Premiers feux, premières cendres
2021
Le monde est sec.
Froid.
Faux.
Chaque jour, je me demande :
Pourquoi je me lève ?
Pourquoi je suis là ?
À quoi je sers ?
Les gars ?
J'suis pas faite pour eux.
Peut-être les meufs ?
Mes crushs au collège : des bombes.
Elles brillaient. Elles faisaient rire.
Et moi, j'les regardais avec ce truc au fond du ventre.
Un frisson, un flou doux.
Mais dès qu'elles ont senti que j'étais... différente,
fini.
Plus de potes.
D'un coup.
Fini les discussions, les regards complices, les rires partagés.
Comme si j'étais une menace.
Comme si aimer les filles, c'était avoir une maladie.
Mais merde, c'est pas parce que j'aime les filles que j'ai envie de toutes les pécho.
Faut grandir un peu.
Puis y'a eu Paula.
Un mercredi banal.
Aire de jeu.
Elle avec sa p'tite sœur. Moi avec ma cousine.
Rien de spécial... jusqu'à ce que nos regards se croisent.
Y'a eu un truc. Un déclic.
On connecte.
On s'ajoute sur Insta.
On commence à parler.
Tous les jours.
On parle de tout, mais surtout d'amour.
Des gens, des genres, des attirances.
Elle est pan.
Moi, floue. J'sais pas trop. Mais je penche.
Un jour, Saint Pierre.
La grande Place.
Des baisers. Des câlins.
Jamais mis de mot sur nous.
Mais on savait.
Un autre jour, elle m'invite chez elle.
On regarde un film débile.
Popcorn, chips, rires nerveux.
Ambiance douce.
Un peu trop douce.
Et dans son lit...
Nos jambes s'effleurent.
Nos mains se cherchent.
On s'est chauffées.
Un peu trop.
Ce soir-là, j'ai compris.
J'suis pas hétéro.
Et j'ai pas besoin de me justifier.
2022
Mais voilà...
Paula est partie.
Pas morte. Juste...partie.
Elle a choisi son meilleur pote.
Cliché ? Peut-être.
Mais c'est la vraie vie.
Moi j'étais là,
Avec mes souvenirs qui brûlent encore.
Mes questions sans réponse.
À 15 ans, j'voulais arrêter.
Arrêter de penser.
Arrêter de ressentir.
Arrêter tout court.
J'me disais :
"C'est là que ça s'arrête."
Parce que sans elle, tout devenait lourd.
Trop lourd.
Mais non.
Je suis restée.
Je sais même pas comment.
2023
16 ans.
Des potes ? Des faux surtout.
Sauf Alex.
Alex, il était là.
Surtout pour rigoler.
En maths, on parlait que de cul.
C'était simple. Déglingué, mais simple.
Un jour, il voit les marques.
Les coupures.
Les preuves silencieuses.
Je m'attendais à un "ça va ?"
J'ai eu droit à :
"Si j'appuie dessus ça te fait mal ? Tu sais quoi, t'as juste à sauter d'un pont... ça sera plus facile"
Pas un frisson d'empathie.
Pas une main tendue.
Juste une punchline.
Et pourtant,
on est encore potes.
Va comprendre.
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