Chapitre 31 - 1

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Manoir BasRose, 13h33, 3 nafonard de l'an 1900.


Des gouttes se mirent à tomber au moment où les fiacres s’arrêtèrent devant les grilles BasRose. Le représentant de la reine sonna les cloches du portail, faisant surgir domestiques et jardiniers.

Un majordome s’empressa de remonter la longue allée jusqu’à devenir un point disparaissant dans le manoir. Il revint quelques minutes plus tard, derrière un Azale BasRose rougeot et transpirant.

– Que signifie ceci ?!

– Monsieur, ouvrez cette grille, ordonna le représentant.

– Pas avant de m’avoir expliqué le motif de votre venue.

– Refuser d’ouvrir revient à contrer un ordre royal. De plus, vous n’êtes pas patriarche.

Azale jeta un regard d’épouvante au fiacre et aux trois autres beaucoup plus imposants qui suivaient. Tiré par huit chevaux, chacun d’eux abritait douze hommes prêts à intervenir.

Voyant son cousin à deux doigts de faire une syncope ou de provoquer la colère de l’envoyé, Rosalie sauta du fiacre et s’avança jusqu’aux grilles.

– Azale ! Ne fais pas l’idiot et ouvre ce portail !

L’homme le regarda comme si elle eut été un fantôme.

– Rose ! Mais qu’est-ce que tu… enfin à quoi rime tout ceci ?!

– Ouvre la porte. Et rassemble toute la famille dans le grand salon. Dis-toi que je n’aurais pas remis les pieds ici sans une raison vitale.

Azale blêmit et bredouilla des paroles incompréhensibles, avant de céder et d’ouvrir les grilles. Il monta dans le fiacre de tête avec Rosalie et l’envoyé. Quatre gardes restèrent en arrière à surveiller les grilles, afin d’interpeller arrivants et tentatives de fuite.

Au manoir, Azale pressa les domestiques d’appeler les BasRose à se rendre dans le salon. Les soldats se déployèrent dans la bâtisse, bloquant les accès indiqués par Rosalie. Celle-ci ouvrit la marche jusqu’au salon, accompagnée de l’envoyé et de son cousin. Huit gardes les accompagnèrent.

Jasmine et Pyrius furent les premiers à arriver, et se jetèrent immédiatement au cou de leur fille.

– Ma chérie ! Que se passe-t-il ? Que s’est-il passé depuis…

L’envoyé lui coupa la parole.

– Avec tout le respect que je vous dois, madame BasRose, votre fille n’est pas autorisée à vous informer de la situation. Je ferai une déclaration quand l’entièreté de votre maison sera présente. Dites-moi simplement si certains membres sont absents et où il serait possible de les trouver.

– Tout le monde est présent.

L’homme eut un hochement de tête approbateur.

Violine apparut dans l’encadrement de la porte, escortée par deux soldats. Son regard sévère se porta aussitôt sur Rosalie.

– Toi ! Tu n’as aucun droit d’être ici ! Qu’est-ce que tu nous veux, souillure ?!

Un garde s’interposa. Violine recula, le visage brûlant de rage.

– Ma petite-fille n’a pas tort, grinça une voix.

Astrance BasRose venait d’entrer dans la pièce, digne, aucunement intimidée par la présence des autorités. Sans doute s’y était-elle préparée, une liste d’arguments prête à surgir de sa bouche.

– Matriarche BasRose, clama l’envoyé. Veuillez vous asseoir, vous et les vôtres.

Ils obéirent, tandis que Rosalie restait à l’écart, du côté de l’homme.

– Sur ordre de la reine, je vous place, vous ainsi que les membres des autres familles, en état d’arrestation pour suspicion de complicité de meurtres et de trahison.

Violine et Azare hurlèrent à la diffamation, là où Jasmine et Pyrius s’étaient pris dans les bras. Déjà au courant, ils attendaient simplement la suite.

– Expliquez-vous, siffla Astrance. Je ne tolérerais pas ces accusations sans fondements.

L’envoyé hocha la tête.

– Ce matin, les corps sans vie des Astre-en-terre ont été retrouvés dans leurs appartements. Seuls les enfants ont été épargnés.

– Tués… Mais… mais par qui ? fit Azale. Et en quoi cela fait-il de nous des complices ?

– Des récentes découvertes ont montré que les familles étaient impliquées dans des affaires de dissimulations.

– Comment !

– La pierre qui constitue vos manoirs est faite de roche lunaire. Sa possession sans certificat est interdite.

