Sans Affect
Anton se leva, comme chaque matin, dans un silence total. Les premiers rayons du soleil, pour lui, n’étaient rien d’autre que la lumière crue d’un monde qui continuait de tourner, indifférent à sa présence. Il n’attendait rien de cette journée, tout comme il n'attendait rien des autres. Aujourd’hui, comme hier, il irait au lycée, enfilant son masque avec une précision presque calculée. Chaque mouvement était une mécanique, un acte de répétition inlassable. Il se rendit à son casier d’un pas mesuré, observant les petits groupes qui se formaient autour de lui avec une froideur distante. C’était là que résidait la beauté de son contrôle, l’agitation des autres était un spectacle, et lui en était l’observateur. Et comme chaque jour, Esra l'attendait, l'air confiant, ignorant qu’elle était simplement une pièce dans un jeu auquel elle ne comprenait pas les règles. Elle leva les yeux vers lui, lui offrant ce regard amoureux, qui le divertissait tant. Anton savait exactement ce qu'il en ferait, et ça ne manquait jamais. Il s’approcha d’elle, implacable, avec l’air calme qui faisait sa force. Leur baiser rapide ne disait rien, il n’était qu’un acte automatique, aussi vide de sens que les mots qu’elle prononça ensuite. Elle parla, comme toujours, de ses petites préoccupations, de ses rêves et de ses projets. Anton écoutait à peine, ses yeux vides, absorbant les bruits autour de lui sans jamais y prendre part. Les autres élèves étaient là, à rire, à discuter, à s’agiter dans cette danse qu’ils appelaient la vie. Anton les voyait pour ce qu’ils étaient : des insectes insignifiants et ennuyeux. Leurs préoccupations futiles ne l’effleuraient pas. À chaque éclat de rire, il voyait des fissures dans leurs façades, des faiblesses qu’il pourrait exploiter sans effort, s’il en avait l’envie. La fin de la journée arriva et la sonnerie annonça la sortie. Les élèves se précipitèrent, se bousculant pour fuir les murs qui les tenaient encore. Anton, de son côté, ne se pressait pas, il observait la scène avec un détachement absolu, ses yeux fixant Esra, ses amis, les autres. Un frisson d’intrigue traversa son esprit , que ressentirait-il si l’un d’entre eux venait à disparaître ? Mais, bien sûr, il savait ce qu’il en était. Il n’était pas comme les autres, et aucun d’eux ne pourrait comprendre ce qu’il éprouvait, ou plutôt, ce qu’il ne ressentait pas. Il n’avait pas besoin d’eux, il n’avait besoin de personne. Il avait le contrôle, et c’était tout ce qui comptait. Il jouait son rôle, et maintenait l’illusion. La façade qu’il construisait autour de lui était parfaite. Personne ne verrait jamais ce qu’il y avait derrière.
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