Chapitre 20- Ô vous, belle dame.

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07/04/1941

Mon bien-aimé,

Nous étions levés de bon matin pour préparer Corentin à l’allonger sur une civière. Je m’étais dévoué à le porter avec l’aide de Jérémy. Avant de partir, le colonel m’avait chargé de diriger le groupe, ce qui fut très désagréable aux yeux de Vincent. J’avais dégluti et nous avions tracé le chemin, sous des abominables coups de feux. Nous avions couru de toutes nos forces pour atteindre la forêt qui nous éloignait de petit à petit de ce terrible champ de bataille. Quand j’avais retourné la tête, mon visage s’était décomposé. Ô mon précieux petit Jésus, je repense à tous ces soldats qui continuent de se battre, pendant que nous, nous étions chargé à accomplir notre mission. J’avais béni à travers mes pensées, tous les soldats qui s’affrontaient, jusqu’à ce que nous nous enfoncions dans la forêt de pomme de pins.

* * *

Nous avions marché pratiquement toute l’après-midi, jusqu’à ce que Jérémy avait demandé à se faire remplacer. Joseph avait accepté et quand le jeune Allemand se mit à côté de Vincent, il s’écarta en restant avec Siméon, qui rirent de son malheur.

— Hé, Barthélémy ! Tu pourrais au moins nous laisser prendre le relais, avait déclaré Vincent d’un ton mesquin.

— Ne vous inquiétez pas monsieur Capel, j’ai encore assez de force pour aider Corentin, avais-je répondu en glissant la rose dans sa poche, pendant qu’il dormait.

Il avait quitté son rang pour foncer droit vers moi. Je restais calme en me disant que le Saint-Esprit allait régler cette affaire.

— J'te signale que c’est pas toi qui commande ici ! Laisse-moi prendre le relais !

— N’as-tu pas entendu ce qu’a dit le colonel Pommier ? Je m’occupe du groupe, alors s’il vous plaît, reprenez votre place et ne m’appelez plus jamais Barthélémy. Mon nom est père Théophane. Cela concerne tout le monde ! Si j’entends encore une personne m’appeler Barthélémy, je vous demanderais à ce que vous vous mettiez tous à genoux pour demander pardon au Seigneur ! Est-ce que j’ai été clair ?

En voyant que j’avais changé de comportement, et que je n’avais pas eu d’autre choix, je m’en excuse profondément au passage mon doux Jésus, il avait riposté en frappant du pied.

— Vincent arrête ! Si tu continue à faire tout ce boucan, tu vas nous faire repérer !, s’énerva Corentin qui venait de se réveiller.

Il avait fixé le jeune blessé d’un regard très menaçant. Il avait la mâchoire en carrée et était prêt à tous nous frapper. Il s’était ressaisit en regagnant sa place et en marmonnant « tu vas me le payer sale prêtre ». Nous avions repris la route jusqu’à ce que un soldat, nous fit signe de nous arrêter. Il nous faisait des signes, en message codé, de nous cacher dans les buissons. J’avais déposé en premier Corentin dans un grand bosquet et étais resté au près de lui, suivi de Jérémy, qui me couvrit. Nous attentions que le bruit se calme, jusqu’à ce que nous ne l’entendions plus. Je fis signe au soldat d’aller voir et il avait secoué la tête, en ayant quitté sa cachette. J’avais espéré que nous n'étions pas tombés sur un groupe d’Allemand. Il y avait eu quelque coup de tirs, puis plus rien. Nous avions eu peur que notre ami se fasse tuer, mais à notre plus grande surprise, on entendit des éclats de rires. Nous étions sortis de notre cachette, jusqu’à ce que nous remarquions que les deux soldats se frappèrent le dos en rigolant.

— Romain ! Cela faisait si longtemps que je ne t’avais pas vu !

— Qui-es-tu ? avait ronchonné Siméon, les feuilles pleins le casque.

— Oh oui, pardon, excusez-moi de vous avoir fait peur. Mon nom est Louis Prior.

— Louis ? avais-je mal articulé.

En le reconnaissant, nous nous étions enlacés pour nous saluer, les larmes aux yeux.

