Chapitre 2- Le parloir

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Sœur Humbeline courut dans la petite cour, sous l’abri de l’Abbaye. Des oiseaux qui picotèrent des graines, s’enfuirent en battant des ailes lorsqu’elle emprunta un virage. Sous le temps qui s’était adouci, les moineaux s’envolèrent jusqu’à la croix du Christ en pierre et se lavèrent dans l’eau bénie, qui était posée en dessous de ses pieds transpercés. Elle récupéra son souffle en plaquant sa main contre le mur et aperçut les deux jeunes hommes, en train de discuter avec la jeune mariée. Elle reprit sa course en priant le bon Dieu de pouvoir parler avec eux, et souleva légèrement sa jupe lorsqu’elle dû traverser une mini flaque d’eau. En entendant les pas de la sœur, ils se retournèrent et la virent s'arrêter près d’eux. Elle leur accorda deux minutes, le temps de récupérer sa respiration et posa ses deux mains sur ses genoux. Elle se redressa en allant prendre la parole :

— Vous avez deux minutes pour discuter ?

Ils hochèrent de la tête en acceptant sa proposition et la suivirent en empruntant un nouveau couloir qui menait à la salle à manger. Elle demanda de patienter encore cinq minutes, le temps d’aller récupérer une nouvelle personne. Il lui était impossible de fermer les yeux concernant cette histoire qui lui rongeait les esprits, depuis un certain moment. Elle se trouvait à l’allée centrale où tous les moines de Lacroix se rendaient chaque jour pour aller à la chapelle. Elle emprunta une nouvelle porte qui cachait des escaliers en colimaçon. Elle les grimpa en trottinant et se trouva en hauteur, où une vue resplendissait sur toute la chapelle, plongée dans la pénombre.
Des bougies se tenaient allumées pour recueillir le corps du père Théophane, installé dans un cercueil. Les moines préparèrent l’autel en dressant une courte nappe blanche, quant aux autres, ils répétèrent dans le chœur, en suivant un cistercien, les diriger. Le moine tenait dans sa main un cierge, avec une lecture posée sur ses genoux, il avait dressé le capuchon sur sa tête. Elle s’approcha délicatement de lui, en contemplant à la fois, les vitraux. Elle fut illuminée à chaque fois qu’un éclair frappa le ciel. Elle se concentra à l’essentiel en entendant quelqu’un se moucher et se tourna vers le moine. Elle remarqua que des larmes avaient trempé sa belle tunique blanche. Il était plongé dans sa lecture en nettoyant ses yeux humides. Il prit la parole en reniflant du nez.

— Cela doit vous surprendre de voir un moine pleurer.

Sœur Humbeline sourit, malgré sa remarque. Elle posa délicatement ses mains sur ses genoux et enleva son capuchon. Elle fut étonnée en observant son visage livide, il avait de grosses cernes qui faisaient le tour de ses paupières. Il angoissait et elle le savait, en remarquant ses genoux s’agiter. Elle le calma en prenant une grande respiration.

— Mais ce n’est pas facile quand il s’agit d’un jeune prêtre…
Il cacha ses larmes en détournant son visage dans un coin sombre et se mit à pleurer, en gardant tout de même le sourire.

— J’ai besoin de votre aide.

Intrigué, il se tourna lentement vers elle et referma le bouquin pour le poser à côté de lui. Il garda la bougie allumée qui éclaira leurs deux visages pâles.

— C’est à propos du père Théophane ? Ils, ils n’ont pas été d’accord ?

Elle remua la tête de haut en bas.

— Pouvez-vous nous rejoindre ?

Il se leva et demanda à la sœur de lui indiquer le chemin. Ils partirent donc tous les deux, à la recherche de cette enquête.


* * *
Une fois installé dans le grand réfectoire, le frère Philémon salua d’un petit signe de tête tout le monde et resta loin d’eux. Sœur Humbeline attendit que quelqu’un parle, mais ils étaient tous, recroquevillés. La jeune femme rousse tenait dans ses bras son mari et se berça contre lui. Elle jeta un regard vif dans l’immense salle vide, avec des éclairs qui défilèrent dans le ciel. Elle prit la décision d’allumer une petite bougie et de la déposer sur la table.

— Je voulais d’abord m’assurer que tout le monde soit en accord, pour la béatification.

Un long silence s’installa, tout le monde resta muet, sauf l’un d’entre eux qui renifla du nez.

— Je vois… Vous n’êtes pas d’accord pour qu’il devienne un saint ?

Ils se scrutèrent les yeux, un à un, en ne comprenant pas ce nouveau vocabulaire qui leur était complètement étranger.

— Pour être concrets, c’est une personne qui a accompli des miracles à travers les dons de Dieu. Par exemple, il a pu les accomplir en multipliant le pain, guérir des maladies graves. Il existe aussi les dons surnaturels, comme : porter les stigmates du Christ, lire dans les âmes, voir des apparitions de notre dame, des visitations dans le royaume des cieux, sauver des âmes du purgatoire, voir des anges. Bref, tout ça c’est la partie mystique, mais un saint, c’est une personne qui a su révolutionner l’Église et qui a pu écrire des thèses, comme saint Augustin, saint Dominique ou saint Bernard de Clairvaux. Les trois plus grands théologiens du monde entier. Vous arrivez à me suivre ?, répondit le frère Philémon.

Ils comprirent enfin ce que cherchaient les cardinaux, en acquiesçant.

— Mais vous ? Est-ce que vous êtes d’accord ?

C’était là le cœur du problème, personne ne désirait en parler. Sœur Humbeline le comprenait parfaitement, mais elle voulait avant tout, qu'il soit bienheureux, car les procès de béatifications durèrent des années avant que l’Église le canonise, comme un saint.

— Je sais que ce n’est pas facile… Mais si vous désirez me contacter, je vous donne mon numéro de téléphone, dit-elle en glissant doucement une feuille sur la table.

Le premier à rejeter était l’homme brun. Avant de partir, le moine avait pris son bras, en lui demandant de rester, mais il préféra partir en laissant les portes ouvertes. Quant à l’homme marié, il soupira longuement et agita la petite feuille entre ses mains. Il prit le stylo, posé sur la table et nota.

— Soupir, je ne sais pas ce qu’il me prend de faire ça...

Sa femme aussi, avait noté le numéro de téléphone et elle parla aux deux derniers consacrés en murmurant « à tout à l’heure ». En étant désormais que deux, le frère Philémon se releva pour éteindre la bougie.

— Je ne sais pas quelle mouche à piqué mon père, mais j’insisterai pour qu’il revienne, affirma-t-il à la jeune soeur, cachée, sous son voile blanc.

— Merci beaucoup Philémon, que Dieu repose dans votre cœur.

Il tapota sur son épaule gauche et remit son capuchon. Dans un dernier grondement d’orage, les cloches frappèrent quatre fois et les moines se préparèrent pour ouvrir grandement les portes de la chapelle.

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