CONNEXION ET FUSION

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Propriété de Naël

Xavier à son retour, avait tout raconté à l'être double. Après ce récit, Naël était resté silencieux un court moment et avait demandé ensuite :

— Tu as laissé le corps là-bas ?

— Quoi faire d'autre ?

L'homme s'assombrit, son regard se chargea d'angoisse. Naël hésita, et proposa :

— Lui offrir une sépulture décente est peut-être encore possible.

C'est la foi de l'hermaphrodite qui s'exprimait à présent. Xavier eut un pauvre sourire et cette parole :

— J'ai bien peur que la neige n'ait déjà recouvert ce soldat. Cela fait une demi-heure.

Naël fut forcé de l'admettre. L'homme dit :

— Je n'avais pas prévu de le tuer ! Pas comme ça, pas de cette manière, c'est indigne du soldat que je suis... Il était attaché, sans défense et...

Naël l'interrompit :

— Et il t'a provoqué sciemment !

— Ce n'est pas sûr à 100 pour 100.

— D'accord, quelles étaient tes intentions alors ?

— Je ne sais pas. Oui, le tuer était presque une obligation..., mais si près de chez toi, c'est une erreur de ma part ! J'aurais dû le faire plus loin...

Il secoua la tête, ferma les yeux et reprit son sang-froid avant de dire :

— L'idéal aurait été d'utiliser ton traîneau pour le conduire le plus loin possible. J'aurais réparé son processeur auparavant. Je le lui aurais remis pour que sa dernière position connue soit celle où il serait mort et... je... je...

Il s'arrêta, un goût d'amertume envahit sa bouche, il redit encore :

— Cette mort que je lui ai donnée n'est pas digne !

Naël comprit qu'il y avait encore beaucoup du soldat d'Ikos en lui. Un autre silence s'installa.

Naël examina mieux son amant, puis il demanda :

— Qu'est-ce que tu veux faire ?

L'homme parut sortir d'un rêve, il répondit :

— Quoi ?

Naël répéta sa question. Xavier soupira, puis dit :

— Tu sais, je crois que je suis terrorisé par les conséquences de mon acte !

L'hermaphrodite fronça les sourcils et rétorqua :

— Quaïtir disait toujours que regretter ses actes ne servait à rien, l'essentiel, c'était de les assumer et d'en accepter les conséquences.

Malgré lui, Xavier sourit, il dit :

— Un homme sage, ton Quaïtir !

— C'est vrai ! À présent, réponds-moi, qu'est-ce que tu veux faire ?

Xavier caressa doucement sa joue, laissa retomber sa main puis :

— Les déductions de W457, sur mon refuge, le Général les aura faites aussi !

— Tu en es sûr ?

— Moi, il y a longtemps que j'aurais compris !

Il sortit de sa poche le processeur de W 457. Il le contempla. De nouveau, son esprit fonctionnait avec aisance, son instinct de survie prenait le dessus, ses scrupules sur le soldat qu'il avait tué s'éloignaient. Il déclara :

— J'ai une carte dans ma manche !

Sceptique, Naël objecta :

— C'est cela ta carte ?

L'homme opina du chef. L'être double demanda encore :

— Comment comptes-tu l'utiliser ?

Xavier eut un lent sourire, et cette parole :

— Pour ça, j'ai mon idée.

Il quitta son siège, puis le salon où il se tenait, direction la réserve. Naël le suivit aussitôt...



Xavier termina une dernière soudure. Il se redressa et dit :

— Voilà, j'ai terminé.

Naël qui avait assisté à la réparation du processeur sans rien dire, demanda :

— Qu'est-ce que tu veux en faire, exactement ?

— L'utiliser pour accéder à la banque de données du croiseur d'Auker.

Dubitatif, Naël objecta :

— Je croyais chaque connecteur neural unique à son porteur. Par ailleurs, ne risques-tu pas de te faire repérer ?

— J'ai éliminé le traceur intégré, et ôté le circuit d'empreintes génétiques. À présent, même toi tu pourrais l'utiliser, si tu étais équipé pour, bien sûr.

Il précisa à un Naël quelque peu inquiet :

— J'ai une demi-heure devant moi, avant qu'ils ne comprennent que ce n'est pas W 457 qui reprend contact avec eux, et qu'ils coupent la transmission.

— Et s'ils arrivent à te reconnecter ?

— Cela leur sera impossible, c'est d'ailleurs ce qui va les alerter.

L'hermaphrodite ne fut pas rassuré pour autant. Il se détourna de Xavier, et frissonna d'appréhension... L'homme comprit ses craintes, il posa sur l'établi le processeur. Il s'avança vers lui et le prit dans ses bras. Naël se laissa aller contre lui et murmura :

—J'ai peur ! Tellement peur ! Et si tu as fait une erreur ?

L'homme l'embrassa avec passion avant de lui dire :

— Aie confiance en moi !

Il s'éloigna légèrement, sourit et répondit :

— Je vais réussir.

Il retourna vers l'établi, prit une profonde inspiration, avant d'ôter son processeur... Il se saisit de l'autre, en se disant : "Le moment de vérité."

Il l'inséra dans son crâne... Il pensa : "Connexion unité centrale."

Immédiatement une foule de données envahit son mental...



