Jour 21 : Explosion
Je savais que ça allait mal finir.Je le savais au moment où le carnet a commencé à hurler dans ma tête. Oui, hurler. Comme une cocotte-minute de voix humaines.
Tout a commencé quand j’ai voulu le brûler. J’ai posé le carnet dans mon évier, ouvert le gaz, et approché une allumette.J’ai pensé à cette femme du métro, à ses yeux paniqués. Peut-être qu’elle avait essayé aussi. Peut-être qu’elle n’avait pas réussi non plus.
L’encre de la couverture a commencé à bouillonner. Puis les pages se sont mises à battre comme des ailes. Une chaleur immonde a envahi la cuisine — pas celle d’un feu… celle d’une colère.
— Tais-toi, murmurai-je. Tais-toi.
Et alors ça s’est produit.La flamme a touché le cuir noir. Et le carnet a explosé.
Pas comme une bombe. Comme une bête qui libère tout d’un coup : une gerbe de fils noirs a jailli dans l’air, fouettant les murs, la table, mes bras. Des mots brûlants ont éclaté en lettres rouges autour de moi, suspendus comme des lucioles enragées.L’appartement s’est mis à trembler. Le miroir de la salle de bain a volé en éclats. Les lampes ont clignoté comme si elles hurlaient avec lui.
Quand je me suis réveillé, j’étais à plat dos au milieu de mon salon. Pas de feu. Pas de dégâts visibles, à part quelques coupures sur mes bras.Mais le carnet… était revenu sur la table.Intact.
Sur la couverture, une seule phrase, fraîchement gravée :
“Ça, Enzo, c’était mignon. Mais ne refais plus jamais ça.”
Et à côté, une moustache dessinée en forme de champignon nucléaire.

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