Chapitre 19- Une mauvaise récolte

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Le frère Philémon invita le frère Paul-André à s’asseoir, en glissant doucement la lettre dans la case de son bureau. Il s’accouda en croisant les mains pour prendre la parole :

— Dites-moi tout mon frère, que se passe-t-il ?

— Après la chute de notre frère, j’ai voulu ranger le reste, mais j'ai renversé accidentellement un sac. Quand je me suis penché pour ramasser les épis, j’ai pu constater qu’elles étaient vides. J’ai fouillé les autres graines que nous avions emmené au grenier et ce fut la même chose mon père, elles étaient toutes vides…

Embêté, le frère Philémon titilla le bout de son index en se rongeant à la fois, les mains.

— Ils nous en restent dans l’autre réserve ?

— Ceux que nous avions récolté il y a deux ans ? Oui, mais très peu…

— Effectivement, nous sommes dans la mouise, mouise, mouise, mouise… confirma-t-il en se mordant le bout du doigt.

— On pourrait peut-être envisager de faire une autre activité ?

— Soupir, malheureusement, c’est une mauvaise idée, car l’idée du pain était bonne. Ça permettait à nos paroissiens de venir fréquemment nous en acheter… Or, si nous nous tournons vers une autre activité, ça sera plus problématique… En sachant que nous avons très peu de sous actuellement.. Le père Théophane ne m’en avait jamais parlé… Il faudra attendre l’été prochain pour s’y remettre… Je ne vois pas d’autres moyens que de fermer la boutique…

— Mais, mais mon père ! Nous allons vivre dans une pauvreté absolue !

— N’est-ce pas le vœu que vous avez proclamé lors de vos vœux perpétuelles ?

Gêné d’avoir poser cette question, le petit moine tira ses manches vers lui.

— Non, j’ai mieux, nous allons continuer de faire fonctionner la boutique, en baissant les doses de farine… Soupir, pourvu que ça dure au moins jusqu’au printemps… Merci mon frère, de m’avoir averti… C’est la première fois que ça nous arrive….

— Si vous voulez, on pourrait demander aux paroissiens de nous donner un peu plus ?

— Non mon ami, si Dieu a voulu que les choses se passent ainsi, nous allons les dicter en toutes lettres. Faisons-lui confiance !

— Et si nous ne tenions pas jusqu’au printemps ? Que ferions-nous ?

— Nous commencerons à vendre tous nos biens, si nous n’aurons pas d’autre choix… affirma le père supérieur en se levant pour regarder par la fenêtre, les mains derrière le dos.

— Et après ?

Philémon avait prit une grande respiration, en connaissant les inquiétudes de Paul-André. Dès qu’un malheur frappait dans le monastère, il disait tout le temps que ça sera la fin des temps.

— Le après ne concerne que Dieu. Dites à vos frères que nous allons diminuer la farine.

— Oui mon père. Merci beaucoup.

Puis, il quitta la salle en le saluant. Le frère Philémon lâcha un long soupire, jusqu’à ce qu’il reprit sa place, en se massant entre les deux sourcils. Curieux, il tira la case pour continuer de lire la lettre de sœur Humbeline.

Lorsque le jour était arrivé, j’étais toute angoissée. Je tenais dans mes mains un bouquet de rose, à moitié fané. Je me tenais encore dans la salle du sacré-cœur. Je n’arrivais même plus à respirer tellement que l’air été étouffant. Je demandais au bon Dieu qu’un miracle puisse surgir du Ciel, en lui demandant de partir de cet endroit. Malheureusement, j’allais me marier à un homme, auquel j’y mettais de gros doute… Mon cœur en avait beaucoup saigné… Soudain, quelqu’un avait toqué à la porte. En sursautant, j’avais essayé de me cacher en disant des « non, non, non, pas maintenant ! », mais ce ne fut que le prêtre qui était inquiet de me voir dans tous ses états.

Vous allez bien Emma ?

Je lui avais menti en disant que j’avais perdu ma bague de fiançaille sous le meuble et m’étais relevée, nerveuse. Il avait posé sa mallette sur un long meuble en bois et avait soupiré.

Je sais que vous n’êtes pas prête. Je me trompe ?

En connaissant la vérité, j’avais hoché la tête, angoissée, en m’étant assise sur une chaise.

Oui mon père, j’ai des doutes, j’ai de gros doute avec l’homme avec qui je vais me marier… Il m’inquiète beaucoup et… J’ai, j’ai peur de ne pas être à la hauteur… Sans vous mentir, depuis quelques temps, j’ai trouvé notre liaison très distante.. On ne se parle plus beaucoup… Et j’ai peur qu’il me cache des choses, peut-être que je me trompe, mais à chaque fois que je le revois, j'en suis tétanisée… Et je n’arrive pas à calmer cette peur que j’ai en moi… Soupire mon père, aidez-moi ! Aidez-moi à prendre la bonne décision !