Palais Présidentiel d'Espar - Quartier des Dignitaires

Le Général discutait avec le Colonel. Ils parlaient de l'échec cuisant du commando malchanceux. Soudain, Auker se figea. Il ferma brièvement les yeux, avant de fixer son vis-à-vis. Le Colonel dit :

— J'ai senti aussi... W 457, mais cela a été très fugitif.

Le transmetteur d'Auker sonna :

— Oui ?

Son correspondant répondit :

— Nous avons repris contact avec W 457, mais il y a un problème.

— Lequel ?

— Nous n'arrivons pas à trianguler sa position.

Auker n'hésita pas, il ordonna :

— Remontez-moi immédiatement !

Le colonel osa dire :

— Général, si vous vous téléportez, les Espariens vont le repérer, et je doute que le croiseur ait le temps de placer un brouillage....

— Je m'arrangerai avec Dreen plus tard !

Il ordonna encore au vaisseau :

— J'ai dit : Remontez-moi !

Aussitôt, une onde de téléportation emporta Auker sur son bâtiment.



Dès qu'il fut sur la passerelle, Auker s'adressa au neuro :

— Votre rapport !

— La connexion a été vérifiée il y a dix minutes. Comme la procédure l'exige, j'ai effectué un repérage pour établir sa position. En vain ! J'ai alors transmis l'ordre de retour impératif. Sans succès. Depuis quelques secondes, tous nos systèmes sont piratés, et pas seulement le croiseur. Les unités de combat, nous même et...

À ce moment-là, une sonnerie d'alarme retentit. Le neuro ferma les yeux. Il posa ses doigts sur le clavier tactile. Il rentra un code, secoua la tête, et déclara presque catastrophé :

— Général, il y a eu intrusion du maître ordinateur sur Ikos.

Auker pâlit, il ordonna :

— Coupez le contact ! Vite !

— Mais... Général...

— Ce n'est pas W457. Il s'agit de X212.

Le neuro obéit ou plutôt essaya. Le lieutenant chargé de commander le vaisseau en l'absence d'Auker, chuchota :

— Comment a-t-il fait ? Chaque processeur individuel est marqué génétiquement ?

— Je l'ignore, mais ce n'est pas ça le plus grave. Le plus grave, c'est qu'il a passé outre toutes les sécurités de niveaux. Même un Alpha de sa qualité ne devrait pas y parvenir !

Auker était très mal à l'aise. Il s'adressa au neuro :

— Où en êtes-vous ?

— J'ai du mal ! Il contourne tous les gardes-fous ! Notre antivirus évolutif semble être impuissant !

Il continua plusieurs minutes. Puis dit enfin :

— Connexion coupée !

Soulagé, Auker respira et dit :

— Vous y êtes parvenu ?

— Non, Général, c'est lui qui a interrompu la communication.

Un grand silence envahit la passerelle qu'Auker brisa, en donnant les directives suivantes :

— Je veux un diagnostic complet de tous nos systèmes. Contactez l'Amirauté. J'exige une communication avec le Premier Amiral le plus vite possible.

Le lieutenant dit :

— Il vous appelle déjà, Général.

Auker redressa les épaules. Il déclara ensuite :

— Passez-moi la transmission dans mes quartiers.

Il quitta la passerelle.



Propriété de Naël

Xavier ouvrit brusquement les yeux. Il ôta le processeur, reprit son souffle, comme s'il avait fait des kilomètres en courant sans s'arrêter. Il s'exclama :

— Ça par exemple !

Naël s'enquit avec inquiétude :

— Ils ont failli t'avoir ?

— Je n'ai pas été inquiété un seul instant !

Il poursuivit :

— C'est incroyable ! Je suis entré dans le système dans le but de connaître les plans d'Auker me concernant. Cela m'a pris une nanoseconde. Ensuite, j'ai fusionné sans le vouloir avec toutes les unités de combat, j'étais partie intégrante du flux numérique, non seulement celui du croiseur..., mais de tout ce qui fait Ikos... jusqu'au Maître ordinateur, lui-même ! J'étais un et la multitude, simultanément... je pense que j'ai même intégré des données ultra confidentielles.

Il fixait l'hermaphrodite, éberlué. Il tremblait. Naël dit :

— Tu es terrorisé !

— Il y a de quoi ! Naël, qu'est-ce que je suis ? Et si j'étais vraiment dangereux ?

— Je n'y crois pas une seconde.

— Tu ne comprends pas ! Je suis une arme, s'ils reprennent le contrôle de cette arme, je vous ferais du mal à Lita et toi !

L'être double s'approcha de lui, il le prit dans ses bras. Il dit sur un ton doux et rassurant :

— Tu es un homme libre, aimant, qui a brisé ses chaînes, et qui en aucun cas ne fera du mal à personne.

Il le berçait comme l'enfant perdu qu'il était à ce moment-là, en continuant à lui parler pour le rassurer.

L'homme peu à peu cessa de trembler. Il retrouvait son assurance. Rien n'était réglé pour autant... Le mystère de son existence demeurait. Il s'éloigna de son amant, fixa le processeur de W457, puis se saisit d'un marteau.

Il frappa le petit amas de circuits... Celui-ci vola en éclats...

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