CAPACITÉS HORS NORMES

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Niché au creux des bras de Xavier, Naël se laissa envahir par la douce fatigue qui suivait l'orgasme. Il se serait endormi si la voix de l'homme ne lui avait pas dit :

— C'est la première fois, tu sais...

Surpris, l'hermaphrodite se redressa et contempla celui qui venait de devenir son amant, puis s'étonna :

— Comment cela, la première fois ? Tu ne vas pas me dire que la sexualité n'est pas permise chez les soldats d'Ikos ?

— Elle n'est permise que dans le cadre de la procréation et les soldats les plus méritants. Nous accumulons ce qu'ils appellent, des points d'intimités.

— Tu n'es donc jamais tombé amoureux ?

— L'amour, c'est toi qui me l'as appris, Naël. C'est en cela que pour moi que c'est la première fois. Ce que j'ai vécu auparavant n'était que pâle imitation.

Naël soupira :

— Décidément, l'Empire d'Ikos fait tout pour que ses soldats n'aient jamais d'émotions.

— C'est ainsi, toute notre énergie et nos pensées doivent être centrées sur l'Empire. Notre loyauté doit demeurer sans faille.

Naël répliqua :

— Tu ne vas pas me faire croire qu'il n'y a pas des ratés parfois, vous restez des êtres humains malgré tout ?

Xavier réfléchit avant de répondre :

— J'ai entendu parler d'une histoire lorsque j'étais encore juvénile... Un homme et une femme qui avaient été autorisés à vivre ensemble deux mois afin de procréer. D'après ce que j'ai entendu dire, ils se sont épris l'un de l'autre et ont tenté de s'enfuir, afin de vivre leur amour librement et d'élever leur enfant loin de l'Empire d'Ikos. Ils n'étaient pas déconnectés du maître ordinateur central... et ils ont été repris.

Attristé, Nael interrogea :

— Que leur est-il arrivé ?

— Ils ont été envoyés en conditionnement. La femme a mis au monde l'enfant qui lui a été enlevé tout de suite après la naissance. Puis ils ont été mutés dans des garnisons différentes !

— Comme c'est tragique !

Xavier admit :

— C'est vrai... Ce qui est curieux, c'est que quand j'ai entendu parler de cette histoire, j'ai trouvé que c'était une bonne chose qu'ils aient été repris. À présent, je les plains de tout mon cœur et je réalise la cruauté de l'Empire d'Ikos !

Soudain, il confessa :

— J'ai peur, Naël, si peur d'être repris ! Ils me mettront en conditionnement et, de nouveau, je ne reconnaîtrai plus rien, je ne te verrai plus... tu ne seras qu'un souvenir lointain pour moi ..., je ne veux pas que cela arrive... non je ne le veux pas !

L'hermaphrodite murmura :

— Cela n'arrivera pas, je te le promets. Je t'aiderai de toutes mes forces pour que tu demeures libre !

— Cependant, la séparation nous attend et je ne peux plus vivre sans toi... Je le sais à présent.

— Si tu restes libre, il nous restera nos souvenirs et toute ma vie, je les chérirai... mais, tu sais, le printemps est encore loin. Qui sait ce qui arrivera ? Je suis sûr d'une chose : les Dieux nous ont réunis, laissons-les nous guider et ils protégeront notre amour.

L'homme caressa sa joue et murmura :

— Comme j'aimerais avoir ta foi !

— Aie foi en notre amour.

Xavier le serra plus fort contre lui, respira son odeur puis proclama :

— Jamais, je ne les laisserai m'enlever l'amour qui habite mon cœur. Jamais, je te le jure ! Je mourrai plutôt que de les laisser me reprendre !

Puis, il reprit ses lèvres avant que Naël n'ait pu répondre.

Alors, ils oublièrent tout : Eux seuls existaient. Le temps suspendit son vol. Ils entrèrent dans cet univers qu'ils venaient de découvrir et qui n'appartenait qu'à eux....

*****

Le lendemain matin - Croiseur de combat d'Auker

Le Général quitta Espar quelques heures afin de se rendre sur son vaisseau où l'attendait une communication avec le Premier Amiral de l'armée impériale : celui-ci avait fait de la disparition du soldat rebelle sa priorité. Autrement dit, le Général avait tout intérêt à le retrouver.

