DANGER PASSÉ ET À VENIR

9 minutes de lecture

Plus tard - Au village

Le capitaine rassemblait ses troupes, sur la place. Le sergent osa se planter devant lui, il se mit au garde-à-vous et demanda :

— Permission de parler librement, capitaine ?

Celui-ci répondit :

— Je vous écoute, sergent.

— Capitaine, je reconnais avoir agi impatiemment, mais j'ose affirmer qu'il y avait quelque chose dans cette chambre froide !

— Même si c'est vrai, dites-vous qu'il est très improbable que l'enfant du ministre de la Défense protège un fugitif d'Ikos. Alors quoi qu'il puisse y avoir dans cet endroit, cela ne nous concerne pas !

— Sauf votre respect, capitaine, mon instinct...

Il fut encore interrompu :

— Il est inutile d'insister. Il s'agit de l'enfant du Ministre de la Défense. Estimez-vous heureux que je ne fasse pas un rapport sur vous. Par ailleurs, je vous conseille de prier les Dieux que Naël Eok n'appelle pas son père !

Il conclut :

— L'affaire est close ! À présent, nous avons du travail. Rompez et remontez dans le véhicule !

Le sergent n'insista pas, il savait que c'était inutile. Peu après, les militaires avaient déserté le village, qui retrouva de ce fait, son calme habituel.



Propriété de Naël

Tous deux avaient eu si peur, qu'ils restèrent un long moment sous le hangar, sans se soucier du froid mordant qui les entourait. Seul leur importait d'être ensemble. Cette séparation, qu'ils avaient crainte, leur faisait comprendre à quel point, ils étaient attachés l'un à l'autre.

Naël savait que s'il perdait Xavier, il ne pourrait pas continuer sans lui. Même la mort de son époux, n'avait jamais généré cette sensation de perte épouvantable, qu'il ressentait, en évoquant simplement cette éventualité... Pourtant, il avait aimé le père de sa fille avec passion !

Ce qui le liait au fugitif d'Ikos, était d'une tout autre nature...

Ils restaient immobiles, leurs corps serrés l'un contre l'autre. Ils surent avec une lucidité aveuglante, que rien ne les séparerait, quelles que soient les circonstances.
Ils ne se dirent rien, en quittant enfin ce site. Leurs mains étroitement jointes, ils rejoignirent la maison... Elle était devenue leur foyer !

Ce jour-là, ils ne firent pas grand-chose. L'homme reporta au lendemain, son bricolage. Quant à Naël, il laissa son ouvrage à la charge de ses robots. Ainsi restèrent-ils auprès de Lita. Les événements du matin, avaient eu comme première conséquence de les rapprocher encore plus. Ils n'en parlèrent pas de la journée. Cette nuit-là fut à cette image, forte et riche, émotionnellement et physiquement.
Après l'amour, ils s'endormirent rapidement, en sachant quand même, que des obstacles, ils n'avaient pas fini d'en trouver sur leur route. 


Harïa - Ministère de la Défense

Dreen, minutieusement, consultait les rapports de recherches. Il s'arrêta plus particulièrement, sur celui qui décrivait les fouilles intervenues dans le village, près duquel résidait son enfant. Il le lut avec attention. Il le termina en se disant : "Apparemment, il n'est pas là-bas, c'est déjà ça !"

Il survola les autres rapports, les rangea ensuite et se massa les tempes en pensant : "Voilà qui ne nous avance guère."

Il se saisit de la carafe d'eau, présente sur son bureau, remplit la moitié d'un verre et y jeta deux comprimés effervescents qui se délitèrent très rapidement. Il se dit encore : "Fichue migraine !"

Son unité de communication sonna à cet instant-là. Il décrocha et répondit :

— Oui, Mili ?

— Le général Auker, demande à vous parler, Général.

— Qu'il entre ! répondit-il à sa secrétaire.

Puis il fixa le verre, le prit et but le contenu en grimaçant. Il attendit ensuite. Pas longtemps. Le Général ikosien entra. Il l'invita à s'installer avant de lui dire :

— Vous arrivez à point nommé. Je viens de recevoir les premiers rapports de recherches du secteur trois.

— Alors ?

— RAS ! Si votre homme est là, il est diablement habile !

— Je n'en suis pas surpris, il est notre meilleur Alpha.

— Le meilleur ? Vous me l'apprenez.

— Ah ? Je ne vous l'avais pas dit ? Simple oubli de ma part !

Dreen, le scruta avec méfiance. Auker poursuivait :

— X212 est en effet notre meilleur Alpha... D'où la nécessité absolue de le retrouver rapidement.

Il demanda :

— Puis-je lire ce rapport ?

