Jour 13 : Boire
Je ne dors plus. Chaque fois que je ferme les yeux, j’entends le froissement des pages, comme si le carnet respirait. Alors cette nuit, épuisé, j’ai cédé. J’ai ouvert le carnet.
Une phrase m’attendait déjà, tracée en lettres sombres, irrégulières :“Fais-moi boire.”
J’ai d’abord cru à une plaisanterie macabre de mon propre cerveau. Mais aussitôt, la douleur dans ma main s’est réveillée. La plaie béante palpitait, comme si elle battait au rythme des mots.J’ai voulu résister. Je me suis dit : non, je ne nourris pas un cahier. Ridicule.Mais l’odeur de fer dans l’air s’est intensifiée. Et les pages… oui, je le jure… les pages se sont entrouvertes toutes seules, comme une bouche assoiffée.
Alors j’ai fait ce que je m’étais juré de ne pas faire. J’ai pressé ma paume contre la reliure.Le sang a coulé, imbibant le papier, qui l’a absorbé avec avidité. Comme une éponge. Comme une gorge.Et le carnet a frissonné. Oui, il a bougé dans mes mains.
Quand je l’ai arraché de ma peau, j’étais en larmes. J’ai voulu le refermer, mais il affichait déjà une nouvelle phrase, nette, tremblante :“Merci. Mais demain, tu devras me donner plus.”

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