Ils restèrent figés. Personne n’osait bouger, ni même respirer.
Le bois semblait les enfermer, refermant derrière eux un monde où le temps ne coulait plus.

— « C’est… c’est une blague ? » murmura Sofiane.
— « Ta gueule », répondit Hichem. Il ne rigolait plus du tout.

L’arbre devant eux était vieux, noueux. Ses racines dépassaient du sol comme des doigts crochus. Et sur son tronc, gravé à même l’écorce, le message semblait vivre, bouger sous leurs yeux :

"VOUS ÊTES VUS."

Khadija s’approcha. Elle n’avait rien dit depuis le début.
Elle posa la main sur le bois. Et aussitôt, elle recula en hurlant.
— « Il est chaud ! Il… il bat ! »

Yanis s’avança, sceptique. Il tendit la main… et sentit une pulsation.
Comme un cœur. L’arbre… respirait.

Ils décidèrent de rentrer.
Lina disait que ce n’était qu’une hallucination, que leur peur les faisait délirer.
Mais dans la forêt, la peur ne déforme pas la réalité. Elle l’éveille.

Sur le chemin du retour, ils entendirent un murmure.
Lointain. Bas. Répété.

« Khadijaaa… Khadijaaa… »

Elle se retourna, tremblante.
— « Qui m’a appelé ?! »

Personne n’avait parlé. Mais tous l’avaient entendu. Et tous avaient reconnu la voix de Rachid.

De retour au village, ils se séparèrent vite, sans parler.
Chacun rentra chez lui avec un silence pesant dans le cœur.

Sauf Khadija.
Elle resta devant sa maison. Debout. Figée.
Quelque chose l’observait.

Depuis les arbres…
Depuis là où la lumière ne va jamais.

Cette nuit-là, elle ne dormit pas.
Et le matin… elle ne vint pas à l’école.

Yanis s’inquiéta. Il alla frapper chez elle.
La mère de Khadija, les yeux cernés, lui ouvrit.
— « Elle est dans sa chambre. Elle… elle ne veut plus parler. Elle reste sous le lit. Elle dit que… que s’ils la voient… ils la prennent. »

Yanis monta.
Et quand il entra… il vit.
Sur tous les murs de la chambre, gravé à l’ongle, en lettres rouges :

"VOUS ÊTES VUS."
"VOUS ÊTES VUS."
"VOUS ÊTES VUS."

Des dizaines de fois.
Et sous le lit… deux yeux qui ne clignaient pas.