Dreen sans un mot, le posa devant les yeux du militaire d'Ikos. Celui-ci, sans attendre, l'étudia.
Il fut rapide et minutieux. Quand il eut terminé, il dit :

— Vous avez raison... Même pas un indice. Cependant, cela ne veut rien dire. Croyez-moi quand j'affirme qu'X212 est tout à fait capable d'être passé entre les mailles du filet.

Il ajouta :

— Sans vouloir nier les capacités de vos hommes, comprenez que seuls des soldats possédant celles d'X212, seront en mesure de le retrouver !

Dreen répondit :

— Je comprends votre insistance, mais mon président s'y oppose toujours.

Auker objecta avec contrariété :

— Il risque de nous échapper !

— Si vous croyez que je ne le sais pas !

Le général se laissa aller en arrière et observa son vis-à-vis avec attention. Dreen déclara :

— N'oubliez pas que j'ai toutes les raisons de souhaiter sa capture. D'autant plus si, comme vous le pensez, il se cache sur le secteur où réside mon enfant.

Auker, qui l'observait toujours, demanda brusquement :

— Dites-moi, M. Dreen, suivez-vous toujours les recommandations de votre hiérarchie ?

— Que voulez-vous dire ?

— Parfois, rarement bien sûr, je devance les désirs de mes chefs, je prends des... Initiatives. Rétrospectivement, ils en sont presque toujours satisfaits !

— Où voulez-vous en venir, exactement ?

Auker croisa les bras, un sourire quelque peu calculateur étira ses lèvres, il répondit :

— Je crois que vous le savez !

Dreen soupira :

— Je ne peux me permettre d'agir inconsidérément. Ma position m'interdit certaines libertés !

L'Ikosien cilla et répliqua :

— Au point où nous en sommes, que risquez-vous de pire ? Il précisa :

— J'ai entendu dire que vous étiez en porte-à-faux avec certaines personnalités du gouvernement ?

Le Ministre admit :

— C'est vrai, mais ce n'est pas nouveau !

Auker reprit :

— Si, très discrètement, une escouade de mes soldats était téléportée sur le site en question, qui le saurait ? Ils seront habiles à se dissimuler à vos hommes, et je vous garantis que sur le terrain, ils obtiendront des résultats rapides et remarquables.

— Je n'en doute pas ! admit Dreen 

Il observa profondément le Général Auker, qui insista :

— Réfléchissez, vous ne seriez pas inquiété si d'aventure l'un de mes hommes était découvert. Je prendrais toute la responsabilité sur moi.

Dreen hésita. Puis finalement, il décida :

— Agissez comme bon vous semble, je ne veux rien savoir ! Ni quand, ni combien d'hommes, ni comment ! Me suis-je bien fait comprendre ?

— C'est très clair.

— Bien, pour l'immédiat, nous allons passer au secteur suivant, agissez en conséquence.

Auker rétorqua :

— Je profiterais de toutes les opportunités.

Il quitta son siège en concluant :

— Je ne m'attarde pas, je retourne à mon devoir, je vous laisse au vôtre !

— Tenez-moi au courant !

— Je n'y manquerai pas !

L'ikosien se retira, sur une inclinaison de tête. Dreen resta seul. Il réfléchissait. Soudain, il décrochera son combiné téléphonique, il avait décidé d'appeler son enfant.

*****

Propriété de Naël

Quand son unité de communications sonna, l'hermaphrodite baignait Lita. Depuis la salle de bains, il lança au robot :

— Obi, réponds !

Xavier, à ce moment-là, rentra dans la salle de bains. Naël dit aussitôt :

— Tu tombes bien, tu peux me déplier la grande serviette sur la table à langer ? L'homme obéit en disant :

— Tout de suite.

Ceci fait, l'hermaphrodite sortit le bébé de l'eau et le posa sur la serviette. Il demanda encore à Xavier :

— Tu me la surveilles quelques minutes ? Le temps que je sache qui m'appelle ?

— Pas de problème.

Ainsi laissant seul Xavier, avec le bébé, il quitta la salle de bains.

Obi lui donna le combiné en disant : 

— Votre père, monsieur !

Naël s'en saisit, remercia le robot, et répondit :

— Bonjour, papa.

— Bonjour mon enfant, comment vas-tu ?

— En pleine forme, et toi ? Toujours à la poursuite de l'ennemi public numéro un ?

— Tu ironises, mon enfant ! Tu devrais prendre cette affaire plus au sérieux.

Le jeune être leva les yeux au ciel, avant de répondre :

— Si tu le dis !

— Je te le dis ! Ceci précisé, sache que le secteur où tu résides a été ratissé... Sans succès... Par ailleurs...

Naël le coupa :

— Je sais !

— Comment ça, tu sais ?

