Jour 10 : Balayer
Ce matin, j’ai eu un sursaut d’orgueil.
Assez de tout ça : les poils, les fils, la moustache, le cerf, le pigeon, le carnet. J’ai décidé de mettre de l’ordre. Comme si un peu de ménage pouvait me rendre ma vie d’avant.
J’ai attrapé mon vieux balai et j’ai commencé à balayer le salon.
Au début, c’était normal : poussière, miettes de chips, plumes de pigeon. Puis, les saletés se sont mises à former… des lettres.
Des mots.
J’ai reculé, le cœur battant. Sur le sol, sous mes yeux, la poussière s’alignait, fil par fil, grain par grain, pour écrire :
“On ne balaie pas un cauchemar.”
J’ai lâché le balai. Mais il a continué de bouger tout seul. Le manche vibrait, frappait le sol, raclait les murs. Les poils de la brosse se tordaient comme des doigts.
J’ai voulu courir, mais la porte était bloquée. Alors, dans ma panique, j’ai crié :
— STOP !
Et tout s’est figé. Silence complet.
Le balai est retombé inerte. La poussière aussi.
Quand j’ai repris mon souffle, j’ai remarqué une nouvelle phrase griffonnée dans mon carnet, à la dernière page ouverte :
“Balayer ne servira à rien, Enzo. Tu ne fais que remuer la crasse.”
Je n’ai aucun souvenir d’avoir écrit ça.

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