Quoi qu'il en soit, Auker dès son arrivée s'enferma dans la salle de communication privée. La transmission se fit aussitôt et l'image holographique de l'Amiral se déploya. Auker se figea au garde-à-vous. L'amiral dit :

— Repos, Général !

Il demanda ensuite :

— J'écoute votre rapport ?

— Toujours rien, Amiral. Je le déplore... C'est à croire que notre Alpha s'est volatilisé !

— Il est impératif de le récupérer, Général ! J'ai bien dit : Impératif !! L'Empereur lui-même l'exige. Il faut trouver l'origine de la défaillance. Par ailleurs, vous savez qu'X212 est très important pour nous.

— Amiral ! Je dois en passer par les exigences du gouvernement d'Espar. J'ai les mains liées ! Si vous m'autorisez à faire débarquer discrètement quelques unités... je...

L'Amiral le coupa :

— C'est hors de question. Si votre intervention était découverte, les conséquences politiques seraient désastreuses !

Il soupira :

— Il y a des enjeux conséquents dans cette affaire. Général, X212 est un prototype, le premier de sa génération, le premier d'une élite aux capacités exponentielles, ne pas le retrouver, ne pas le récupérer serait catastrophique.

Le Général fronça les sourcils. L'Amiral précisa :

— Vous êtes surpris ? Je le comprends très bien. X212 est une arme, il est supérieur à tous les soldats qui servent actuellement l'Empire. Il est primordial de le reprendre au plus vite. Cela va bien au-delà de ce que vous savez, vous n'avez qu'entraperçu ses capacités !

Le Général Auker frémit. Bien sûr, il avait su, dès qu'X 212 avait placé sous son commandement, qu'il était le meilleur Alpha qu'il n'eut jamais vu, mais l'Amiral lui apprenait qu'il était plus encore. Il osa demander :

— Puis-je avoir des précisions sur ses capacités... inédites ?

— Je crains bien que non... Quoi qu'il en soit, pour vous aider, je vous envoie un matériel expérimental qui vous permettra, à partir des dernières traces ionisantes de téléportation de réduire le champ d'investigations. Vous l'aurez dès demain matin... Ne cherchez pas notre homme dans les grandes agglomérations, mais plutôt dans les zones rurales comme les petites villes ou les villages.

— Je m'en doutais déjà, mon Amiral et j'ai conseillé au Ministre de la Défense d'Espar de resserrer les recherches sur des sites ruraux.

— Bien ! dit l'Amiral qui ajouta :

— Faites diligence, Général ! La récupération de notre Alpha est devenue une affaire d'État !

Sur cette phrase, il coupa la communication, laissant Auker stupéfait, qui se demanda : "Mais qui est vraiment X212 ?"

******

Deux jours plus tard, propriété de Naël

En frissonnant, Xavier enfouit une brassée de petit bois dans l'âtre du salon, puis il y déposa une bûche plus importante. Il alluma le foyer ; celui-ci prit aussitôt et des flammes claires commencèrent à réchauffer la pièce. L'homme tendit ses mains vers l'âtre en souriant. Ensuite, il resserra le peignoir autour de son corps et se rendit à la cuisine.

Là, il connecta Obi. Depuis qu'il était l'amant de l'hermaphrodite, il avait pris l'habitude de se lever avant lui et de faire cet ouvrage matinal à sa place. Il le faisait naturellement, comme une chose qui allait de soi en sachant que cela permettrait à Naël de se lever un peu plus tard. Xavier, justement, vérifia l'heure : il était à peine six heures.

Obi s'affairait, il préparait le petit déjeuner. Déjà le biberon de Lita chauffait, elle ne tarderait pas à réclamer son premier repas de la journée. L'homme retourna au salon et regarda par la fenêtre, il neigeait toujours et la nuit n'avait pas relâché son emprise. Cependant la clarté de l'hiver illuminait le paysage environnant.

