Une lumière à éteindre
Les jours suivants, le lycée sombra dans un silence lourd. La vidéo d’Anton avait tout changé. Elle avait exposé, brisé, rendu réel ce que certains refusaient encore de voir. Les murmures incessants s’étaient peu à peu éteints, mais les regards, eux, restaient lourds, chargés de questions et de jugements sourds. Anton traversait les couloirs comme un fantôme parmi les vivants. Les élèves évitaient son regard, les conversations s’interrompaient à son passage, et même les plus bruyants, les plus provocateurs, baissaient la voix. Il n’y avait plus de chasse aux sorcières ouverte, juste un isolement palpable. Un silence qui n’était ni apaisant, ni innocent. Simplement la preuve qu’après la tempête, rien ne redevenait jamais vraiment comme avant.
Anton restait figé, le souffle court, tandis que les derniers rayons du soleil s’éteignaient derrière les immeubles, laissant la ville basculer dans un crépuscule lourd et menaçant. Une pression insupportable lui compressait la poitrine. Kidnapper la sœur d’Élias. Jusqu’ici, cette idée avait été une ombre lointaine, une frontière qu’il s’était refusé à franchir. Mais désormais, chaque seconde perdue n’était plus qu’un venin diluant la puissance de sa vengeance, un poison lent qui menaçait de le paralyser. Le visage d’Élias s’imposa à lui, rigide, marqué par cette confiance insupportable. La seule faille dans son armure d’acier, celle qu’Anton pouvait exploiter, c’était la petite sœur. Une lumière naïve dans l’obscurité de leurs luttes. Elle ignorait tout du piège tissé autour d’elle, ce qui la rendait d’autant plus vulnérable, d’autant plus précieuse. Et pourtant, cette innocence n’était pas une faiblesse pour Anton. C’était une arme cruelle qu’il s’apprêtait à retourner contre son adversaire. Son plan était minutieux. Des semaines d’observation patiente, de cartographie précise. Il avait noté chaque détail. Il savait où elle allait, quand elle y allait, et surtout, où personne ne penserait à chercher. Ce soir, l’heure fatidique approchait. Chaque geste devait être parfait, chaque souffle mesuré. Il avait soigneusement préparé son sac. Léger, méthodique, une extension de sa volonté. Pas d’erreur possible. Pas de place pour l’imprévu. Une seule hésitation suffirait à faire basculer des semaines de travail. La nuit tombait lentement, les derniers éclats du jour glissaient derrière les toits. Anton s’effaçait dans cette obscurité, spectre immobile, le regard braqué sur la silhouette familière qui s’avançait sans méfiance. Son cœur tambourinait avec une intensité presque douloureuse. L’angoisse lui déchirait les entrailles, mais il la domptait, la façonnait en une froide détermination. Le moment était venu. Il allait agir, pénétrer cet instant fragile et le déchirer. Il allait s’emparer d’elle, silencieusement, sans un cri. Il ne pouvait plus reculer. Pas après tout ce qu’il avait sacrifié, tout ce qu’il avait perdu. Le point de non-retour avait été franchi depuis longtemps. Il inspira profondément, s’enfonçant dans cette nuit qui promettait de tout changer, pour lui, pour Élias, et pour ce monde qu’il rêvait, plus que jamais, de réduire au silence.
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