CHAPITRE 11 : Quand l’amour devient un luxe réservé aux puissants
Dans les couloirs de ce monde injuste, l’amour est devenu un luxe, un privilège réservé à ceux qui ont déjà tout. Il se porte comme un costume sur mesure, bien taillé, bien présenté, exhibé sur les réseaux, affiché dans les salons, discuté dans les cercles dorés. Et pourtant, au fond, ce n’est plus de l’amour — c’est du décorum, du faux-semblant, une mise en scène bien huilée.
Le pauvre, lui, ne peut pas s’aimer comme les riches. Il ne peut pas se permettre de rêver à deux. Il est trop occupé à survivre pour penser à aimer. Son amour, quand il en a, se cache derrière un regard discret, un geste simple, une présence silencieuse. Mais qui le remarque ? Qui le célèbre ?
Même les mots lui échappent. Il ne sait pas dire « je t’aime » comme les autres, parce que son amour n’est pas une parole répétée, c’est une douleur contenue, un feu qu’il n’a pas appris à nommer. Il aime vrai, mais il aime seul. Et quand il ose tendre la main, on la refuse. Quand il ose espérer, on le fait taire.
L’homme fort aime pour posséder. L’homme riche aime pour se compléter. L’homme influent aime pour se valoriser. Mais le pauvre, lui, aime pour exister. Il aime parce qu’il n’a que cela à offrir, parce que c’est son seul refuge contre l’oubli, son seul cri contre l’injustice.
Mais on ne veut pas de son amour. On préfère celui qui brille, celui qui s’offre avec du vin, des bijoux, des voyages. On oublie que le vrai amour ne coûte rien… justement parce qu’il vaut tout.
Tant que l’amour restera une affaire de domination, d’intérêt ou d’image, tant que le faible ne pourra pas aimer sans honte ni peur, alors ce monde ne connaîtra pas l’amour. Il connaîtra le désir, la possession, l’illusion… mais jamais la vérité du cœur.
Et peut-être qu’un jour, quand les hommes cesseront de classer l’amour comme un objet de valeur, ils comprendront enfin que le plus pur des sentiments naît souvent dans les mains vides, mais les cœurs pleins.
Le cœur sans costume
Le vrai amour ne porte pas de costume. Il ne parle pas fort. Il ne se maquille pas pour séduire, ni ne cherche à plaire à tout prix. Il ne se vend pas dans les mots creux des publicités ni ne s’écrit sur les murs des réceptions. Le vrai amour marche pieds nus, le cœur en lambeaux, mais les mains ouvertes.
Mais dans ce monde, on lui préfère l’artifice.
Celui qui n’a rien, celui qui vit dans l’ombre, celui que personne ne regarde — s’il aime, on doute. On lui demande d’abord : « Qui es-tu ? Que possèdes-tu ? Que peux-tu offrir ? » Avant même de lui demander : « Que ressens-tu ? » Comme si aimer était un droit réservé à ceux qui possèdent, à ceux qui brillent, à ceux qui peuvent promettre des lendemains dorés.
Et pourtant, c’est souvent celui qui n’a rien qui aime le mieux.
Il n’attend rien en retour. Il ne calcule pas. Il ne ment pas. Il aime parce qu’il a compris que seul l’amour pouvait donner un sens à sa propre douleur. Mais il aime dans un silence que personne n’entend. Et cela fait de lui un exilé du cœur, un mendiant de sentiments dans une cité de faux sourires.
Combien d’hommes prétendent aimer alors qu’ils échangent ?
Combien de mains tendues sont des chaînes dorées ?
Combien de “je t’aime” sont des stratégies ?
L’amour entre les hommes n’est plus une rencontre, c’est devenu une évaluation. On juge, on mesure, on soupèse. On aime si ça rapporte. On aime si ça élève. On aime si ça flatte.
Mais l’homme vrai, celui qui n’a pas appris à tricher, celui qui pleure en cachette, celui qui ne sait pas parler d’amour comme dans les films… Celui-là aime avec le cœur. Et ce cœur, trop souvent, on le brise sans même le voir.
Peut-être qu’un jour, on apprendra à regarder au-delà des apparences.
Peut-être qu’un jour, on tendra la main sans demander ce qu’elle contient.
Peut-être qu’un jour, l’amour entre les hommes redeviendra ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : un pont, et non une balance. Une lumière, et non un marché.
Mais ce jour, l’homme pauvre l’attend encore. Le cœur nu. Le cœur vrai.
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