PERQUISITION

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Harïa - Q. G. du Ministère de la Défense - 19 heures

Dreen déploya la carte holographique puis désigna plusieurs points à Auker :

— Mes équipes ont déjà ratissé cent cinquante kilomètres carrés. De Lorzan qui est le chef-lieu du département à Verzoni, bourg de 1500 habitants. Chaque maison suspecte a été visitée et fouillée. Chaque immeuble, entrepôt, abandonné ou pas, les entreprises, usines, tout y est passé. Les forêts, bois, campagnes alentours n'ont pas été oubliés. Le fleuve a même été dragué, au cas où, sans succès jusqu'ici. Mes hommes ont entamé la zone suivante, et c'est là que les choses se compliquent, car le climat y est très rigoureux, et ils n'ont pas commencé la partie la plus ardue de ce site.

Auker, qui n'était pas encore intervenu, déclara :

— C'est là qu'il se cache ! L'endroit est idéal.

Dreen objecta : 

— Si c'est vraiment le cas, et à moins d'avoir trouvé un refuge, il aura gelé sur pied. La journée dans certains endroits, la température ne monte pas plus haut que moins dix degrés. La nuit, n'en parlons même pas.

— Nos unités de combat peuvent survivre dans des environnements extrêmes. Même si X212 n'avait pas grand-chose sur lui lors de sa fuite, il y sera parvenu, croyez-moi ! Par ailleurs, il aura fait en sorte d'en trouver un, de refuge.

Il s'avança plus près de la carte en ajoutant :

— Reste à savoir où ?

Il inspecta minutieusement l'image holographique. Rien ne lui échappait, les villages, les hameaux, les habitations isolées. Il désigna une de celle-ci. Il demanda :

— Qu'est-ce que c'est ?

— Une ferme, ou plutôt une exploitation agricole. Je la connais bien, c'est celle de mon enfant.

— Elle est située sur un secteur extrêmement soumis aux aléas climatiques !

Dreen soupira : 

— Je sais...

Il précisa :

— Néanmoins, elle bénéficie de tout le confort, pour le secteur habitation. Les étables, poulaillers, bergeries et bien sûr les serres disposent des toutes dernières innovations technologiques.

Admiratif, malgré lui, Auker demanda :

— Il gère cela seul ?

— Avec quelques robots. Je dois avouer qu'il m'a surpris. Après la mort de son conjoint, je ne lui donnais pas deux mois, mais il a tenu bon.

— Je suppose que vous l'avez aidé financièrement ?

— Je lui l'ai proposé. Il a refusé avec hauteur.

Il sourit et ajouta :

— C'est un Dreen dans l'âme ! Le sang de combattants hors normes coule dans ses veines... Je suis très fier de lui !

Auker fixa le visage de Dreen, puis il changea de sujet. Ils poursuivirent leur étude de la carte...


Le général était retourné à ses appartements, après son entrevue avec Dreen. Dès son arrivée, il se connecta au flux, puis y déversa les informations relatives à son aparté, avec le ministre de l'Intérieur d'Espar.

Ceci fait, il les tria, les classa par ordre d'importance puis les plaça en parallèle avec la carte topographique de la région d'Hargeria. Une information capitale se détacha des autres, dans l'esprit d'Auker se dessinèrent des structures envahies par la neige ; il sourit, une certitude se fit jour en lui, il se dit :"Il est là ! La chose est certaine, dommage que nous ne puissions pas envoyer une escouade, elle aurait tôt fait de le sortir de son trou, mais nous allons laisser les militaires de Dreen agir et nous verrons."

Une fois encore, il examina l'image virtuelle des lieux où il soupçonnait la présence de son Alpha : il s'agissait de la propriété de Naël.


Cette nuit-là - Propriété de Naël 

Xavier, les yeux grands ouverts n'arrivait pas à s'endormir. Il réfléchissait sans cesse à l'étau qui peu à peu se resserrait autour de lui. Le soldat qui demeurait en lui, refaisait surface. Il se dit :
"Je ne dois plus me tenir sur la défensive, je dois prendre l'offensive ! Reste à savoir de quelle manière."

Il posa son regard sur Naël. Il dormait profondément. Il pensa encore : "Agir, mais sans le mettre en danger. Je dois éviter qu'il subisse le contre-coup de mes éventuelles actions."

Cette décision prise, il se détendit, ferma les yeux, et s'endormit enfin.


Le lendemain matin

Alors qu'il terminait son petit-déjeuner, Xavier demanda à Naël :

— Tu n'aurais pas quelque part du matériel électronique numérique ou autre, dont tu ne te servirais plus ?

Un peu étonné, Naël répondit :

— Oui, je dois avoir quelques trucs dans la réserve du garage. Que veux-tu en faire ?