— Oh Barthélémy ! Tu es vivant ! Jamais je n’aurais pensé que nous nous croiserons ici !

Nous avions rit pendant quelques minutes, jusqu’à ce que je lui avais raconté que je ne m’appelais plus Barthélémy, mais que j’étais devenu un prêtre. Nous avions échangé brièvement. Il m’avait raconté qu’il s’était marié avec Marguerite, la sœur de Coline, et qu’ensemble, ils avaient eu trois enfants. J’étais très surpris de le voir dans un sale état. Il avait la joue en sang. Il nous racontait qu’il venait de tuer un soldat et qu’il avait dû l’enterrer avant qu’une troupe de Nazi découvre ce qu’il mijotait. Il disait qu’il avait quitté sa tranchée, lorsqu’elle fut bombardée à Beaufort et qu’il s’était complètement perdu en cours de route. Nous lui avions dit que nous nous rendions à l’hôpital de Montolieu. Il fut d’accord pour nous donner un coup de main et avait remplacé très gentiment Joseph, qui lui laissa sa place pour transporter Corentin. Quand il le vit, il eu les larmes aux yeux, et lui de même. Tous les deux, ils s’étaient serrés l’un contre l’autre en pleurant comme des madeleines.

— Comme je suis si heureux de te revoir mon frère !

— Moi aussi Louis, content que tu sois toujours en vie.

Vincent avait accéléré les choses en nous faisant remarquer que nous n’avions pas beaucoup de temps pour Corentin, qui commençait à perdre de l’oxygène. Je lui avais injecté un peu de morphine, en lui prévenant que s’il délirait, c’était tout à fait normal. Il avait hoché la tête et s’était rallongé, en prenant de grande respiration sifflante. Je l’avais encouragé, en lui disant qu’il pouvait tenir encore une semaine. Enfin, c’était ce que j’espérais, et Louis aussi. Il était très inquiet quand nous marchions, de voir son frère dans cet état, j’en fus peiner, car c’était de ma faute s’il était comme ça…

* * *

Arrivés dans la ville de Montolieu, des soldats Allemands se déplacèrent en camion, ainsi que d’autres qui vadrouillaient sur la grande place. Décidément mon doux Jésus, ils avaient même envahis jusque là… Vincent nous faisait signe qu’il y avait un camion de marchandise, Français, qui allait partir à notre droite. Nous espérions pouvoir parlé avec le conducteur en lui demandant s’il pourrait nous déposer à l’hôpital. Nous avions essayé d’être discret aux vues des Allemands. Ils fouillaient dans chaque bar et dans chaque maison, en embarquant quelques personnes dans leur voiture. Mes camarades et moi étions surpris de leurs comportements, on se demandait ce qu’ils pouvaient bien faire de mal à ces pauvres Français… Joseph s’était lancé en premier, en rampant sous un de leurs camions qui étaient garés à la grande avenue. Au moment d’y aller, il s’était arrêté pour laisser les Allemands partirent, dans une grande ruelle jusqu’à descendre de l’autre côté. Il avait soufflé et était sorti de sa cachette en se camouflant dans une toute petite rue, pour demander au conducteur s’il pouvait nous aider. Nous avions attendu quelques minutes et il nous avait fait signe de venir. Le chauffeur avait fait tourner le moteur et à trois, nous nous étions lancés pour longer la petite rue qui nous cachait assez bien. Soudainement, une grenade était venue au pied du soldat qui était à la dernière ligne du groupe. Il avait crié « GRENADE ! » et nous avions tous bifurqués dans la petite rue de droite avant que les murs explosent. Le conducteur avait eu le temps de faire marche arrière avec Joseph. Embaumés dans la fumée, les Allemands nous avaient repéré et commencèrent à tirer. Des habitants de Montolieu crièrent dans toutes les rues et prirent la fuite, pendant que nous, nous toussions. J’avais demandé au groupe de foncer vers le camion et ils exécutèrent en nous protégeant avec Corentin. Je l’avais glissé en premier dans la cargaison, jusqu’à ce que j’ordonnais aux autres de monter. Par chance, la balle avait frôlé mon bras droit et Joseph avait lancé le signal au conducteur. Il démarra à plein feu et fonça droit vers les Allemands qui continuèrent de tirer. Puis, ils s’étaient écartés en nous poursuivant avec leurs motos. Vincent et Joseph étaient les premiers à tirer sur eux, jusqu’à ce que le véhicule qui transporter des pastèques, avait pris un virage serrer et avait fait tombé pleins de fruits au sol, ce qui nous avait bien arrangé, car certains Allemands s’en étaient pris en plein dans le mile. Une fois sortie de la ville, qui nous faisait rejoindre sur des routes de campagne, les Allemands s’étaient arrêtés au seuil de Montolieu et avaient fait demi-tour. Les soldats s’étaient félicités entre eux dans le véhicule, tandis que moi, je m’étais précipité vers Corentin pour savoir s’il allait bien. Il me l’avait confirmé en secouant la tête. Grâce à la protection de saint Michel-Archange, nous fûmes tous sain et sauf. Merci à vous, Jésus-Christ, de nous avoir protégés contre tout mal.

