Chapitre 30 - 2

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Ils sortirent faire un tour dans le jardin d’hiver, une série de sentiers abrités de camélia et d’arches recouvertes de clématites – des espèces qui s’épanouissaient avec le froid.

Rosalie ne put s’empêcher d’examiner les plantes, un vieux réflexe ancré en elle. Un moyen d’occuper ses mains et son esprit, le temps que sa colère retombe, car elle ne souhaitait pas qu’Amerius en fasse les frais.

– Je suis navré pour tout à l’heure.

La jeune femme releva la tête.

Il avait saisi une clématite entre ses doigts et s’amusait à faire tourner les pétales.

– Galicie peut être difficile à vivre. Et elle a décidé qu’elle ne vous aimait pas.

– J’avais remarqué. C’est à se demander comment vous avez pu être aussi proches pendant une période.

Amerius se mordit l’intérieur de la joue.

– Galicie ne conçoit pas qu’on lui dise non. Elle avait une manière disons… insistante de faire comprendre ce qu’elle voulait. J’étais un adolescent encore en mal de repères et de compréhension des autres alors…

Il n’acheva pas sa phrase et arracha accidentellement un pétale. Il relâcha la fleur, dont le morceau volé resta collé à son gant.

– Ce n’est pourtant pas l’impression que ça donne.

Amerius lui rendit un regard perdu.

– Vous. Les autres. Je ne me sens pas incomprise. Vous êtes même plus réfléchi et attentif que certains.

Il sembla presque choqué de l’entendre, mais Rosalie était sincère.

– Il s’agirait plutôt d’un problème d’expression… marmonna-t-il.

C’est pour cela que vous me vouvoyez ?

Elle n’eut pas le temps de le dire à voix haute. Un serviteur du palais accourait vers eux, faisant crisser la neige du sentier sous ses bottes.

– Sa Majesté veut vous voir dans son bureau.

Les résultats étaient arrivés très vite.

– Il s’agit bien de roche lunaire. On les tient, se réjouit la reine. Amerius, je veux que tu m’aides. Nous allons nous rendre dans leurs quartiers avec des soldats et les appréhender. Une fois les lieux vidés, je veux que tu les fouilles à la recherche de preuves, tu sais quoi trouver.

Rosalie ne lui demanda pas la permission de venir. Amerius s’était de toute façon tourné vers elle avant de hocher la tête.

Un groupe de dix gardes fut mobilisé pour se rendre jusqu’aux appartements des magiteriens, tandis que d’autres attendaient en retrait. Rosalie et Amerius se tenaient sur une mezzanine, juste au-dessus de l’antichambre des Astre-en-terre, une pièce haute et vide, qui n’avait rien à envier au reste du palais. Une double porte de trois mètres barrait l’accès aux quartiers de la famille. Le bois était gravé de symboles magiques, mais le centre était occupé par un grand croissant de Lune en relief.

– Les Astre-en-terre sortent rarement de leurs quartiers, avait expliqué la reine, et plus du tout depuis deux semaines. L’entrée est protégée par un charme qui empêche quiconque d’y accéder sans autorisations.

Sans doute la raison pour laquelle ils étaient encore en vie, songea Rosalie.

Cette branche de la famille comportait une dizaine de membres. Virginia, la matriarche, et ses trois enfants – deux filles et un garçon – tous mariés, à un Landepluie, une Becaigrette et un noble d’Annatapolis. Ce dernier mariage avait été pour l’instant le seul à donner des enfants, au nombre de trois, et le plus vieux ne devait même pas avoir sept ans.

Galicie VII se dressa devant la porte, sa tête ceinte d’une couronne d’or.

– Ouvrez à votre reine.

La porte resta fermée.

– Virginia Astre-en-terre !

Même d’ici, Rosalie pouvait voir les mains de la reine se crisper. La famille avait beau décider qui entrait ou non, ils ne refusaient jamais ce droit à leur reine. Celle-ci blêmit avant de se tourner vers l’un de ses conseillers.

– Peut-on ouvrir cette porte par la force ?

Rosalie en vint à penser la même chose. Ils arrivaient peut-être trop tard. La jeune femme se précipita dans l’antichambre et s’approcha de la reine.

– Laissez-moi regarder. C’est un sort magiterien, je peux peut-être le forcer.

Galicie VII ne songea même pas à la rabaisser.

– Essayez. Cela ne coûte rien.

Rosalie se dirigea vers la porte et posa ses mains sur le bois. Il vibrait de magie, mais d’une manière inhabituelle. Comme si l’enchantement était perturbé ou bridé par autre chose. Quelqu’un ne voulait pas que cette porte puisse être ouverte par accident, ce qui pouvait arriver si les Astre-en-terre avaient besoin d’une ouverture en urgence depuis l’intérieur. Ce qu’on les avait empêchés de faire.

– Vous sentez ça ?

Amerius l’avait rejoint, les doigts également contre le bois.

– Oui. Je reconnais la manière d’être de la magie industrielle.

– La magie de Terre a dû être contrecarrée.

– Galicie, appela Amerius.

Elle s’approcha avec son conseiller et le capitaine des gardes.

– Il nous faut de quoi graver.

La reine leur fit parvenir des scalpels. Amerius et Rosalie se mirent au travail sans se consulter. Ils avaient eu la même idée et s’étaient naturellement réparti le travail. L’équation de suppression magique fut longue à tracer, à cause de la nature du bois et de la quantité de magie présente.

Pendant ce temps, Galicie VII distribuait les ordres. Des intrus avaient peut-être fait irruption dans le palais et celui-ci devait être passé au peigne fin, les entrées et sorties scellées, tandis que ses conseillers étaient envoyés rassembler les domestiques. Si les Astre-en-terre avaient subi un sort funeste, les répercussions seraient lourdes et la reine devait prouver son innocence.

Au terme d’une demi-heure d’efforts, Rosalie traça la dernière lettre de l’équation, d’une main rouge et tremblante. Elle sentit aussitôt la magie être aspirée, et recula pour ne pas être touchée.

Un battant se relâcha dans un déclic. Amerius et Rosalie se regardèrent. Les soldats se déployèrent autour d’eux, lances et revolvers en main. La jeune femme se saisit du battant et tira.

Elle recula aussitôt, le visage giflé par l’odeur de putréfaction. Amerius mit un mouchoir sur son nez, les toussotements des gardes résonnèrent.

– Ho non…

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