— J'ai décidé de ne plus attendre sans rien faire, je vais prendre l'offensive !

Naël objecta :

— J'ignore si ce que j'ai pourra te servir à fabriquer une arme.

— Je ne parle pas particulièrement d'armes... J'y pense, quand tu m'as trouvé, je n'avais pas un sac avec moi ?

— Oui, il est dans l'armoire de la chambre. Je pensais que tu le savais.

— Je viens tout juste de me souvenir de son existence.

Il se leva et conclut :

— Je crains qu'aujourd'hui, je ne puisse pas m'occuper de ta comptabilité ou autre...

— Ce n'est pas grave, grâce à toi, j'ai pris beaucoup d'avance dans mes papiers administratifs. Quant aux activités de la ferme, mes robots s'en occuperont, cela me permettra de rester avec toi.

Xavier hésita, il objecta :

— Je ne sais pas si j'ai le droit de t'impliquer là-dedans.

— Je suis impliqué, depuis le jour où je t'ai recueilli.

Il entrecroisa ses doigts aux siens et ajouta :

— Et c'est ensemble que nous franchirons les obstacles !

L'homme sourit serra ses doigts plus fort et dit :

— Ce que je peux t'aimer !

— Et moi donc.

Leurs mains se désunirent. C'est à ce moment-là que l'unité de communication sonna. Naël se leva et alla décrocher....


Naël raccrocha puis lança à l'homme :

— Je crains que tu ne sois obligé de bricoler une autre fois. Les perquisitions ont commencé, les soldats sont déjà au village. Ils monteront sûrement à la ferme bientôt.

— Ils ne perdent pas de temps, il est à peine huit heures !

Naël acquiesça, ils s'empressèrent de quitter la pièce...


Une heure plus tard

Avant de refermer la trappe, Naël conseilla :

— Surtout, ne cherche pas à sortir, elle ne se ferme que de l'extérieur. Quoi qu'il arrive, fais le mort.

— Je suis un soldat, je sais comment faire.

Naël soupira :

— Je sais... C'est que...

— Ne t'inquiète pas, tout ira bien.

L'hermaphrodite l'embrassa, il murmura :

— Je t'aime.

Il ressortit, referma la trappe et la verrouilla. Ensuite, il se munit d'une pelle et recouvrit de terre l'emplacement. Tout était enfin prêt. Il se dit : "C'est à la grâce des dieux."

Il retourna chez lui en important la pelle. Il la rangea dans le garage. À ce moment-là, on sonna à sa porte.

Il alla ouvrir ; derrière, se trouvait un rude militaire qui le salua. Puis se présenta :

— Bonjour, je suis le sergent Ala. Je suis désolé de vous déranger si tôt, mais nous avons ordre de perquisitionner toutes bâtisses, maisons ou immeubles susceptibles d'abriter un fugitif que nous recherchons.

— Il s'agit de ce soldat d'Ikos ?

— En effet monsieur, je constate que vous vous tenez au courant.

— Je vis à l'écart, mais j'ai un tridi.

Il effaça et les invita à entrer :

— Je vous en prie.

Le sergent hocha la tête, fit signe à deux soldats qui l'accompagnaient de le suivre. Tous les trois pénétrèrent dans le domicile de Naël.


Une fois la maison fouillée, le sergent demanda :

— Puis-je visiter vos installations à présent ?

Naël objecta :

— Mes animaux risquent d'être dérangés par vos hommes ; quant à mes serres, elles bénéficient d'un équilibre climatique délicat, une maladresse et mes récoltes futures pourraient être perdues.

Le sergent assura :

— Ils feront très attention.

L'hermaphrodite soupira, mais acquiesça. Il les conduisit sur le site en question...


La perquisition se terminait... Néanmoins, le sergent passa devant un hangar, là se trouvait la chambre froide. Le militaire demanda aussitôt :

— Il y a quoi là ?

Le cœur de Naël s'affola ; cependant sur un ton calme il répondit :

— Un chantier débuté par mon époux avant sa mort et que j'ai dû arrêter faute d'argent.

— Puis-je voir à l'intérieur de ce hangar ?

— Si vous voulez ; de toute façon, ce sera vite fait, il n'y a rien !

Il l'accompagna à l'intérieur, les soldats suivirent le mouvement.

Le sergent du regard inspectait le hangar. Il ne savait pas pourquoi, mais son instinct lui hurlait que celui qu'il cherchait se trouvait là ! En même temps, il pensait : "C'est idiot, pourquoi serait-il caché ici ?"

Il savait que si c'était le cas, ça ne pouvait être à l'insu du propriétaire. Il le regarda justement. Il paraissait serein. Il se dit : "Je me fais des idées !"

Au moment où il pensait ça, un soldat l'interpella ainsi :

— Sergent, venez voir !

