Chapitre 43 - 2

4 minutes de lecture

– J'ai fait comme tu m'as dit et placé des enregistreurs partout dans la ville. Les bandes récupérées ce matin me l'ont montré. Les images datent d'à peine une heure.

Serrés sur une même banquette, Amerius et les parents de Rosalie avaient les yeux rivés sur la scène enregistrée. L'image sépia fabriquée par magie était floue et la surface de verre du tube enregistreur assez réduite. Mais Amerius la reconnut.

Mona Zelenski s'était déjà présentée à La Bulle pour rendre visite à Rosalie, pour qu’elles aillent déjeuner ensemble dans un restaurant du quartier.

Le jeune homme se souvint que l'apparence de la couturière l'avait marqué. Ce n'étaient pas tant sa blondeur extrêmement pâle, presque autant que sa peau, et que ses yeux d'un cyan dilué, mais son attitude.

Rose saluait toujours Amerius avant de partir déjeuner à l'extérieur, et par la porte ouverte le regard du jeune homme avait croisé celui de la couturière. Un regard inquisiteur, glacial, menaçant.

Si cela lui avait évoqué le comportement d'une femme jalouse des autres que sa compagne aurait pu fréquenter, à présent il comprenait que c'était celui d'une enfant qui ne supportait pas de devoir partager sa mère. Mona avait-elle saisi l'attirance d'Amerius pour Rosalie ? Si oui, elle avait dû le percevoir comme une menace pour sa famille déjà morcelée.

L'image la montrait à proximité d'une maison à la façade fanée. Elle posa sa main sur la porte, qui s'ouvrit sous une légère impulsion. Elle entra, mais en ressortit seulement une minute plus tard, en claquant furieusement la porte contre le mur.

– Que fait-elle ? s'interrogea Amerius.

– La même chose que nous, je suppose. Elle cherche Noé.

– Deux mois après ?

Mona aurait-elle une maîtrise hasardeuse de sa capacité à voyager ? À moins qu'elle n'ait plus assez de magie.

– Pourquoi elle remonte pas le temps pour aller le choper où elle est sûre de le trouver ?

Sans doute à cause des raisons auxquelles Amerius venait de penser. Et...

– Parce que son père a dû s'assurer de ne pouvoir être suivi. Il n'est pas à une formule près. À qui appartient cette maison ?

– D'après mes infos, elle est vide depuis quelques années. Le locataire serait parti précipitamment après une mutation à l'étranger. Un certain... Maguel Stanford.

Pyrius claqua soudain des doigts avant de montrer l'image du doigt.

Sa jambe.

Le magiterien avait raison. Mona boitait, traînant sa jambe gauche derrière elle.

– La miss BasRose l'aurait blessé ? proposa Bartold.

– Non. Ce n'est pas cela.

Mona ne boitait pas parce qu'elle était blessée. Mais parce que sa jambe disparaissait. Il manquait un morceau au niveau du mollet, devenu aussi mince qu'une baguette. Sur l'image, Mona porta sa main à sa blessure, qui s'agrandit en se dissipant comme un nuage de cendres.

– Elle se consume, la magie la dévore comme une Poupée.

Et avec elle, la seconde chance d'Amerius de revoir Rosalie.

– Tu dis que les images datent d'une heure ? Où se trouve cette maison ?

– À quarante minutes de là.

– Descendez, ordonna-t-il à Jasmine et Pyrius.

Ils obéirent, puis Amerius revint à Bartold.

– Fonce.

Moins de deux secondes plus tard, il dut s'agripper pour ne pas tomber. Mona ne devait pas être bien loin. Sa magie était devenue précieuse, elle ne prendrait pas le risque de voyager ou de se téléporter.

Bartold lança les chevaux au-delà de la vitesse réglementaire et brûla plusieurs sens interdits pour gagner de précieuses minutes.

En ce temps de vigilance météorologique pour neige violente, les rues étaient presque désertes. Les flocons venaient de se battre à tomber, larges comme des yeux d'enfants.

– Comme des pistils d’anémones, avait une fois dit Rosalie.

Lorsque Bartold freina les chevaux dans la rue de maisons aux façades rose délavé, plusieurs centimètres recouvraient déjà le sol.

Amerius se souciait bien peu d'abîmer ses bottes.

Bartold l'avait déjà précédé vers la maison. La porte encore ouverte battait contre le vent violent. Le carrelage brun était déjà nappé de blanc.

– C'est vide. Cherchons ailleurs.

Le duo délaissa la maison et fouilla les alentours, revolvers en main ; Amerius avait abandonné sa canne dans le fiacre.

Il passa en revue les maisons alentours, ignorant celles dont les rideaux laissaient entrevoir de la lumière.

Mona s'était dirigée vers la droite en sortant de la maison. Si elle voulait se cacher, ce serait au bas de la rue, là où Amerius crut apercevoir un magasin aux fenêtres barrées de planches de bois. Il cligna des yeux pour chasser la neige collée sur ses paupières et fit signe à Bartold de le suivre.

La porte de la boutique avait été enfoncée. Amerius poussa le battant à la serrure arrachée et entra. La salle n'était remplie que d'obscurité. Le jeune homme faillit gronder de frustration, quand il aperçut un vieux comptoir dans un renfoncement.

Il s'avança, l'ouïe tendue vers le recoin sombre.

Une faible respiration saccadée lui parvenait.

Amerius parvint au plus près du comptoir avant de tourner brusquement pour se retrouver derrière.

Assise contre le bois, les restes de sa jambe éparpillés devant elle en morceaux calcinés, Mona Zelenski lui souriait. Un air méprisant, mais victorieux.

– Amerius Karfekov. C'est trop tard, tu sais. Elle est en sécurité. Elle est en sécurité...

Amerius de saisit d'elle par les cheveux et la fit relever. Bartold lui jeta un regard hésitant.

– Amer...

– Va chercher le fiacre. Tout de suite.

Bartold rangea son arme, jeta un dernier regard à la fille et quitta le magasin.

Amerius reporta son attention sur Mona, qui souriait toujours, à moitié avachie comme une marionnette aux fils coupés.

Le jeune homme la consuma du regard.

– Toi et moi, nous allons avoir une longue discussion. Vraiment très longue.

Annotations

Vous aimez lire Benebooks ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0