Chapitre 3 — Sous le lit, ils chuchotent
Yanis resta figé à l’entrée de la chambre.
L’odeur de sueur froide et de peur stagnait dans l’air.
Le plafond semblait plus bas. Les murs... plus proches.
Et les gravures, rouges, brillaient faiblement.
"VOUS ÊTES VUS." Encore, encore, encore.
Gravé avec les ongles. Certains mots saignaient encore.
Sous le lit, les yeux de Khadija le fixaient. Immobiles. Vides.
— « Khadija… c’est moi. C’est Yanis. »
Silence. Puis un murmure.
— « Ferme la porte… ils n’aiment pas quand on parle d’eux. »
Yanis obéit. Lentement.
Puis s’accroupit. Mais quand il jeta un œil sous le lit…
elle n’y était plus.
Seulement un coussin. Un drap.
Et des griffures sur le sol.
Des griffures qui menaient… au mur.
Il recula.
Puis entendit un raclement derrière lui.
Khadi se tenait debout dans un coin de la pièce. Les yeux écarquillés.
La tête penchée bizarrement. Comme si son cou était trop fragile.
Ses lèvres bougeaient sans bruit.
— « Khadija ? »
Elle releva lentement la main. Pointa le plafond.
Yanis leva les yeux…
Et vit.
Quelque chose collé au plafond.
Un corps. Ou plutôt une silhouette. Grise, sans visage.
Elle se tordait lentement, comme un tissu mouillé qui coule au ralenti.
Puis elle tomba.
Yanis hurla. Mais personne ne l’entendit.
Sa vision se brouilla.
La chambre tourna.
Il courut. Se cogna au mur. Sortit.
Descendit les escaliers en trébuchant.
Sortit dans la rue en hurlant :
— « ELLE EST PAS SEULE ! ELLE EST PAS SEULE DANS LA MAISON !! »
Les voisins sortirent. Sa mère le vit. Le prit dans ses bras.
Mais dans son dos… dans la fenêtre de la chambre de Khadija…
quelqu’un le regardait.
Quelqu’un sans yeux.
Le soir même, la rumeur courait déjà.
"Yanis a vu quelque chose dans la chambre de Khadija."
Mais Khadija, elle, n’était plus là.
Disparue. Sa mère ne comprenait pas.
Le lit était froid. La chambre vide.
Mais sur le mur, un nouveau mot était apparu :
"ELLE NOUS VOIT AUSSI."
Les quatre amis restants se retrouvèrent dans un terrain vague.
Lina pleurait en silence.
Hichem tournait en rond, les mains dans les poches.
Sofiane regardait le sol.
— « On doit y retourner. » dit Hichem.
— « T’es malade. » répondit Sofiane.
— « Elle est là-bas. Quelque chose l’a prise. On la laisse pas. »
Yanis leva la tête.
— « On n’a pas le choix. Ils sont déjà là. »
Un long silence. Puis Lina montra son bras.
Une trace rouge parcourait sa peau. Un mot écrit sous la chair.
"À TON TOUR."

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