CONFRONTATION

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De son belvédère, W457 avait une vue parfaite sur l'exploitation. Il sortit de sa ceinture un petit appareil qu'il alluma. Une carte holographique du secteur se déploya devant ses yeux. Il l'étudia attentivement...

Depuis l'habitation, Xavier n'en loupait pas une miette. Il cessa son observation, ouvrit les yeux et décida :

— Je dois l'éloigner des bâtiments, il en est trop près.

Naël, affolé s'exclama :

— Xavier tu ne vas pas sortir, ce n'est pas prudent !

— Ce qui serait imprudent, c'est de le laisser s'avancer plus encore, sur ta propriété. J'ignore quels sont ses ordres exacts, mais je ne vais pas attendre de le savoir pour agir.

Il demanda à l'hermaphrodite :

— Tu as une arme à me prêter ?

— Le fusil de mon époux, mais tu en as une beaucoup plus performante dans ton sac.

— Je peux être amené à tuer. Je vais essayer de l'éviter, mais si j'y suis contraint, il ne faut pas que ce soit avec mon arme. Sinon cela prouvera ma présence ici.

— Si tu supprimes l'un de ces hommes, la neige recouvrira rapidement son corps. Celui-ci ne sera retrouvé qu'au printemps, d'ici là, tu seras loin !

— Que tes dieux t'entendent !

Il insista néanmoins :

— Peux-tu me prêter ton fusil ?

Naël n'eut pas vraiment d'hésitation, il alla le chercher. Xavier par le truchement du trivisuel vérifia que W457 n'avait pas bougé de place. Peu après, chaudement vêtu, Xavier son appareil sur les yeux, allait à sa rencontre.

Le soldat Béta s'engageait dans un sous-bois. Les arbres ployaient sous la neige. Un silence ouaté l'entourait. Seul le bruit de la bise glacée troublait le calme hivernal.

L'ikosien restait sur ses gardes. Pour lui, le silence ne signifiait pas l'absence de danger, sachant qu'X212, tout comme lui se déplaçait en silence et la souplesse d'un chat.

Xavier, par le truchement de son trivisuel, examinait le visage de son adversaire. Il voyait sa prudence, devinait ses pensées. Il se dit : "Il a une expérience solide et ne se laissera pas berner facilement."

Il continua à marcher dans sa direction, sans cesser par ailleurs de surveiller le reste du commando, qui s'éloignait de l'exploitation.

Xavier pressa le pas. Il avait l'intention de devancer W457, et donc d'emprunter un chemin parallèle au sien. Il s'engagea sur un raidillon verglacé et accélérera son allure.

D'une démarche fluide et une économie de mouvements qui rendait sa progression totalement silencieuse, le rebelle précéda le béta.

L'Alpha se plaça sur la trajectoire de W457, puis ralentit. Il repéra un arbre qui devait être plus que centenaire. Il estima que ses larges branches seraient suffisante, pour s'y étendre confortablement.

Xavier grimpa et s'installa commodément. Il se concentra de nouveau sur l'écran trivisuel. W457 était proche. X212 éteignit l'écran et l'enleva. À la place, il épaula le fusil et colla son œil droit sur la lunette de visée.

W457 arrivait rapidement, silencieusement, tous les sens aux aguets. Il passa sous l'arbre où se trouvait Xavier. Celui-ci avait une idée très précise pour neutraliser le soldat sans le tuer. Il voulait atteindre sa nuque, au niveau du processeur neural... Il régla le fusil laser, suffisamment bas, pour que cela soit possible...

Le fugitif attendit que sa cible se soit éloigné de l'arbre pour tirer. W457 s'écroula sonné, et toute connexion coupée. Xavier sauta de l'arbre, et très rapidement arriva sur lui, avant qu'il ne reprenne ses esprits, il le frappa avec la crosse de son arme. Le béta perdit conscience... L'Alpha lui ôta son processeur...


W457 lentement refaisait surface. Pendant un millième de seconde, il se demanda où il était. Puis il se rappela. Il tenta un contact neural avec le croiseur... Seul le silence lui répondit.

Déstabilisé, il eut l'impression de sombrer. Pour la première fois de sa vie, il se voyait coupé des siens. Un sentiment de solitude atroce le submergea. Cela ne dura que le temps d'un souffle, puis le soldat qu'il était, reprit le dessus.

Il analysait froidement la situation. Il découvrit qu'il était solidement attaché et assis contre un arbre. Soudain, une voix s'adressa à lui, elle lui disait :

— Tu te réveilles enfin. Ce n'est pas trop tôt !

W457 leva la tête. Il s'exclama :

— X212 ! Le traître à l'Empire !

— Je n'ai pas trahi l'Empire, j'ai revendiqué ma liberté !

— Ta liberté ? Tu as dysfonctionné plutôt. En quoi serais-tu plus libre que moi, qui reste fidèle à Ikos ?

Il ajouta :

— Tu es traqué, dévalorisé. Si tu es repris, tu seras renvoyé en conditionnement. Tu auras de la chance si on te laisse rester un epsilon ! À mon avis, c'est le rebut qui t'attend ! Voilà l'avenir que tu t'es choisi !

