L'ARME X212

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Croiseur du général Auker

Le général venait de terminer son rapport au premier Amiral. L'image tremblotante de celui-ci, occupait tout l'espace de la petite cabine. Malgré une réception assez médiocre, le son passait plutôt bien, l'amiral n'avait pas perdu une miette du compte rendu oral d'Auker. Il dit :

— Ne soyez pas si dur avec vous-même. Ce qui est arrivé n'est pas votre faute, même si c'était prévisible.

Le général étonné demanda :

— Comment cela prévisible ?

— Je vous ai dit que X212 différait des autres unitées de combat, par ses facultés exceptionnelles. Bien sûr, ce qu'il est parvenu à faire, aurait dû s'effectuer sous notre contrôle. Qu'il soit indépendant nous pose un problème retors à résoudre.

Auker répliqua :

— Utiliser un neuroprocesseur différent du sien, fait aussi partie de ses capacités hors du commun ?

— Ce n'est pas le processeur qui est en cause, le sien propre n'est pas différent du vôtre ou du mien. Vous ne comprenez pas ? Le cerveau de X212 est déjà un ordinateur vivant, et la technologie n'en est pas partie prenante.

— Son cerveau est différent ?

— Oui.

— Modifié génétiquement ?

— Cela va plus loin qu'une simple modification, le terme le plus approchant est : restructuration. Ses capacités synaptiques viennent de prendre le relais. En clair, le processeur ne lui est utile que pour se connecter à un système ; pour tout le reste : apprentissage accéléré, stockage des données, contrôle thérapeutique, etc..., il est, à présent, totalement autonome.

Auker bouche bée, tentait d'imaginer ce qu'un tel pouvoir pouvait permettre à X212. Puis il comprit enfin. Cela le remplit d'effroi. Il s'exclama :

— Le contrôle... Il pourrait prendre le contrôle du flux numérique d'Ikos.

L'Amiral hocha la tête en disant :

— Non seulement du nôtre, mais de n'importe quel système, X212 est une arme qui aurait dû rester à notre service... Le fait qu'il soit hors contrôle, met notre état, le fonctionnement même de notre société, en danger. Nous n'avons que deux solutions : Le récupérer ou l'éliminer !

Auker resta silencieux. Il sentit un poids énorme peser sur ses épaules. Sa mission venait de sérieusement se compliquer. Elle se résumait ainsi : la réussite ou l'échec, la continuation ou la fin d'Ikos !



Plus tard - Ministère de la Défense

Dreen, après avoir écouté les explications d'Auker, déclara :

— Vos excuses sont acceptées général, je comprends la nécessité, pour vous, d'avoir dû utiliser le téléporteur.

Il ajouta :

— Cependant, j'ai un peu de mal à saisir, si votre homme s'est connecté, pourquoi ne pas avoir saisi cette occasion de le récupérer ?

Sans se troubler, le général répondit :

— Il a utilisé le processeur de W457, qu'il est sans doute parvenu à trafiquer. Cela explique pourquoi nous n'avons pas pu le récupérer.

Dubitatif, Dreen répliqua :

— Il est rempli de ressources, dites-moi, votre Alpha ?!

— C'est pour cela qu'il est dangereux, plus que vous ne le pensez !

Dreen l'observa un moment, se laissa aller en arrière et déclara :

— J'ai une théorie à vous proposer, voulez-vous l'entendre ?

— Allez-y !

— Admettons que votre homme en se déconnectant, en vous échappant, n'ait désiré qu'une chose : se libérer, ne plus être un esclave ? Dans ce cas, pourquoi ne pas le laisser tranquille ?