— Les soldats sont venus perquisitionner chez moi, hier.

Il raconta brièvement la perquisition en question. Stupéfait, Dreen s'exclama :

— Tu ne leur avais pas dit qui tu étais ?

— Pourquoi faire ? Ce n'est pas parce que tu es mon père, que je dois être traité différemment des autres citoyens.

— Tout de même, j'avais donné des ordres pour que tout se passe en douceur, sans que tu ne sois ennuyé.

— Ils ont fait leur devoir, voilà tout !

Il y eut un silence. Dreen le brisa :

— Donc, rien n'a été trouvé. Néanmoins, le Général Auker pense que son Alpha, est suffisamment habile pour être passé entre les mailles du filet. Conclusion : sois très prudent !

À ce moment-là, Naël ne put s'empêcher de dire :

— Tu crois vraiment que ce fugitif est si terrible qu'on le dit ?

Péremptoire, Dreen rétorqua :

— C'est un soldat d'Ikos qui a brisé son conditionnement... Ses réactions sont impossibles à prévoir !

— Il ne t'est pas venu à l'esprit, qu'il était avant tout un être humain ? Un homme qui a brisé ses chaînes, pour ne plus rester esclave ?

Déconcerté, Dreen resta sans voix un court moment avant de répondre :

— Non, cela ne m'est pas venu à l'esprit ! Le Général a parlé d'une défaillance de son processeur, pas d'un désir quelconque d'être libre !

— Tu penses que ce Général s'en serait vanté, si c'était le cas ?

L'insistance de Naël troubla Dreen, il consentit à admettre :

— Sans doute que non.

Il ajouta :

— Mais le problème n'est pas là ! L'important, c'est qu'il soit capturé, qu'il ait ou non des velléités de liberté !

— Moi, je crois que c'est de ce Général dont tu devrais te méfier ! Je ne suis pas sûr qu'il t'ait donné toutes les informations sur ce fugitif !

— Mon enfant, tu serais capable de voir du bon chez le pire des hommes !

L'hermaphrodite répondit :

— Tu m'as toujours dit qu'avant de juger une personne ou une situation, il fallait connaître la totalité des paramètres ! Tu n'es plus d'accord ?

Dreen assura à son enfant :

— Bien sûr que si ! Cependant, ma situation ne me permet pas de mettre en avant mes convictions ! Je dois tenir compte de la globalité de cette affaire, sans envisager des résultats, et le plus important, c'est la sécurité des citoyens d'Espar. Je n'ai pas le loisir ni le temps de me préoccuper des états d'âme du fugitif !

Afin d'éviter une autre remarque, le Ministre demanda très vite :

— Je te le redemande une autre fois, tu n'es toujours pas décidé à rejoindre Harïa ?

— Je ne me sens pas menacé chez moi !

La voix de Naël était suffisamment impérative pour que Dreen n'insiste pas, il dit cependant :

— Bien, mais reste prudent et ne fais pas confiance à des visages inconnus.

— Papa ! Je ne suis plus un gamin !

Dreen aurait voulu encore faire mille recommandations à Naël. Il savait que c'était inutile... Il y eut entre eux, quelques banalités, puis ils se saluèrent et raccrochèrent ensemble.

Naël resta, quelques secondes, pensif, avant de se rappeler qu'il avait laissé Xavier seul avec Lita. Il oublia son père et retourna à la salle de bains.

Non sans surprise, Naël découvrit que Xavier avait terminé la toilette du bébé. Lita était même habillée. Le jeune être déclara :

— Merci, mais... tu n'as rien mis à l'envers au moins ?

Très sérieusement, il répondit :

— Je t'ai bien observé !

L'hermaphrodite lui faisant confiance, il se saisit du bébé, sans rien ajouter.

Tous deux gagnèrent le salon. Xavier osa demander :

— C'était ton père ?

— Oui, bientôt, il va appeler tous les jours !

Il confia Lita à Obi en ajoutant :

— Il s'inquiète pour moi. Je me demande si cette inquiétude ne risque pas de le décider à passer outre les ordres du président !

— Autrement dit, autoriser le Général à téléporter une escouade de soldats ici !?

— Oui, d'après mon père, le Général n'est que peu satisfait des résultats des recherches sur ce secteur. Il te croit suffisamment habile, pour être passé entre les mailles du filet.

Xavier soupira :

— Hier, il s'en est fallu de peu pourtant. Si ton père n'était pas Ministre...

Il décida :

— Il est temps de me mettre au travail.

Il fixa son amant et demanda :

— Tu me fais voir ton matériel ?

Ainsi, Naël, laissant au robot, la garde de Lita, le guida jusqu'à la réserve.

Annotations

Vous aimez lire Beatrice Luminet-dupuy ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0