* * *

Le conducteur avait le regret de nous informer qu’il devait nous faire descendre à Pennautier, car il devait emprunter une autre route. Il nous avait raconté que ce n’était pas la première fois qu’il aidait des soldats, nous en fûmes très reconnaissant. J’avais continué à porter Corentin, en remarquant qu’il perdait beaucoup d’oxygène, son visage était livide et avait la grande bouche ouverte pour chercher désespérément de l’air. Vincent disait que c’était la fin et qu’on devait l’abandonner, mais j’avais persévéré pour le jeune soldat mourant. J’avais prié pour que nous trouvions un hôpital dans le coin de cette petite ville. Pour le moment, tout était calme, aucuns soldats n’étaient en approche. Nous avions emprunté des champs pour nous rendre discrètement, au crépuscule, à l’entrée de la ville. J’avais indiqué aux soldats de rester plaquer contre les petits murets. Des lampadaires nous avaient éclairés un chemin en dédale. Il n’y avait pas un chat en vue. J’avais demandé à Joseph, qui était en tout premier rang, de tirer coûte de coûte. Il avait saisi le message en ayant brandit son arme. Puis, arrivés tout au bout de la petite ville, il avait à peine crier « C’est bon ! J’ai trouvé un hôpital ! » Je fus heureux pour l’élu guéri ! J’avais béni le Seigneur en lui remerciant d’avoir veillé sur cet hôpital, qui avait dû être sans doute emménagé par des sœurs, dans cet immense château. Mais une fois arriver dans les lieux, ce fut la misère. Tout avait était bombardé, les vitres étaient cassées, il manquait un toit de l’autre côté du château, tout était grandement ouvert. J’avais dit à mes soldats que nous nous rendrions demain, dans la ville la plus proche, pour trouver un autre hôpital, mais que nous allions tous passer la nuit dans ce château. Nous avions déposé le soldat dans une ancienne grande salle, avec encore quelques lits et j’avais enlevé son casque pour qu’il se repose. Il m’avait saisi par la main en me remerciant pour tout le soutien que je lui avais apporté. Je lui avais dit qu’il ne fallait pas me remercier, mais que c’était au Seigneur qu’il fallait le dire. Nous avions retourné quelques lits pour dormir, mais lorsque j’avais remarqué qu’il manquait Louis, Joseph, Vincent et un autre soldat, Jérémy m’avait répondu qu’il ignorait où ils étaient passés. Avec Jérémy, nous avions fait un tour dehors et avions remarqué un petit bar, qui était encore ouvert. Quand nous avions ouvert les portes, j’étais stupéfait de les voir boire et s’amuser avec d’autres jeunes femmes. Vincent jouer aux cartes avec des vieillards, tandis que Joseph commendait une bière avec Louis. Je vis à ma plus grande surprise Siméon, qui était en train de danser avec des jeunes femmes. J’avais esquivé avec justesse, une fléchette qui s’était pointé à côté de ma joue gauche. C’était Matthieu, un autre soldat du groupe, qui s’excusa et reprit son jeu. Vincent avait quitté sa place pour venir me rejoindre, en buvant une grosse bière. Il avait enroulé le bras autour de mon cou en riant bêtement.