L'homme laissa divaguer ses pensées, loin, très loin de cette demeure, vers l'Empire d'Ikos. Un souvenir surgit alors de son esprit... Il venait de passer de son statut de juvénile à celui de soldat et, avec une dizaine d'autres, il était au garde-à-vous devant le Général Auker.

Bizarrement, alors qu'il avait été très attentif à son petit discours d'accueil à l'époque, maintenant, la plupart des phrases avaient déserté son esprit. Seuls restaient les mots suivants : Empire, Loyauté, Service, Courage, Ardeur au combat. Peut-être bien, que cela était voulu par les hautes Instances militaires, qu'il ne reste que le principal !?...

Maintenant, Xavier n'avait plus qu'un terme à l'esprit, qu'un nom : Naël !

Naël et ses grands yeux noirs, Naël et son sourire, son corps harmonieux qui frémissait et s'ouvrait sous ses caresses, qui s'épanouissait sous sa possession, puis laissait jaillir son plaisir en même temps que le sien...

Xavier ferma les yeux et sourit. Il resta ainsi jusqu'à ce que son amant  vienne se serrer contre lui et que sa voix douce demande :

— À quoi pense l'homme de mes nuits ?

—Je pense à toi, rien qu'à toi...

Leurs lèvres s'unirent en un baiser empli de passion mutuelle puis, les pleurs de Lita les interrompirent. Ils se séparèrent à regret et Naël déclara :

— Je vais la chercher.

Il quitta le salon, l'homme, pour sa part, rejoignit la cuisine.

*****

Plus tard

L'homme but une gorgée de café avant de dire : 

— Qu'est-ce que tu vas faire pour tes tomates ?

— Je ne sais pas.  Avec ce temps, il est impossible de recevoir les conteneurs que j'attends, ni de faire mes livraisons. Je crains que tout ne soit gâté. 

 Il soupira : 

— Réenclencher le contrôleur climatique de la serre serait une solution, mais il est quelque peu détraqué. J'aurai dû le changer au printemps dernier mais, à l'époque, ma trésorerie était au plus bas. Cet automne, je pensais le recevoir... hélas, l'entreprise était en rupture de stock. Ils me l'ont envoyé il y a quinze jours, mais hier il n'était toujours pas au village, et aujourd'hui, je ne peux me risquer à y descendre, le temps est trop mauvais.

Pour conclure, il râla : 

 — Quelle plaie !

L'homme hésita, puis proposa :

— Je peux le regarder, ton contrôleur climatique, si tu veux ? 

 Naël hésita puis répliqua : 

— J'ai confiance en toi, mais... 

— L'un dans l'autre, si tu ne fais rien, ta récolte risque d'être perdue.

 — Tu n'as pas tort,  c'est entendu,

— Tu ne le regretteras pas.

Ils terminèrent leur petit déjeuner, Naël alla s'occuper de Lita et la confia par la suite à Obi. Un peu plus tard, en compagnie de Xavier, il rejoignait ses serres.

*****

Délicatement, Xavier termina les connexions puis, il lança à Naël :

— Essaie à présent ! 

Le jeune être obéit, tout en surveillant les jauges de contrôle. Il les vit se stabiliser, sourit et signifia à l'homme :

 — Ça marche !

Xavier le rejoignit, vérifia à son tour les jauges tandis que le jeune être, admiratif, s'exclamait :

— Tu es formidable, décidément, tu sais tout faire.

 — N'exagérons rien, je me débrouille, c'est tout.

 Naël répliqua :

 — Peut-être qu'en fin de compte, je devrais t'apprendre l'art de l'agriculture et de l'élevage des animaux. Alors, je n'aurai plus rien à faire.

Il lui piqua un baiser. L'homme enlaça sa taille et murmura :

 — Si tu me remercies ainsi, je suis prêt à réviser tout ton matériel.

 — Ce serait une double récompense pour moi. 

 Ils se sourirent, Xavier le lâcha puis dit :

 — Bien, retournons à l'ouvrage, tu désires autre chose ?

 — Tant que tu y es, vérifie mes autres contrôleurs climatiques, s'il te plait. Après tout, pourquoi ne pas profiter un peu de toi ? Osa riposter Nael, non sans malice.

Il acquiesça en riant et tous deux commencèrent à faire le tour des autres serres.

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