La traque de l'invisible

2 minutes de lecture

Le corps fut transféré dans les sous-sols froids de l’Institut médico-légal dès la levée des scellés. Le docteur Azir, légiste principal, pratiqua l’autopsie le lendemain, sous lumière artificielle, dans une salle où l’on ne parlait qu’en termes d’indices et de marges d’erreur.

L’examen externe confirma d’abord l’évidence. Absence de blessure contondante majeure, pas de lésion crânienne, ni de fracture osseuse visible hors traumatisme cervical. La langue n’était pas gonflée, les yeux n’étaient pas injectés. Des détails subtils mais inhabituels dans le cas d’une pendaison complète par suspension. Le sillon cervical, bien marqué, était haut, oblique, compatible avec une mort par strangulation pendulaire. Pourtant, l’absence de fracture de l’os hyoïde sema un premier doute. Les poignets présentaient des stries nettes, marquées, mais sans déchirure. Pas de trace de lutte. Rien qui ne puisse indiquer un combat désespéré, mais quelque chose d’anormalement contrôlé, comme si la douleur elle-même avait été mise en veille. Sous les ongles, les prélèvements révélèrent des traces de plâtre, de résine synthétique, et de fibres textiles sombres. Aucun ADN exploitable. À l’intérieur du système digestif, aucun signe d’intoxication, ni de substances illicites. Aucun sédatif, ni alcool. Les poumons, eux, portaient une trace diffuse d’aspiration. Une prise d’air violente, unique. Comme si le corps avait saisi un dernier souffle dans des conditions précaires, peut-être déjà inconscient. Temps estimé de la mort, entre 1h et 4h du matin. Aucune défense active. Aucun spasme musculaire significatif. Le décès n’avait pas pris de temps, mais il n’avait rien de concluant.

Les semaines suivantes furent lentes, ternes. Le dossier fut étudié, réétudié. Toutes les pistes suivies. La corde, malgré le numéro partiel, n’amena à aucun acheteur identifiable. Le téléphone, intégralement vidé, ne livra aucune archive. Les vidéos de surveillance autour du gymnase ? Inexistantes. Le nettoyage des traces ? Trop bien fait pour parler d’amateurisme, pas assez pour établir une préméditation prouvable. Pas de faute. Pas de mobile.

Et ce carnet noir, retrouvé dans la chambre d’Anton, resta muet. Il semblait hors de place, presque comme une ombre parmi les objets plus évidents. Ses pages, portaient des noms partiellement effacés, comme si quelqu’un avait voulu effacer des souvenirs tout en laissant assez pour raviver la curiosité. Des grilles cryptées et des cercles tracés sans explication. Aucun expert ne put en dégager un message cohérent. La hiérarchie conclut à un acte volontaire. Un adolescent fragile, discret, dont les troubles avaient échappé à son entourage. Pas de preuve de tiers. Pas de violences. Un contexte personnel jugé compatible avec une fragilité psychologique latente. Le dossier fut classé. Suicide par pendaison.

Lewys ne protesta pas. Pas officiellement, en tout cas. Il signa le rapport, comme un dernier acte de soumission, rangea le dossier, et referma le tiroir. Mais dans sa tête, l’histoire restait inachevée, un murmure qu’il ne parvenait pas à faire taire. Il savait que quelque chose avait échappé à l’œil.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Ebi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0