C’est votre mère qui vous a forcé à marier ?

Au début, je lui avais raconté que ce n’était pas elle qui m’avait forcé à me mettre avec lui, mais quand je lui avais expliqué quelques petits détails, il avait pris conscience que l’imposteur de cette histoire était ma mère et que oui, elle m’avait forcé à ce que je sorte avec ce garçon. Pourquoi ? Je n’en avais la moindre idée… Et que c’était bien elle qui avait pris la décision de me marier avec lui…

Mais j’ai confiance en ma mère, si elle me dit que c’est pour mon bien, alors je le ferais.

Non Emma, vous vous trompez.

J’avais ouvert grand les yeux, le soleil avait frappé très fort sur ma joue gauche.

D’après ce que j’ai compris, c’est votre mère qui vous a toujours dicté de ce que vous devez faire dans votre vie. Vous venez de me dire qu’il y a un an, vous avez quitté l’école catholique pour aller faire du droit alors que ce n’était pas du tout votre intérêt ! Vous venez aussi de me dire que lorsque vous avez rencontré Raphaël, votre mère a tout fait pour que vous soyez ensemble ! Et avec de faux sentiments, vous êtes tombée amoureuse de lui ! Emma, écoutez-moi, il-y-a-t-il une autre personne que vous aimez ? Je veux dire, un amour qui vous écoute réellement ? Parce-que ce que vous venez de me raconter, n’est pas du tout ce que Raphaël pense de vous.

Je fus paralysée à ce moment là. Attristée et à la fois bouleversée, j’avais versé quelques larmes en prenant un éventail pour me rafraîchir. Il attendait ma réponse, avant que je me lance :

Depuis quelques temps, lorsque j’étais au lycée, je… Oui… Mon cœur était en train de songé au Seigneur… Je m’étais demandée si j’étais faite pour demeurer à jamais avec lui… Et, sans vous mentir, j’ai… J’ai déjà reçu un appel il y a quelques jours… Là, dans mon cœur… Quand je me suis rendue à cette Église, j’ai senti mon cœur frappait très fort pour lui… Et lorsque j’ai voulu en parler à ma mère, elle était folle de rage et me disait que je devais me marier… Mon père, est-ce-mal ce que je suis en train de faire ? Après, peut-être que j’ai tort et que maman a raison…

Il m’avait pris les mains, les larmes aux yeux.

Alors ? Qu’est-ce que vous attendez pour le rejoindre ?

J’avais compris à ce moment là, qu’il parlait du Seigneur. Je lui disais que c’était impossible, que jamais je n’aurais l’accord de mes parents ! Et que c’était bien trop tard, la célébration allait commencer !

Non ma fille, rien n’est impossible au Seigneur. Tenez et prenez le, je vous en conjure.

Il m’avait donné un billet de train pour rejoindre un monastère, dont j'ingorais totalement la congrégation.

Mais mon père ! Et, et la célébration ?!

Oubliez-là et partez ma fille ! Je dirais à votre famille que vous vous ne sentez pas bien et que je vous ai ramené à votre pensionna.

Mais s’ils savent que j’ai fuit, ils vont être fou de rage !

Rassurez-vous ma fille, si un jour ils me demandent où vous êtes partie, je dirais la vérité.

Non mon père, ne dites rien, je vous en conjure ! Ils ne doivent pas le savoir ! Je la connais ma famille ! Ils vont tous m’en vouloir… Et ma sœur ne voudra plus jamais me revoir…

D’accord, je ne dirais rien, mais si un jour ils demandent, je leurs dirais, on est d’accord ?

Les larmes aux yeux, j’avais remercié le prêtre en le serrant dans mes bras. Il avait refermé la salle en me disant que j’avais encore quelques minutes pour me changer. J’avais exécuté ses ordres et était sortie par la fenêtre, sans que personne ne me voit. Puis, un taxi m’attentait avec le prêtre. Je lui fis un dernier au-revoir en le remerciant pour tout ce qu’il m’avait dit. Il m’avait répondu « c’est le Seigneur qui vous veut dans sa demeure, soyez-en bénie, ma sœur ». À la fois heureuse et stressée, j’avais refermé la porte de la voiture pour rejoindre la gare.

