Le poids de la lame

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[Ce texte contient des descriptions explicites de violence, d’intrusion à domicile et d’agression physique pouvant heurter la sensibilité de certains lecteurs. Toutes les scènes décrites sont purement fictives et ne visent en aucun cas à encourager ou banaliser la violence.]


Les doigts d’Anton tremblaient, crispés autour du manche, non par le froid mais sous la pression d’un vertige intérieur qu’il ne parvenait pas à nommer. Une tension insidieuse, qui serrait son esprit comme un étau. La sueur roulait lentement le long de sa tempe, perdue dans le tumulte de ce qu’il était en train de devenir. Devant lui, la jeune fille, ligotée, respirait à peine. Un gémissement s’échappa de ses lèvres fendues, si fragile qu’il semblait surgir du néant, comme le dernier souffle d’un souvenir. Et pourtant, ce murmure infime fendit quelque chose en lui. Une fêlure sourde, invisible, mais irréversible. Comme si un miroir s’était brisé quelque part dans les profondeurs de son être. Derrière, Élias restait immobile. L’ombre qu’il projetait se confondait avec la pénombre de la pièce, dévorant les contours de son corps, effaçant son humanité. Il observait avec la patience glaciale d’un bourreau. Dans ses yeux brillait une faim, froide et précise, celle d’un homme qui attend la chute d’un autre, non pour la juger, mais pour la savourer. La lame dans la main d’Anton semblait s’alourdir, comme si le métal puisait dans son hésitation de se nourrir. Une chaleur malsaine émanait de l’acier, presque vivante, cherchant à se fondre à sa peau moite. Chaque pas qu’il fit résonna dans le silence moisi de la pièce, un écho trop net, trop réel. Son souffle était haché, irrégulier, comme s’il peinait à retenir ce qu’il n’osait exprimer. Il s’approcha, centimètre par centimètre, sentant battre son propre cœur jusque dans sa gorge, son crâne, ses paumes. La lame monta, tremblante, hésitante. L’acier effleurait à présent la gorge exposée de la jeune fille. Il sentit sa chaleur, cette peur viscérale qu’elle irradiait comme une onde sourde, muette mais insoutenable. Puis il n’y eut plus de place pour la fuite. Le métal s’enfonça dans la chair tendre avec lenteur, déchirant le silence comme une détonation étouffée. Un râle étranglé, une ultime convulsion et ensuite, le néant. Un silence funeste s’abattit sur la pièce, plus lourd que la mort elle-même. Anton demeura figé, incapable de comprendre si ce qu’il tenait était encore une arme ou un prolongement de lui-même. Sa main refusait de desserrer son emprise. Ses yeux, écarquillés, fixaient la flaque qui s’étalait à ses pieds, s’élargissant lentement, s’insinuant autour de ses chaussures comme une mer obscure venue réclamer son dû. Il ne bougea pas, il n’aurait su le faire. Tout en lui semblait figé à jamais dans ce moment d’irréversible. C'est alors, qu' une main se posa sur l’épaule d’Anton, ferme, presque fraternelle, et dans ce contact soudain, tout fit sens.

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