L'odeur de la menthe

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La nuit avait été longue. Trop silencieuse pour être apaisante, et Anton n’avait presque pas dormi. Les ombres de la journée passée, s’étaient immiscées jusque dans ses pensées, tordant ses rêves en labyrinthes sans issues. Les images revenaient en boucle, le regard d’Elias, les murmures sur Monsieur Durieux, la lettre brûlée. Anton avait l’impression que le monde autour de lui basculait doucement, comme un sol qui se dérobe lentement sous les pieds. Et lui, au lieu de fuir, restait là, à observer la faille s’élargir. Le réveil sonna, trop tôt, trop brutalement. Pourtant, une part de lui attendait déjà cette nouvelle journée. Comme si, dans ce chaos naissant, quelque chose de plus grand le poussait à avancer. Il n’était plus simplement témoin. Une force obscure, tapie dans la réalité, venait de le désigner, il le sentait au fond de lui. En arrivant au lycée, comme chaque matin Anton se dirigea vers son casier. Les bruits familiers du couloir, les voix, les pas, tout était là. Pourtant, quelque chose clochait. Il ne sut pas tout de suite ce qui le dérangeait, tout paraissait normal. Puis il le vit, un petit morceau de papier, à peine visible, dépassait de la fente de son casier. Un détail insignifiant en apparence, mais qui, pour une raison obscure, déclencha en lui une alerte sourde. Il s'arrêta, figé, le regard accroché au papier jauni, ses doigts légèrement tremblants, s’en empara et le déplia. Ce n’était pas une lettre, mais une photo. En noir et blanc et floue. Elle semblait prise à travers une vitre embuée, comme si celui qui tenait l’appareil avait capturé la scène à distance, en cachette. Sur l’image, on reconnaissait Mademoiselle Vasseur. Elle semblait endormie, la tête appuyée contre la vitre, immobile. Mais quelque chose n’allait pas, il n’y avait pas de paix sur son visage. Juste une tension, comme si le temps lui-même avait décidé de ne plus avancer. Anton retourna la photo. Au dos, quelques mots griffonnés à la hâte, d’une écriture grave : À ton tour de déplacer une pièce sur l’échiquier. Il relut la phrase plusieurs fois, elle avait l’air anodine. Mais au fond de lui, il savait que ce n’était pas un simple jeu. Il y avait quelque chose de plus profond, de plus sinistre. Et c’est alors qu’il vit autre chose sur le bord intérieur de son casier. Une empreinte de main, fine. Elle n’avait rien à faire là, trop nette pour être le fruit du hasard. Et surtout, cette odeur familière et subtile de menthe. Anton la connaissait. Il l’avait déjà sentie, quelques fois, toujours dans le sillage d’Elias. Une coïncidence ? Peut-être. Mais l’instinct d’Anton refusait d’y croire. Il n’osa pas toucher la trace, il se contenta de l’observer un instant, la gorge serrée, comme si elle portait en elle une signature invisible. Malgré l’inquiétude croissante, une excitation étrange naquit en lui. Une pulsation sourde, presque primitive, comme si une part enfouie de lui reconnaissait là les règles d’un jeu dangereux, mais irrésistible. Il rangea la photo dans sa poche avec précaution, comme s’il venait de recevoir une pièce unique, sacrée. Il ne savait pas ce qu’on attendait de lui, ni jusqu’où cela le mènerait. Mais une chose était certaine, il avait été choisi. Un sourire discret et involontaire se dessina sur ses lèvres. Il était fasciné, car désormais, lui aussi allait pouvoir jouer.

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