* * *

Une fois dans le train, j’avais lu attentivement le billet de train qui indiquait cette adresse « Le monastère de Lacroix ». Je connaissais bien Besançon, car j’avais fait mes études avec Coline avant que ma mère insiste pour que je devienne avocate… J’étais très nerveuse pendant tout le long du trajet, je pleurais à l’idée d’avoir laissé mon futur mari à l’autel, il allait mal le prendre, c’était sûr et certain… Et ma famille ?! Comment-allait-elle réagir ? Je n’en avais aucune idée, mais ce fut la première fois de ma vie, que j’avais pris une liberté, qui m'en coûtait la vie. Ce fut soudainement, un gros poids en moi, que j’avais tant laissé dans mon âme. C’était comme si, je respirais de nouveau, pour la première fois de ma vie… Je ressentais un grand apaisement, et une telle sérénité dans mon âme… Ce fut un drôle d’effet lorsque le train partit. Je pleurais à la fois d’avoir tout abandonné, mais à la fois, un gros soulagement. Je n’ai pas arrêté d’angoisser pendant tout le long du trajet, jusqu’à ce qu’un homme, ouvrit la porte pour s’installer. Je séchais mes larmes et contemplais la vue de Dijon, qui disparut à mes yeux. Quand il s’assit sur un siège, j’entendis de gros sanglotements. Apparemment, je n’étais pas là seule. J’avais levé mon regard au-dessus de mon siège et vis pour la première fois de ma vie, un moine, pleurait. Il ne pleurait pas qu’un petit peu… Toutes ses larmes tombèrent sur sa belle tunique et il murmurait, avec la pluie qui venait de se cogner contre les vitres du train « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ne pas m’avoir laissé vous rejoindre ? ». À ma grande surprise, je remarquais qu’il avait deux grands hématomes sur ses yeux, mais qui étaient bien masqués à l’ombre. Puis, il avait le regard posé sur son livre, lorsqu’il aperçut que je l’observais. J’avais détourné le regard, honteuse, et observais de nouveau, le paysage. Il s’était levé, en séchant ses larmes et s’était mis à côté de moi en regardant aussi par la fenêtre, la pluie qui tombait finement sur les arbres. Il avait vu les deux billets que j’avais pris et avait souri.

Vous-allez au bon endroit jeune fille.

Apparemment, il s’y connaissait bien en géographie.

Vous, vous connaissez cette Abbaye mon père ?

Oh oui, je m’y rends aussi.

Vraiment ? Pour quoi faire ? Sans être trop indiscrète…

Il avait rit sagement.

Pour retrouver mes frères, cela fait pratiquement trois ans que je ne les ai pas revus.

J’avais fait un petit « oh ».

Et vous ?

Je n’osais pas trop lui raconter la mésaventure qui m’étais arrivée et que c’était l’une des raisons à laquelle, je m’y rendais. Je m’étais palpité des lèvres.

Un prêtre m’a conseillé de m’y rendre pour songer à ma vocation.

Agréablement surpris, il sourit en détournant du regard.

Alors vous êtes tombée dans le bon monastère, car nous accueillons avec joie, les personnes qui songent à leur vocation. Si vous désirez aller plus loin, je connais un monastère qui est similaire au notre, ce sont les petits sœurs de l’Agneau de Dieu.

Son conseil m’avait frappé droit au cœur. J’en avais eu le souffle coupé.

Pourquoi-est ce qu’une si charmante jeune fille pleure-t-elle ?

En savant qui parlait de moi, je m’étais tût, jusqu’à ce que des larmes longeaient ma joue. Surprise, j'avais senti des mains prendre les miennes pour me rassurer et quand j’avais levé mon regard vers lui, ses yeux m’attendrissaient soudainement l’âme. Je fus aussitôt soulagée en lui racontant tout ce qu’il m’était arrivée. Outré, le jeune moine enleva ses mains des miennes et se mit à se masser la nuque, embarrassé.

Vous, vous parlez bien de Raphaël Longduc ?

J’avais répondu « oui » d’un air assez affligée.

Je le connais ce jeune homme, il est venu souvent se confesser chez nous… Puis-je me permettre de vous dire une chose ?

Le jeune moine était vraiment inquiet à l’idée de m’en parler, il en avait le visage pâle. En ne sachant pas trop ce qu’il voulait me raconter de douloureux sur Raphaël, je lui avait dit que j’étais prête à entendre ce qu’il avait envie de me dire, d’un air baluchon.

Écoutez je… Je pense que ça sera difficile à digérer… Mais comme vous êtes prête, je vais me lancer. Vous vous nommez ?

Emma, confirmé-je.

Emma, je… J’ai le regret de vous dire que ce jeune homme vous trompe…

Quand j’avais entendu ces paroles, mon cœur n’en croyait pas du tout. Au début je voulais en rire, mais j’avais aussitôt cousu mes lèvres, en ne voulant pas digérer cette nouvelle.

Je suis désolé ma fille, ça doit vous faire mal…

Non mon père, je… Je le savais…

En lui ayant menti, je m’étais mise à m’effondrer en larmes, en tombant accidentellement dans ses bras. Ce fut un choc brutal dans mon âme. Jamais je n’aurais imaginé que ce beau jeune homme puisse me tromper avec une autre femme… Je m’en doutais bien, puisque mon cœur m’en avait averti depuis longtemps… Puis, quand j’avais fini de pleurer, je lui avais demandé comment il s’appelait. Il m’avait répondu :

Barthélémy, avait-il-rétorqué sagement, avec un grand sourire.

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