de plaisirs en lui qu’en m’en donnant.

Nous avions retrouvé ces moments. Nous revenions de loin. Ce que j’adorais, c’était suçoter son mamelon endommagé. J’étais responsable de cette cicatrice, j’avais marqué mon amant de mon coup de fouet. Je crois que, finalement, il était fier de cette trace, car elle venait de moi. Je le sentais plus chaleureux quand je le titillais.

Une seule fois, il parcourut du bout de l’ongle les balafres de mon corps. Je regardais son visage et j’y lisais de la nostalgie, du regret. Regret de me l’avoir fait ou regret de ne plus pouvoir le faire ? Il me prit ensuite avec sauvagerie. Je n’arrivais pas à vraiment me défaire de ma soumission. Je ne voulais plus redevenir son objet sexuel. Je ne savais plus si je l’étais.

De temps en temps, il se positionnait pour m’accepter. Je le préparais alors longuement, retenant l’envie d’écraser mon maitre. C’était un jeu délicat et dangereux. Nous oscillions entre ces états .

Nos relations amicales et sexuelles étaient toujours présentes. Aucun ne se permit de remarques sur nos cicatrices. Ils savaient d’où elles venaient, les rendant admiratifs et interrogatifs de nos explorations. Dans ces moments, notre complicité revenait. William restait l’amour infini de mon cœur. Je voyais bien qu’au-delà d’aventures passagères, je restais son port d’attache, l’indispensable dans sa vie.

Pouvions-nous dire que nous étions heureux ?

***

Il inventait de petits jeux. Le plus sordide commença quand il me lança un sac plastique.

— Habille-toi !

J’ouvris le sac. Des odeurs de vieille pisse, de crasse en sortaient. Il s’agissait de vêtements récupérés, je ne sais où.

— Vas-y, c’est un petit jeu qui va te rappeler de bons souvenirs.

J’enfilais ces puanteurs. Nous étions un dimanche matin. Il me conduisit sur la place entre la cathédrale et le marché. Il me désigna un emplacement.

— Tu te mets là, accroupi, les mains ouvertes. Tu ne dois pas parler, juste mendier avec les yeux. Tu dois savoir le faire !

Il alla s’installer à la terrasse chauffée du café, juste en face. Il ne me quitta pas des yeux, un grand sourire chaleureux sur le visage.

Le temps était glacial, les vêtements troués, le sol dur. Rapidement, des fourmis me crispèrent les jambes. Je tentais de bouger, mais son regard m’en empêcha. La situation était pénible, mais la souffrance était ailleurs. Jamais je n’avais quémandé. Me rabaisser au rang de mendiant alors que je gagnais bien ma vie me rappelait que j’aurais pu si facilement être en permanence à cette place. Peut-être, en fait, était-elle ma vraie destinée ?

Il recommença quelquefois. Il semblait heureux de cette humiliation, ne se rendant pas compte que j’y puisais une force plus grande de fuir ma pauvreté congénitale. Chaque fois, il ramassait ma collecte pour la donner à un autre mendiant. Je devais intrinsèquement attirer la pitié vu les sommes récoltées. Je n’ai jamais compris ses motivations réelles.

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