Ce que la Mort a Semé

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Le drame de sa vie n’avait pas brisé Anton, il l’avait façonné. Le meurtre de sa mère, égorgée sous ses yeux par un père en proie à la démence, n’avait pas engendré le traumatisme qu’on aurait pu imaginer chez un enfant. Il avait vu le sang jaillir, avait entendu les cris, et il n’avait rien ressenti. Rien, si ce n’est une étrange clarté. Ce soir-là, il avait compris que le monde ne reposait ni sur la justice et l’amour, mais sur le pouvoir. Sa grand-mère, elle, avait cru qu’il était un petit garçon brisé. Elle l’avait accueilli avec une tendresse aveugle, le traitant comme un enfant précieux qu’il fallait réparer, chérir et protéger à tout prix. Elle lui caressait les cheveux le soir, murmurait des mots doux, lui préparait des repas chauds, croyant pouvoir le ramener à la lumière. Elle le regardait avec des yeux pleins d’espérance, voyant en lui le prolongement de sa fille disparue. Son amour était total, presque aveuglant. Et c’est dans cette lumière que se dessinait l’ombre la plus noire. Il l’observait, testait ses limites, comme on jauge la résistance d’une proie avant de refermer la mâchoire. Chaque sourire qu’il lui offrait était étudié, il avait appris à feindre les larmes, à moduler sa voix pour imiter la fragilité. Et elle, aveugle d’amour, gobait tout. Elle le croyait sensible, silencieux par douleur. Sa grand mère le croyait guéri, grâce à elle, mais Anton n’était pas en convalescence. Il était en gestation. Dans la cave, il expérimentait la mort avec une précision de chirurgien, chaque animal sacrifié, était une petite victoire dans son ascension vers un pouvoir absolu. La sensation d'avoir la vie et la mort entre ses mains, de pouvoir dicter le sort de ce qui l’entourait, était pour lui une jouissance glacée. Plus le temps passait, plus il perfectionnait l’art du mensonge. Le jour, il incarnait l’enfant modèle et la nuit, il redevenait ce bourreau invisible. Sa grand-mère naïve, lui tenait la main, inconsciente qu’elle marchait aux côtés du monstre qu’elle avait, sans le vouloir, contribué à faire naître. Elle l’appelait souvent, mon ange, et il ne disait rien. Car lorsqu’il croisait son propre regard dans le miroir, ce n’était pas un ange qu’il voyait.

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