La corde et le silence
Le matin s’était levé sans éclat. Un ciel gris, bas, étouffé sous une lumière morne. Dans ce quartier oublié où ne subsistait plus que l’ossature rouillée d’un ancien gymnase, nul ne remarqua la porte entrouverte. Seul un sans-abri, en quête d’un abri contre le vent, s’y aventura. Ce qu’il vit le figea sur place. Un corps. Suspendu au centre de la pièce. Les bras liés. Puis, maladroitement, il prit la fuite, suffisamment pour qu’un signal soit donné. Les forces de l’ordre arrivèrent dans le brouillard. Les gyrophares se reflétaient à peine sur les vitres sales des alentours. Les pas étaient lourds, méthodiques, ceux d’hommes formés à ne plus se laisser surprendre. Ils observèrent. Photographièrent. Le corps pendait, droit, net. Aucun signe de lutte, aucun désordre. Une corde neuve, nouée avec une précision clinique. Le garçon n’avait pas plus de dix-sept ans.
Le capitaine Lewys s’attarda longuement sur les détails. Il connaissait les pendaisons. Celles qu’on improvise dans la panique, celles qui hurlent une dernière douleur. Celle-ci ne ressemblait à aucune autre. Trop propre. Les poignets, liés dans le dos, ne pouvaient pas tromper. Ce n’était pas un geste de désespoir. C’était un tableau dressé pour être vu.
Sur le visage du garçon, aucune trace de souffrance. Mais une tension résiduelle, comme une crispation contenue. Rien ne collait. Ni le lieu, ni la posture. Ni même la méthode. Ce n’était pas un suicide. Une main invisible avait façonné cette scène pour une conclusion toute faite. Mais Lewys ne croyait pas aux évidences. Pas quand elles s’emboîtaient si bien.
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