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Saint-Fontaine, 9 h 00.


 Inspirer par le nez sur deux temps et expirer par la bouche tout en contractant le ventre, voilà le rythme qu'il avait adopté pour son jogging matinal. Son tee-shirt mouillé lui collait à la peau. Sa montre connectée s'affola et lui indiqua de faire une pause. Il évita de justesse une teigne de chihuahua tenue en laisse par sa maîtresse et s'arrêta à proximité d'un lampadaire. Les battements de son cœur pulsaient dans sa poitrine et sa respiration était haletante. Il changea la cadence de son souffle en prenant des bouffées d'air plus longues. Il s'appuya sur le réverbère pour étirer chacun de ses membres. Ses muscles quelque peu détendus, il but une gorgée d'eau fraîche et s’installa sur un banc face à un lac artificiel d'une eau azur. Les arbres fleuris aux couleurs printanières se reflétaient sur l'étang, offrant un panorama époustouflant. Des plages de sable avaient été aménagées, ainsi qu'une corniche où piétons et cyclistes cohabitaient sans peine. Chaque jour, l'homme redécouvrait ce paysage. Il ne s'en lassait pas, au contraire, cette vue le rassérénait. Malheureusement, les bonnes choses avaient toujours une fin. Il se décida à rebrousser chemin vers son appartement.


 D'une marche dynamique, il parvint près de son logement, qui se situait en plein centre-ville. Dès lors, une explosion de bruits l'atteignit sans ménagement. De la chanson mélodieuse des oiseaux, du bruissement du vent sur les feuilles, on passait à une cacophonie : les klaxons des automobilistes impatients, le marteau-piqueur du chantier au bout de la rue, les moteurs des cyclomoteurs avec des décibels trop élevés... Les suaves effluves de pins, de mimosas et de lilas disparaissaient, pour laisser place à un air vicié par la pisse et par les relents des différents véhicules.


 L'homme pénétra dans le hall de l'immeuble, songeant à un cottage au calme, avec un jardin prospère. Son exercice quotidien n'était pas encore terminé, l'ascenseur en panne, il devait grimper quatre étages pour rejoindre son studio.


 Devant sa porte, il sortit les clés de sa poche, déverrouilla et entra. Des chaussures au milieu du couloir lui firent comprendre qu'une intruse s'était conviée chez lui. Il déposa son trousseau dans le vide-poche, retira ses baskets, les rangea ainsi que celles qui traînaient.


— Tu aurais pu, au moins, pousser tes escarpins sur le côté, ronchonna-t-il, dès qu'il passa dans le salon.

— Quel rabat-joie ! répondit une jeune femme confortablement assise dans le canapé, les pieds sur la table basse.

— Sophie, que fais-tu là ? souffla l'homme en poussant les jambes de l'indélicate.

Il prit place à ses côtés.

— Bonjour, grand frère. Comment vas-tu ? Pour info, je vais bien.

— Pardon, s'excusa-t-il en déposant une bise sur le front de sa sœur.

— Tu es pardonné ... Si je suis passée, c'est pour t'inviter à dîner, ce soir. J'ai quelque chose d'important à te dire.

— Tu aurais pu appeler. Et puisque tu es là, pourquoi ne pas m'en parler maintenant ?

— Mais pourquoi tout doit être compliqué avec toi ? Tu ne peux pas juste répondre oui ou non ? s'énerva-t-elle en bondissant du sofa.

— Ok, ce n'est pas la peine de prendre la mouche. Je viendrai. Tu es satisfaite ? lui assura-t-il d'une moue souriante.


 Fixe au milieu de la pièce, les poings sur les hanches, un sourire radieux illuminait son doux visage. Sophie se trouvait être une belle femme : des cheveux soigneux châtain clair tirés en une queue de cheval, des yeux de biche émeraude, un nez fin, une bouche en cerise, avec une silhouette mince et délicate. Elle faisait tourner de nombreuses têtes !


— Merci, merci... sauta-t-elle dans les bras de son frère. Donc, à ce soir dix-neuf heures.

— ça marche, à ce soir.


Elle se releva, déposa un baiser sur la joue de son aîné et le quitta sans autre cérémonie.


 Au son de la porte qui claque, il se mit debout et se dirigea vers la cuisine pour se servir une boisson sucrée. Dans l'encadrement de la pièce, il s'immobilisa net. Lui, maniaque de l'ordre et du nettoyage, était catastrophé par ce qu'il voyait. Avant son départ, le plan de travail reluisait. Ce n'était plus le cas. Sophie était passée par là : des miettes de pain éparpillées, des gouttes de jus d'orange et un truc collant indéfinissable tâchaient le marbre blanc. L'évier était rempli de couverts, verre, tasse, planche à découper. Il s'estimait tout de même heureux que sa cadette ait mis la vaisselle dans le bac, ça aurait pu être pire !


 Il entreprit de tout astiquer une seconde fois, avant d'aller prendre une douche bien méritée.
L'eau chaude coulait abondamment sur l'ensemble de son corps athlétique, détendant ses muscles saillants les uns après les autres. Les mains appuyées contre le mur, les yeux clos, il profita de ce moment de plénitude. Ses pensées se révélaient être très loin de ses tracas quotidiens, comme sa recherche d'emploi qui n'aboutissait pas, et aussi ce nouvel élément : l'annonce de sa sœur. Mais qu'avait-elle bien pu inventer ?


 Il frissonna au contact du liquide devenu froid. Il coupa le robinet, s'enroula une serviette autour de la taille et sortit de la douche. Face au miroir, il recoiffa sa tignasse brune, se passa une crème hydratante sur la figure en prenant garde de ne pas en mettre dans ses yeux vert agate avec une pointe de gris, s’aspergea d'eau de Cologne et de déodorant.


 Au moment de vêtir la deuxième jambe de son bas de survêtement, son téléphone, resté dans la cuisine, sonna d'une mélodie dynamique. Il se précipita à cloche-pied et tenta tant bien que mal d'enfiler son pantalon. Le portable en main, il décrocha.


— Allô.
— Monsieur Thomas Anderson ?
— C'est moi-même, confirma-t-il, intrigué par cette voix qu'il ne reconnaissait pas.

— Mademoiselle Shepard, de l'université de La Vallée des Anges.


Les battements de son palpitant s’accélèrent brusquement.


— Je vous écoute, Mademoiselle.
— C'est à propos du poste de professeur en criminologie. Mon adjoint et moi-même avons convenu que vous étiez parfait pour cette place.

Un large sourire se manifesta sur son visage.


— ...
— Monsieur Anderson, vous êtes toujours là ?


Son regard pétilla.


— Oui, oui, excusez-moi, je suis surpris et très heureux de pouvoir travailler dans votre grande université. Je commence quand ?

— La semaine prochaine. Je sais, c'est un peu précipité. Mais en attendant que vous trouviez un nouvel appartement, l'université vous propose une chambre en son sein.

Parcouru de frissons, il se retint de sautiller.


— C'est très gentil de votre part. Merci encore de me laisser une chance. À lundi prochain, Mademoiselle Shepard.
— C'est un plaisir pour nous. Au revoir, Monsieur Anderson.


 Il raccrocha, posa l'objet sur le comptoir avec calme. Soudain, ne se contenant plus, Thomas sauta dans tous les sens comme un enfant le jour de Noël. Son genou heurta le coin de la table, mais n'y prêta pas attention. Il avait enfin eu l'emploi dont il rêvait !

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