Ce n'est qu'au moment de passer à table qu'enfin Naël remarqua le mutisme de son invité. Alors, il demanda :

— Quelque chose ne va pas ?

En réponse, Xavier eut une réaction qui stupéfia l'être double. Il se leva brusquement et laissant éclater sa colère, s'exclama :

— C'est ça, faites l'innocent. Comment ai-je pu croire que...

Il ne termina pas, serra les poings, fit volte-face et sous le regard ébahi de Naël déserta précipitamment les lieux...

Consterné Naël resta figé en se disant : "Qu'est-ce qui lui prend ?"

Il devinait que Xavier se sentait bléssé, mais ne comprenait pas pour quelle raison. Cela l'attristait. L'être-double se reprit et ordonna à Obi :

— Tiens le repas au chaud, je reviens.

L'hermaphrodite se dirigea vers la chambre de l'homme. Une fois devant sa porte, il hésita avant de frapper. Personne ne lui répondit, Naël faillit rebrousser chemin, mais se surpris à entrer .

Il trouva l'homme debout devant la fenêtre, les mains croisées dans le dos. L'hermaphrodite referma la porte, se mordit les lèvres et lança :

— Écoutez, si je vous ai blessé de quelque manière que ce soit, je le regrette. Dites-moi ce que je dois faire pour réparer ?

— Ne soyez pas stupide, vous ne m'avez pas blessé.

— Vous êtes en colère contre moi et je ne comprends pas pourquoi.

Naël se sentait cette fois, et à sa grande surprise, au bord des larmes, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. En réalité, les émotions violentes ressenties à ce moment-là le submergeaient, le déstabilisaient. Il parvint à se ressaisir.

L'homme ferma les yeux puis déclara brusquement :

— Pourquoi ne m'avez-vous pas dit que vous aviez quelqu'un dans votre vie ?

— Pardonnez-moi, de quoi, parlez-vous ?

— Voyons, de ce jeune homme qui vous a raccompagné. Il n'en finissait pas de vous faire des ronds de jambe... Il vous a même embrassé.

Naël écarquilla les yeux de stupeur puis s'approchant de Xavier :

— Vous parlez de Sunny, n'est-ce pas ?

— Je ne connais pas son nom et je n'ai pas envie de le connaître.

— Je ne savais pas que vous m'espionniez.

— J'attendais votre retour, c'est tout... Je l'ai vu... Je... Je...

Naël s'avança encore :

— Et vous étiez jaloux ?

Décontenancé, l'homme recula d'un pas puis il eut un rire nerveux :

— Jaloux ? Voyons, je... Je suis un soldat, les sentiments qui suscitent la jalousie me sont étrangers et...

Naël le coupa :

— Mais vous vous êtes affranchi de votre conditionnement, toutes les émotions qui ont été bloquées durant de longues années se sont libérées ; c'est aussi cela être libre, Xavier. Ne croyez-vous pas ?

L'ikosien, toute colère désamorcée le regardait. Il ne restait en lui que ses sentiments violents qui agitaient son cœur et son âme. À présent, il se rassasait de la beauté ambiguë de Naël. Ce dernier interrompit sa contemplation en assurant :

— Sunny n'est rien pour moi. Oui, il m'a raccompagné, mais je n'ai accepté qu'à cause de Lita et aussi parce que son traîneau est plus performant que le mien.

Tentant maladroitement de ranimer sa rage, le rebelle répondit :

— Il vous a embrassé.

— Uniquement sur la joue, par surprise... Je ne ressens rien pour lui, je m'épuise même à repousser ses avances constantes.

Xavier cette fois resta silencieux. Naël sourit en proposant :

— Venez, le déjeuner va refroidir.

Il allait se détourner, mais Xavier le saisit doucement par le bras :

— Attendez une minute.

Les émotions de Naël prirent le pas sur toute autre considération. Malgré lui, il plongea son regard dans les yeux clairs de l'homme qui ne pouvait plus à cet instant détacher ses yeux de ce visage magnifique? En quelques jours, Il était devenu le centre de son existence. L'être-double murmura :

— Je vous en prie... Ne... Ne me regardez pas... Je... Vous me troublez et...

Xavier le coupa :

— Vous aussi, vous me troublez. Ce que je ressens en votre présence, lorsque vous êtes là... Je me sens si heureux, et quand vous partez... J'ai l'impression de n'être plus rien. Lorsque la neige s'est mise à tomber, j'ai eu tellement peur. Peur de ne plus savoir...

Il secoua la tête :

— Moi-même, je ne saisis qu'à moitié ce qui m'arrive. La seule chose qui est claire, c'est que sans vous... À quoi me servirait-il de vivre ?

— Xavier...

Ils se rapprochèrent. L'homme enlaça l'hermaphrodite, puis, doucement, cueillit ses lèvres, les mots furent inutiles.

Lorsque Xavier quitta ses lèvres, Naël réalisa que rien ne serait plus pareil. Tout risquait de se compliquer.

Mais il refusa de penser à ce qu'il pourrait advenir. L'immédiat, c'était cet homme devant lui, fort et faible à la fois, découvrant des émotions interdites dans sa vie passée et qui en était déstabilisé..

Brièvement, Naël s'interrogea sur les desseins des dieux. Pourquoi avaient-ils conduit les pas de ce soldat jusqu'à lui ? Pourquoi avaient-ils réuni leurs deux cœurs solitaires ?

C'est lui, cependant qui guida l'homme jusqu'au lit, c'est lui qui commença à le dévêtir, jusqu'à ce que Xavier prenne l'initiative de faire la même chose à son égard.

Ce qui arriva à cet instant était inéluctable. Rien n'aurait pu l'empêcher, même pas la perspective d'une séparation lorsque le printemps serait là, même pas le danger qui planait sur Xavier...

Ils s'enfouirent sous la couette moelleuse, laissant ainsi leurs corps parler pour eux. Dehors, à l'image de leur passion naissante, la tempête redoubla de violence, tandis qu'à la cuisine, Obi attendait toujours que son maître revienne, afin de servir le repas du déjeuner...