Jour 18 : Accord
Je croyais avoir trouvé une ruse : enfermer le carnet dans un tiroir, le bloquer avec du ruban
adhésif, et l’oublier. Évidemment, ça n’a pas marché.
Cette nuit, un bruit sec m’a réveillé. Comme un claquement sec de reliure. Quand j’ai ouvert
les yeux, il était là, posé sur ma poitrine. Ouvert, bien sûr.
Les lettres s’écrivaient toutes seules, d’un tracé nerveux, impatient :
“Enzo. On ne peut pas continuer ainsi. Tu me fuis, tu me caches, tu me ridiculises. Cela doit
cesser. Faisons un accord.”
Je suis resté figé, les mains crispées dans les draps. Le carnet a poursuivi :
“Donne-moi ton écriture chaque soir. Remplis mes pages de ton sang, de tes rêves, de ta
peur. En échange, je t’offrirai… la paix. Je ne grifferai plus tes nuits. Je ne déchirerai plus ta
chair. Je ne t’ornerai plus de mes caprices.”
Et puis, comme pour adoucir la proposition, une petite moustache dessinée est apparue au
coin de la page. Souriante. Moqueuse. J’ai failli rire. Un rire nerveux, absurde.
Mais quand j’ai tendu la main, malgré moi, pour refermer le carnet, ma blessure s’est rouverte
toute seule. Une perle de sang est tombée sur la page, exactement à l’endroit où une ligne vide
attendait ma signature. Je me suis figé. Était-ce déjà trop tard ?
Le carnet vibrait doucement, comme un chat satisfait, refermé sur son pacte invisible.
Ce matin, tout est calme. Trop calme.
Mais je n’ose plus toucher un stylo. Si j’écris, est-ce moi… ou lui ?

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