Auker se raidit légèrement et répliqua sur un ton sec :

— Il m'importe peu de savoir les raisons de la déconnexion de X212, où plutôt ses motivations. Pour ma part, j'ai été soldat toute ma vie, je n'ai jamais eu l'impression d'être un esclave. Les choses sont simples et d'une clarté absolue ; notre Alpha doit être récupéré, ses velléités de soi-disant liberté n'entrent pas en ligne de compte. Pour vous, ce devrait être la même chose. X212, quand il était au service de l'Empire, n'a jamais hésité à tuer. La seule différence aujourd'hui, c'est que nous n'avons plus la possibilité de lui donner l'ordre d'arrêter. C'est un tueur, et très intelligent !

Il fit une pause, avant de conclure :

— Je vous rappelle que les investigations ont conclu, qu'il se trouvait sûrement sur le secteur de la ferme de votre enfant. Peut-être même à l'intérieur...

Dreen le coupa :

— La propriété de Naël a été perquisitionnée. R.A.S. !

Surpris, Auker s'exclama :

— Ce n'était pas précisé dans le rapport que j'ai lu ?

— Le capitaine avait ordre de ne pas ennuyer mon enfant, son sergent a passé outre, il l'a couvert !

— Comment l'avez-vous su ?

—Par mon enfant !

Auker restait silencieux. Pourtant, il brûlait d'envie de lui parler de ses soupçons à l'égard de Naël. Il devait se taire, tant qu'il n'aurait pas de preuves. Il dit :

— Bien, il n'est pas sur la propriété de votre enfant. Ou alors X212 a été assez malin pour échapper à vos hommes.

Dreen rétorqua :

—Bientôt vous allez affirmer que Naël est complice de votre fugitif !

— Loin de moi cette idée !

Ce qui était évidemment un mensonge. Dreen eut un léger soupir. Puis il dit sur un ton plus ferme :

— Quoi qu'il en soit, dans huit jours les recherches sur ce secteur précis devront être interrompues.

Le général consterné objecta :

— Il n'en est pas question !

— Ce n'est pas à vous d'en décider, à moi non plus d'ailleurs !

— Et à qui ?

— Au climat ! Dans quelques jours, la région où vous soupçonnez la présence de votre Alpha, va entrer dans la phase la plus froide de la saison. Les températures actuelles ne sont rien, comparées à celles qui vont s'installer. C'est une période où l'activité économique est presque à l'arrêt, les gens restent cloîtrés chez eux. Les travaux indispensables sont assurés par les robots ; personne ne sort à l'extérieur, les conditions sont extrêmes. Je doute fort que même vos hommes y survivent.

Auker dissimula sa contrariété. Il demanda néanmoins :

— Que proposez-vous ?

— Attendre la fin de cette période, qui dure, selon les années, entre deux et trois mois. Ensuite, viendra le redoux, il sera total et brutal.

Il conclut :

— Croyez-moi, pas un seul homme, qu'il soit d'Ikos ou d'ailleurs, ne survit dehors durant cette période ! Risquer la vie d'autres personnes pour chercher votre Alpha est inutile et criminel. Toutefois, afin qu'il ne quitte pas ce secteur, nous établirons des barrages, sur toute la zone. Autrement dit, s'il a survécu, il sera coincé. Il devra faire comme nous, attendre le printemps. Nous l'aurons à ce moment-là.

Auker contempla Dreen, tout en réfléchissant. Il devait admettre que l'esparien avait raison. Par ailleurs, si ce qu'il pensait à propos du refuge de X212, était exact, cette exploitation, où il se sentait sans doute, en sécurité, allait devenir un piège. Cela convenait à Auker. Il devait juste s'armer de patience. Il déclara donc :

— Bien, je m'en remets à votre conseil. je compte sur vous pour me prévenir dès l'amélioration du climat ?

— Cela va de soi.

Auker quitta son siège. Il dit encore :

— Il est déjà très tard, je vous laisse, vous avez sûrement besoin de repos.

— Je vous en remercie.

Avant de sortir, il demanda :

— La théorie selon laquelle X212, s'est enfui pour être libre, de qui la tenez-vous ?

— De mon enfant. Lorsqu'il me l'a exposé, cela m'a troublé, j'ai jugé bon de vous en faire part !