— Allons mon père ! Ne me dites pas que vous ne vous êtes jamais amusé !

— Je…

— Vas-y Jérémy, tu peux aller un peu t’amuser, sale Nazi, avait-il murmuré au dernier mot de sa phrase.

Heureux, Jérémy s’était installé au près de Joseph et Louis pour discuter de tout et de rien. Vincent m’avait indiqué de prendre place au près de lui et me montrait son jeu de carte, en me fumant en plein visage et avait posé ses deux jambes sur l’autre chaise.

— Que voulez-vous ?

Il avait rit en tapant son poing contre la table, qui fit sauter les verres à bière.

— Ah ! T’es bien drôle ptit bonhomme ! Je veux que tu t’amuses ! N’as-tu jamais eu envie de danser avec une belle femme ?

Il regardait de haut en bas, une belle dame, qui dansait avec un soldat, en tournant avec lui et s’amusait beaucoup à le séduire.

— Ce jeu ne m’a jamais intéressé monsieur Capel, il est préférable que j’aille me reposer…

— Ça se voit que t’as jamais profité de la vie. Vas-y ! Va danser ! Qu’est ce que t’attends ? Regarde ! Je suis sûr que cette femme veut danser avec toi, s’amusa-t-il en m’indiquant une femme qui me fixait avec de très beaux yeux.

— Je ne vois que des images perverses et cela ne m’amuse pas du tout.

— Allez ! Fais pas ton rabat joie et amuses-toi comme tout le monde !

J’avais dégluti lorsqu’une femme commençait à enrouler son foulard autour de mon cou. Je m’étais levé, en colère et avais retourné la table. Tout le monde, stupéfait, même le pianiste qui était en train de jouer, me virent tous dans une grosse colère. C’était la première fois que j’avais ressenti cette colère, mais je m’en suis terriblement voulu…

— Non monsieur Capel ! Ce que je vois, c’est que vous êtes TOUS des soldats irresponsables ! Vous en profitez pendant que des innocents sont en train de se faire tuer à l’heure actuel ! Vous devez avoir honte de votre comportement ! Vous n’êtes tous que des pervers et des égoïstes ! Vous ne pensez qu’à l’argent et à l’amusement ! Le Seigneur ne vous a-t-il pas demandé de vous détournez de ces horribles péchés pour vous repentir ?

Puis, je m’étais levé d’un bond, en commençant à ouvrir la porte et m’étais adressé à tout le monde :

— Vous n’avez pas honte de danser et de ricaner alors qu’il y a votre Dieu qui porte tous vos péchés ?

Mon discours n’avait pas fonctionné, ils rirent tous et m’ignorèrent en continuant de danser. Plus qu’agacer qu’autre chose, je leurs avais répondu :

— Allez-y, amusez-vous, mais moi, je vais aller adorer.

Puis, une personne m’avait attrapé par le bras.

Au même moment, Sœur Humbeline fit tomber accidentellement une feuille. Elle regarda l’horloge qui indiquait minuit. Elle se pinça les lèvres et ramassa la lettre, en lisant attentivement cette feuille à part.

Ô vous belle dame,

Vous avez exquis ma soif d’amour,

Le jour où mon âme cherchait une présence maternelle.

Vous m’avez saisi par la main, en m’emmenant dans

les pâturages, comme une brebis, égarée.

Vous m’avez chéri dans un doux silence

Vous m’avez secouru lorsque mon âme était en pérille

Vous m’avez protégé d’un danger qui me brûlait

dans les flammes du désespoir.

Vous avez entendu mon cri de détresse et vous êtes

venue à mon secours.

Le feu me consumait dans un désire ardent

L’ennemi cherchait ma perte, mais vous êtes venue

le vaincre en le jetant dans les ténèbres.

Vôtre authentique fils m’a tendu la main lorsque

vous le berciez.

Il souriait au désir de pouvoir rester avec vous,

jusqu’à son calvaire.

Il m’a fait comprendre, Ô belle dame, que vous

êtes l’authentique consolatrice des affligés, que

je cherchais depuis ma lourde enfance.

À ma bienheureuse mère chérie,

Père Théophane, qui n’est qu’un misérable pécheur…

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