À vif

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Le monde s’était tu autour de lui. Dans la chambre, seules les aiguilles de l’horloge continuaient leur marche dérisoire, indifférentes à ce qu’il sentait couver en lui. Élias restait immobile, assis sur le bord du lit, les mains croisées,devant lui, les yeux fixes. Les murs étaient tapissés de feuilles griffonnées, de photos floues, de schémas reliés par des fils rouges. Une cartographie de l’obsession. Et au centre de tout cela, une image. Un visage imprimé sur du papier mat. Légèrement pixelisé. Anton. Pas besoin d’autre chose. Le seul détail qui importait était ce regard. Fixe. Absent.

Il l’avait revu mille fois. Et chaque fois, l’évidence revenait plus crue, plus insupportable. C’était lui. Pas une hypothèse. Pas un soupçon. Une certitude brute, absolue. Anton n’avait pas seulement détruit Maëline. Il avait désorganisé le tissu même de leur réalité. Il avait vidé son monde de sa lumière. Ce qu’elle était. Ce qu’elle portait. Ce qu’elle représentait pour lui. Élias ne pouvait pas respirer dans un univers où elle n’existait plus que comme une ombre qui marche. Où elle n'existait plus comme lui le souhaitait.

Il avait cru pouvoir la protéger. Mais il avait eu tort. Le monde n’était pas l’ennemi. L’ennemi, c’était ce qu’on laisse entrer. Ce qui sourit avant de mordre. Alors il avait changé de posture. Il n’était plus le frère endeuillé. Plus l’homme qui cherche des réponses. Il était devenu autre chose. Chaque détail de son plan était un fragment de haine cristallisée, taillée à vif. Chaque élément soigneusement assemblé n’était pas seulement une pièce du puzzle, c’était un coup de scalpel. Il connaissait les failles d’Anton. Sa solitude, son besoin de contrôle, sa fierté d’être incompris. Il allait les retourner contre lui. Puis le faire tomber.

Il ne ressentait plus de peur. Plus de doute. Juste une clarté presque divine. Le calme parfait des prédateurs avant l’assaut. Il tourna lentement la tête vers la table de nuit. Une photo y reposait, protégée sous un verre tremblant. Maëline. Elle souriait. Ce sourire large, lumineux, qu’elle n’avait plus esquissé depuis ce jour-là. Alors il se leva. Il enfila sa veste noire. Rangea ses notes dans une pochette rigide. Chaque page une preuve. Chaque phrase, un engrenage. Puis il s’empara de l’objet qu’il avait façonné la veille. Un dictaphone. Petit. Brut. Inoffensif en apparence. Il y avait enregistré sa voix. Pas pour Anton. Pour elle. Pour Maëline. Pour ce qu’il restait d’elle. Pour ce qu’elle redeviendrait peut-être, un jour. Pour qu’elle sache. Pour qu’elle entende, même s’il n’en revenait pas. Ce qu’il allait faire, il ne le faisait pas pour lui. Il le faisait parce qu’un jour, elle retrouverait ses yeux. Et qu’elle verrait ce qu’il avait été prêt à devenir pour lui rendre ce qu’on lui avait volé.

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