Xavier le scruta profondément et répliqua :

— Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes ! Dis-moi, tu espérais vraiment me capturer ?

— Je devais accomplir une mission, j'ai échoué. D'autres viendront et essayeront encore et encore. Le Général n'arrêtera pas avant de t'avoir récupéré !

— Sans doute. Néanmoins, si tu parles de tes hommes, ils sont repartis, dès que j'ai ôté ton processeur neural.

— Ils ont suivi le protocole.

— Tu es seul, totalement seul ! Plus personne pour te dicter ta conduite, espionner tes pensées, n'est-ce pas exaltant comme sensation ? Tu peux sans entrave décider de ton destin ! 

Le soldat le regarda, comme s'il s'était retrouvé devant un dément, puis il répondit :

— Tu as vraiment disjoncté, X212 !

— Tu es un esclave W457, et tu ne le sais pas !

Le soldat haussa les épaules avant de rétorquer :

— Si tu en finissais au lieu de parler ?

— Tu veux dire te tuer ? Je n'ai pas envie de te tuer !

— Nous ne sommes plus dans le même camp, X212, tu es obligé de me tuer ! Si tu me laisses là, je parviendrais à me détacher et je retournerais au croiseur !

— Sans ton processeur neural ?

— Le Général enverra sûrement une autre équipe.

— Si tu retournes au croiseur sans ton processeur neural, tu seras sanctionné !

— Je suis prêt à accepter les conséquences de mon échec. Parlons plutôt de ta situation : ne me tue pas, et quand je rentre, je fais un rapport complet. Première chose, il n'y a pas une habitation à moins de 5 km, à part cette ferme ! Second point, tu es devant moi, chaudement habillé, de toute évidence, bien nourri. Qu'est-ce que j'en déduis selon toi ? Que tu as trouvé refuge dans la ferme en question et que le propriétaire est ton complice. Tu imagines, l'enfant d'un ministre esparien qui aide un soldat d'Ikos ? Quel tollé dans la galaxie ! Ton gentil sauveur ne s'en remettra sûrement pas !

Xavier se figea, ses poings se serrèrent si fort que ses jointures blanchirent. Ses yeux se chargèrent de colère, il eut une réaction instinctive, il leva son fusil et tira.

W457 sursauta, son corps s'affaissa, et sa tête retomba sur sa poitrine. Le rayon laser du fusil l'avait atteint en pleine tête... Il était mort sur le coup !

Xavier était stupéfié par son geste. Il ignorait ce qui l'avait motivé. Tout ce dont il était sûr, c'est que les propos du soldat avaient créé en lui une sorte de peur panique ! Comme le jour où il patientait dans la chambre froide, il s'était vu séparé de Naël.

La peur faisant place à la colère, il avait tiré ! W457 l'avait-il provoqué à dessein ? Il ne le saurait jamais ! Xavier se dit : "Il ne parlera plus, mais sa disparition aura des conséquences. Reste à savoir lesquelles !"

Il s'avança vers le cadavre, le détacha, puis posa ses doigts sur la jugulaire, il était bien mort ! Comme lorsqu'il était encore sous le commandement d'Auker, il pensa : "Fonctions vitales terminées !"

Il se redressa, fit volte-face et, sans se retourner, reprit la direction de l'exploitation de l'hermaphrodite.


Croiseur du Général Auker

Le général pris une navette, dès que la disparition de W457 fut confirmée. Il rejoignit son croiseur entra sur la passerelle en ordonnant au neuro-informaticien :

— Votre rapport !

— Le contact avec W457 a été rompu à 01.02 H.G. Depuis plus rien. Ce n'est pas une déconnexion, juste un arrêt brusque... Deux explications, ou il est mort, ou son processeur est tombé en panne, ce qui me semble improbable.

— Que disent les membres de son équipe ?

— Ils ont perdu le contact et conformément au protocole, ils sont rentrés... Ils n'en savent pas plus. Ils sont prêts à retourner sur la planète dès que vous en donnerez l'ordre.

Auker cilla, et réfléchit. Ensuite, il exigea :

— Déployez l'écran cartographique !

L'officier chargé de commander le vaisseau en son absence et celle du Colonel, obéit. Il se permit de dire en désignant un point précis sur la carte :

— La dernière position connue de W457 est celle-ci, Général.

Auker constata que c'était à moins d'un kilomètre de la ferme de Naël Eok. Le doute qu'il avait depuis quelque temps, à propos du refuge d'X212, devenait une certitude. Cependant, il garda son sang-froid. Il ordonna :

— Continuez vos tentatives de reconnexion et de recherches de W457. Prévenez-moi aussitôt en cas de succès.

Il quitta la passerelle sur ces mots, il devait retourner sur Espar. Il pensa que si ses doutes se confirmaient, il allait devoir marcher sur des œufs ! Mais, avant d'en parler à Dreen, il devait rassembler des preuves solides ! Quand il reprit la navette, une stratégie se mettait déjà en place dans son esprit...

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