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La Vallée de Ange, samedi, 14 h.

Elisabeth traversa le jardin et s'immobilisa devant l'entrée du studio, clé dans une main et un carton sous le bras. Elle ouvrit la porte, une odeur de renfermé lui vint aux narines. La lumière fut, lorsque la jeune femme actionna l'interrupteur.

Sans perdre plus de temps, elle coulissa les deux baies vitrées pour aérer la pièce. Les volets blancs, à la peinture écaillée, claquèrent contre le mur extérieur.

Elisabeth s'attarda avec nostalgie sur chacun des meubles. La cuisine équipée, aux placards ivoire, avec son comptoir central et ses tabourets hauts crèmes, s'ouvrait sur la pièce de vie. Le canapé deux places, dont le tissu avait été reprisé ici et là. La table basse avec ses coins qui avaient été dévorés par le chien de la famille. L'écran plat accroché au mur était de travers. En dessous, un meuble de télévision beige, orné d'une lampe de chevet et d'un diffuseur de senteurs florales vide, fournissait une touche de couleur au coin salon de l'appartement. Un escalier en bois d'un coloris polaire menait à la mezzanine.

Elisabeth grimpa les quelques marches, après avoir déposé le contenant sur le bar. Le séjour d'un blanc lumineux s'effaça pour un endroit plus sombre, plus intimiste aux nuances brunes. Les poutres apparentes donnaient un certain cachet au lieu. Différentes appliques décoraient les murs, rendant le lieu chaleureux. Elisabeth dégagea les fenêtres de toit. Un courant d'air s'insinua et la poussière accumulée virevolta dans les raies de lumière.

La jeune femme se mordit la lèvre inférieure face à l'univers de sa mère, Magalie. Elle avala le surplus de salive avec difficulté et entreprit de faire le tour de la pièce.

Sur la droite, tout un nécessaire de couture : machine à coudre, tissus, règles, ciseaux... prenait la poussière sur une étagère moderne, mais bancale. Elle avait été bloquée par un bouquin, sous un de ses pieds.

Dans un coin de la pièce, un mannequin destiné à accueillir de nouvelles créations était voilé d'un drap. Elisabeth le retira et découvrit une jolie robe. Malheureusement, la créatrice, emportée par la maladie, n'avait pas pu la terminer.

Quatre portants simples noirs à roulettes étaient remplis de vêtements de toutes sortes et un arc-en-ciel de couleurs s'offrait à la vue de la personne qui pénétrait le lieu de création.

Une table à dessins trônait contre le mur sud. Dessus, on trouvait encore des crayons de couleurs, des stylos, des feuilles blanches ou avec des croquis plus ou moins achevés.

D'une main tremblante, Elisabeth en prit un. Du bout du doigt elle suivit les traits de l'ébauche. Un souvenir en particulier l'accula. Elle se revoyait assise sur la troisième et dernière marche de l'escabeau, coloriant avec minutie l'esquisse que lui avait réalisé sa mère. Cette fois-ci, c'était la petite fille qui avait choisie les teintes. Ce jour-là, la styliste l'avait félicité pour l'association et son imagination.

Deux perles mouillèrent le papier qu'Elisabeth tenait. Une encre violette s'étira sur la robe qui avait été tracée.

— Eli ! appela une voix entraînante.

Elisabeth essuya ses yeux à l'aide de la manche de son haut, prit une longue inspiration et s'accouda à la rambarde, un sourire de contenance affiché sur son doux visage. Au centre du rez-de-chaussé se tenait deux personnes complètement opposées. Un rayon de soleil dans un paysage terne, Maggie souriante resplendissait de joie. Et un nuage gris assombrissant le studio, Ryan blafard, le regard vide, qui portait un paquet plutôt lourd, vu la contraction des ses muscles.

— Je suis contente que tu sois là pour nous aider, s'adressa Elisabeth à son frère en descendant l'escalier.

— Ne rêve pas, je suis juste venu déposer la nouvelle table basse, répondit Ryan d'une voix acerbe.

Il déposa le colis près du canapé et sans une autre parole, ressortit les poings crispés. Sa sœur souhaitait le rattraper, mais Maggie la retint par le bras.

— Laisse lui du temps.

— Tu as peut être raison.

— J'ai toujours raison, lâcha la blonde sûre d'elle.

Elisabeth ne put s'empêcher de sourire face au sérieux de son amie.

— Merci d'être présente. Sans toi, je ne sais pas comment j'aurais fait, avoua-t-elle une émotion palpable et de nouveau au bord des larmes.

— Je serai toujours là pour toi.

— Moi aussi, souffla Elisabeth.

— Bon, assez de pleurs, décida Maggie en épongeant ses yeux d'un geste discret. Que veux-tu que je fasse ?

— Peux-tu commencer à débarrasser la mezzanine ? Je n'y arriverai pas... Trop de souvenirs... Trop de...

— Pas de problème.

— Merci. J'ai apporté des cartons, dedans tu trouveras des pochettes plastiques pour les croquis et des boîtes pour les stylos, crayons... Enfin, tu vois. De mon côté, je vais monter la table et sortir la vieille.

— à vos ordre chef, déclara Maggie en prenant la position d'un soldat au garde à vous.

Elisabeth éclata soudain de rire. Cette fois-ci ses yeux furent embués, non pas de peine, mais de gaîté. Encore une fois, la blondinette avait réussit à lui mettre du baume au cœur. Et elle en avait bien besoin.

Une tape amicale sur l'épaule et l'humoriste bougea de nouveau. Au ange, elle saisit les rangements et monta à l'étage. Elisabeth, quant à elle, débuta l'assemblage du meuble en examinant la notice.







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