Madame, Monsieur,

J’ai choisi d’écrire des nouvelles, peut-être un peu par paresse, mais aussi en pariant sur une puissance spécifique du texte court. J’ai essayé, en me limitant à chaque fois à une dizaine de pages tout au plus, à susciter chez le lecteur un agrément, bien sûr, mais aussi un malaise à travers une veine satirique assumée. J’ai également voulu privilégier une grande diversité des sujets, dont certains sont empruntés à la réalité d’aujourd’hui (le travail dans un abattoir, le recrutement de volontaires pour les matchs de football, l’art contemporain), d’autres à un texte antérieur souvent célèbre (un conte d’Andersen, la Modeste proposition de Swift), voire à l’univers des séries comme dans La Croisière s’abuse. Cette diversité se double d’une variété des tons et des genres : de l’objectivité cynique de Sur les pavés les morts à la férocité franchement bouffonne de Performance jusqu’au merveilleux biblique d’Après nous le déluge. J’ai voulu à la fois atteindre des cibles multiples et séduire le lecteur en le déconcertant.

Je sais que le risque réside dans une dispersion excessive. J’ai cherché à y remédier par une unité de ton, caractérisé je crois par un goût de la surenchère, de l’outrance et, je l’espère, une bonne dose d’humour, qui traversent le recueil. L’intrigue, toujours fondée sur le suspens, doit susciter la curiosité et l’élucidation retardée. Également, à travers ces textes, on perçoit bien une critique du mercantilisme, de l’inhumanité ordinaire, mais les personnages affrontés au scandale ou à l’horreur, s’ils y réagissent, sont voués le plus souvent à la résignation finale ou à leur perte, quand ils ne se muent pas en oppresseurs ! Aucun mode d’action positif n’est livré ici, je l’avoue, d’où un pessimisme plutôt radical qu’on peut certainement me reprocher. Témoin dans la dernière nouvelle, la sagesse de Jéhovah qui, au lieu d’infliger aux hommes un énième châtiment, choisit de les endormir pour une période indéterminée. Peut-être ces nouvelles sont-elles un peu méchantes ; je me console en me disant qu’il s’agit au moins d’une méchanceté tonique !

J’espère en tout cas qu’elles sauront attirer votre attention, et me tiens à votre disposition.

Bien chaleureusement,

Marilène Q.