Auker eut un petit sourire et cette parole :

— C'est une fausse théorie, ne gardez qu'une chose à l'esprit, la dangerosité de X212.

Il sortit sur ces mots... laissant Dreen méditer seul sur ses dernières paroles.


À peine Auker était-il sorti du cabinet de Dreen, qu'il contacta, via son processeur, le colonel. Il lui ordonna : "Obtenez-moi, toutes les informations possibles sur Naël Eok, né Dreen. Je veux tout savoir, enfance, adolescence, études, opinions politiques, activisme éventuel dans un parti ou une quelconque association... Que rien ne vous échappe ! Par ailleurs, trouvez-moi l'officier qui a perquisitionné le domicile de Naël Eok. Si mes déductions sont justes, il doit s'agir d'un sergent, placé sous le commandement du capitaine Kerry ou Korry... Voyez le rapport que j'ai transmis au flux, cela devrait vous aider. Trouvez ce sergent et tâcher d'avoir un entretien avec lui, soyez discret, habile et efficace ! Terminé."

Il coupa le contact avec son subalterne, relativement satisfait. En sachant que le piège, lentement, mais sûrement, allait se refermer sur l'Alpha rebelle.



Propriété de Naël

Une journée épuisante se terminait, pour le couple. Il était presque minuit quand ils entrèrent enfin dans leur chambre.

Une fois couchés, ils gardèrent le silence. Enlacés, ils se taisaient ensemble. Ils pensaient chacun de leur côté aux événements de ses dernières heures. Naël percevait sans mal le désarroi de son amant. Il le sentait inquiet, mais ne savait pas comment le rassurer. Finalement, l'être double se redressa, contempla le visage soucieux de l'homme, puis dit :

— Tu es si loin de moi, soudain.

Xavier le fixa, s'efforça de sourire, et répondit :

— Pardonne-moi, c'est juste que je suis préoccupé.

— Parce que tu as découvert lors de ta connexion ?

Xavier soupira et révéla :

—Le Général... Il sait que tu es là avec moi... Que tu es impliqué.

Naël n'eut pas le sursaut attendu par l'homme. Il dit simplement :

— N'était-ce pas prévisible ? Je veux dire, tu t'y attendais ?

— Oui, mais j'espérais quand même que...

Il soupira... Puis déclara sur un ton impérieux :

— Promets-moi une chose... Si le pire arrive, si des hommes débarquent ici et me capturent, ne tente pas de les empêcher !

— Mais bien-aimé...

— Promets-le-moi, tu dois penser à ta petite Lita... Et à toi, bien sûr !

— Je ne veux pas te perdre !

Naël était bouleversé et presque au bord des larmes.

— C'est hélas une possibilité. Cela arrivera sans doute plus vite que nous le croyons. Chéri, il y a de fortes probabilitées qu'au printemps, je sois piégé ici !

Naël s'exclama, éperdu :

— Je prierai pour que cela n'arrive jamais !

Il assura avec plus de force :

— Tu dois avoir confiance en la providence qui nous a réunis ! Qu'importe ce général, moi, je vais continuer à croire que tu t'en sortiras, et moi avec toi !

L'homme caressa sa joue, puis le prit dans ses bras, et murmura :

— Merci de croire en moi !

Il s'écarta de lui et ajouta :

— Je n'ai pas l'intention d'abandonner, mais je reste un soldat. J'ai conscience des risques... Je ferai tout pour conquérir ma liberté, mais pas au prix de ta vie, même si je veux vivre ma liberté intensément. Je te fais une promesse : ils ne me prendront pas vivant ! 

Naël, sur un ton vibrant, rétorqua :

— Moi aussi, je te fais une promesse... Les obstacles qui se présenteront, nous les franchirons ensemble !

L'homme ne répondit pas, il se contenta de se rapprocher de lui et de l'embrasser... Bientôt, c'est une douce étreinte qu'ils partageaient, illustrant ainsi l'amour indéfectible qui les unissait...

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