Il s'avança vers lui, et découvrit qu'Il était agenouillé sur le sol, il désignait la terre en chuchotant :

— Elle est à peine figée par le froid, elle a été ajoutée récemment.

Naël osa s'avancer vers eux et demander :

— Que se passe-t-il ?

Le sergent répondit par une autre question :

— Que voulait faire votre époux ici ?

— Des chambres froides en sous-sol.

— Il en avait creusé une déjà ?

— Elle était presque terminée, il me semble.

— Ici même donc... ?

Il montra l'endroit que son soldat débarrassait de sa terre à présent.

— Sans doute, vous savez, je n'y suis pas venu depuis son décès !

— Vraiment ?

L'hermaphrodite l'assura encore. Le soldat pendant ce temps, avait presque terminé de dégager la trappe. Naël sentait son angoisse s'accroître de seconde en seconde... Le sergent remarqua le cadenas. Il exigea :

— Veuillez s'il vous plaît aller me chercher la clef ! 

La tension intérieure de Naël monta d'un cran...

Naël tenta de biaiser :

— Pourquoi faire ? Cet endroit ne se ferme que de l'extérieur, comment votre homme aurait-il pu s'y dissimuler, par ailleurs, je crains d'avoir égaré cette clef ?

À ce moment-là, une fine sueur couvrait le front de l'hermaphrodite. Le sergent qui l'observait avec suspicion, le remarqua, il dit :

— Il a peut-être bénéficié de complicité.

Là, il le fixa dans les yeux en ajoutant :

— Vous allez me chercher cette clef, oui ou non ?

Naël n'avait pas le choix, il acquiesça. Il précisa :

— Je ne suis pas sûr de la trouver, mais je vais essayer.

Il quitta les lieux, le sergent lui emboîta le pas.

Dans la chambre froide, Xavier, tous les sens en alerte, était prêt à toutes éventualités.


Dix minutes plus tard

Naël revenait du salon avec la clef en se demandant comment il allait se sortir de cette situation. Il passa dans le hall d'entrée. Le sergent restait dans ses pas. Un coup fut frappé à sa porte. L'hermaphrodite ouvrit et se retrouva devant un autre militaire qui lui demanda :

— M. Eok ?

— Lui-même.

— Bonjour M. Eok. Je crois que vous avez été victime d'une erreur !

— Comment cela ?

Le sergent s'avança. Il commença à dire :

— Capitaine, nous terminons la perquisition de cette propriété et...

— Vous ne terminez rien du tout ! Sergent, vous avez abusé de vos prérogatives ! Vous deviez attendre mes ordres pour étendre vos recherches à ce site !

Le sergent tenta de dire :

— Capitaine ! Un habitant du village m'a parlé de ce domaine, j'ai donc cru bon afin de...

Encore une fois, son supérieur l'interrompit :

— Taisez-vous ! Savez-vous chez qui vous êtes ? Cette jeune personne est l'enfant du ministre de la Défense !

— Je l'ignorai... Néanmoins, j'insiste pour poursuivre, car un endroit susceptible d'abriter notre fugitif a attiré mon attention et...

— Je viens de vous dire que vous aviez terminé ! À présent, rassemblez vos hommes et quittez immédiatement cette demeure !

Le sergent, bien que contrarié, n'eut pas d'autres choix que de répondre :

— À vos ordres, Capitaine !

Il quitta le hall. Le capitaine s'adressa ensuite à Naël :

— Veuillez, je vous prie, pardonner le zèle excessif de mon collaborateur. La situation actuelle, nous rend tout un peu nerveux... Toutefois, vous auriez dû dire à mon subalterne qui vous étiez !

Naël, qui respirait enfin plus librement, répondit :

— Je suis avant tout un citoyen, sachez-le. Je ne me sers pas du nom de mon père pour obtenir des passes droits.

— C'est tout à votre honneur... Cela vous aurait évité des désagréments !

Naël, conciliant répondit :

— Cela n'est pas si grave !

Ainsi, le capitaine, le sergent et les soldats désertèrent-ils rapidement la propriété. Naël referma la porte. Il s'adossa à elle et murmura :

— Dieux, soyez remerciés !

Il tremblait de tout son être. Il savait qu'il était passé, et Xavier avec lui, très près du désastre. Il se reprit un peu. Il alla se poster devant une fenêtre. Les traîneaux des militaires disparaissaient dans le blizzard. Il se dit : "Nous avons eu de la chance, mais est-ce que ce sera toujours le cas ?"

Il l'ignorait, mais préféra ne pas s'interroger plus. Il quitta de nouveau son habitation. Sa priorité à présent : délivrer Xavier d'un refuge qui avait bien failli lui servir de traquenard...

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