– Mais nos manoirs datent de…

– Je crains qu’il n’y ait méprise, le coupa Astrance. Comment cela pourrait-il être possible, puisque la Lune n’appartenait pas encore à la reine ?

La matriarche ne tenta pas de démentir la nature de la pierre. Elle devait savoir cela inutile, puisqu’une simple analyse pouvait prouver son mensonge.

– Il ne s’agit en rien de vol, ajouta-t-elle. Ses manoirs ont été érigés avec ce que nos ancêtres ont trouvé sur place. S’il s’avère qu’il s’agit de roche lunaire, nous ne sommes pas responsables. La loi d’ante-propriété est valable.

– Sauf si l’ante-propriété en question est impliquée dans une affaire pouvant porter atteinte au royaume ou à des vies humaines.

Astrance afficha son plus beau sourire narquois.

– Monsieur l’envoyé, j’ignore de quoi vous parlez. Qu’elle est donc cette affaire ?

– Astrasel Noé.

Rosalie avait parlé contre l’ordre de l’envoyé. Celui-ci se retourna, choqué de son intervention. La jeune femme s’en fichait. Elle n’avait d’yeux que pour sa grand-mère, dont la réaction ne s’était pas fait attendre. La vieille femme s’était efforcée de faire croire à l’incompréhension, mais Rosalie avait vu ce sursaut de poitrine, ses mains se contracter, avant de se refermer autour de son collier de pierre. Pas un instant, elle n’avait imaginé que quelqu’un puisse connaître cet homme.

– Noé, oui, et j’imagine qu’il a dû faire chanter les familles pour obtenir du matériau lunaire.

L’envoyé s’interposa.

– Mademoiselle Ba…

Astrance s’était levée.

– Calomnieuse ! J’aurais dû te tuer ce jour-là ! Je me doutais bien que tu tenterais de te venger en inventant des…

La gifle fit sursauter tout le monde. Astrance rouvrit les yeux sur sa fille, la main encore tendue.

– Mère.

Jasmine rassembla son courage.

– Va te faire voir.

La mâchoire de la matriarche trembla de rage.

– Je me suis montrée lâche lorsque tu as humilié ma fille. Une erreur que je ne referais pas.

Pyrius la rejoignit pour appuyer ses propos. Le couple se tourna vers l’envoyé.

– Nous ne savons pas grand-chose, mais nous vous aiderons. Nous pouvons vous aider à trouver des preuves s’il y en a dans ce manoir.

– Traîtres ! hurla Astrance.

L’envoyé adressa un signe de tête aux soldats. Astrance, Violine et Azale furent emmenés. Si la matriarche tentait de sauver les apparences, son neveu ne cessait de bredouiller des questions. Violine gardait la tête droite, mais était encore plus pâle qu’un perce-neige.

– Que va-t-il leur arriver ? demanda Jasmine.

– Les magiteriens qui ne souhaitent pas collaborer vont être emmenés dans un lieu tenu secret, où ils seront protégés et interrogés à la fois. Ceux qui comme vous sont fidèles au royaume seront menés au palais.

Pyrius signa de manière précipitée.

– Il dit que son père et ses frères collaboreront. Il est certain qu’ils ne savent rien non plus.

– Ce sera à nous d’en juger, chère madame.

Il se fit indiquer les pièces appartenant à Astrance, ainsi que les entrées des trois passages secrets du domaine. Rosalie, Jasmine et Pyrius furent interrogés, puis vinrent en aide aux soldats et à l’envoyé pour rassembler tous les documents nécessaires.

Jasmine et Pyrius allaient devoir repartir avec l’envoyé, mais des soldats resteraient au manoir au cas où Noé apparaîtrait, ce qu’ils sauraient immédiatement grâce aux détecteurs de magie industrielle placés tout autour de la propriété. Rosalie ne voulait pas s’en aller de suite.

– Monsieur l’envoyé, je… me serait-il permis de rester ici quelques heures ? Je n’ai pas revu cet endroit longtemps. Les gardes peuvent me suivre s’ils le souhaitent.

Il sembla hésiter, mais contre toute attente, hocha la tête.

– Amerius Karfekov s’est porté garant de vous. Je dirais aux soldats de vous laisser de l’espace.

– Je vous remercie.

L’envoyé monta dans le fiacre, mais Jasmine et Pyrius attendirent encore un peu.

– Ma chérie.

Ils la serrèrent dans leurs bras.

Cette fois, on ne t’abandonne plus, signa son père.

– Je sais. Faites attention à vous.

Les véhicules repartirent, les grilles se fermèrent.

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