Jour 27 : Oignon
Je crois que j’ai enfin compris ce qui se passe. Ou plutôt, j’ai compris que rien ne se passe.
Tout s’effrite, couche après couche. Tout a commencé ce matin, quand j’ai remarqué une fissure dans le mur du salon. Une fine ligne sombre, comme une veine.
Par réflexe idiot, j’ai tiré dessus. Et la peinture est venue… d’un seul bloc.
Derrière, il n’y avait pas de plâtre. Ni de briques. Juste une autre couche de mur. Identique. Mais légèrement… différente. Un peu plus terne. Un peu plus faux. Alors j’ai continué.
J’ai pelé mon appartement comme un oignon. Sous le premier mur, un autre. Sous le plancher, un autre parquet. Sous le tapis, un autre tapis.
À chaque couche, une odeur plus forte. Pas de moisissure. Non. Une odeur de papier chaud. Comme si j’arrachais les pages d’un livre trop longtemps fermé.
Et puis j’ai compris : j’étais dedans. Dedans le carnet. Chaque couche, chaque pièce, chaque mot… c’était une page de plus.
J’ai voulu vérifier.
J’ai gratté mon bras — doucement. Et là aussi, la peau s’est soulevée. Fine, transparente,
laissant apparaître une autre peau en dessous. Un peu plus pâle. Un peu plus… encrée.
Le carnet s’est ouvert tout seul.
Une phrase est apparue :
“Continue, Enzo. Au cœur, tu sauras.” Je n’ai pas osé.
Parce qu’au centre d’un oignon, il n’y a rien. Juste le vide.
Et j’ai peur que si je retire encore une couche…
je disparaisse avec.

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