CHAPITRE 14 : L’écho d’un amour qui n’a jamais existé
Dans les ruelles de l’histoire, l’amour entre hommes résonne comme un vieux chant que plus personne n’écoute vraiment.
Un chant simple, vrai, puissant… mais noyé dans le bruit des intérêts, des luttes de pouvoir, des ambitions cachées.
— « Fraternité ! » crient les constitutions.
— « Solidarité ! » chantent les hymnes.
— « Unité ! » proclament les drapeaux.
Mais sur le terrain, dans les regards, dans les gestes… l’amour est absent.
Remplacé par la méfiance.
Recouvert par le calcul.
Étouffé par la peur de donner plus qu’on reçoit.
L’homme s’est blindé. Il est devenu son propre geôlier.
Et lorsqu’un autre s’approche avec un cœur sincère, il doute :
— Pourquoi m’aime-t-il ?
— Que cherche-t-il ?
— Que veut-il en retour ?
Ce doute a tué plus de vérités que les mensonges.
Il a brisé des amitiés avant même qu’elles ne naissent.
Il a transformé l’amour en soupçon, le don en stratégie, la bonté en faiblesse.
Et l’amour entre les hommes est resté là, figé, comme un vieux tableau poussiéreux dans une pièce fermée.
Mais parfois… parfois seulement… il y a une fissure.
Un geste sincère. Un pardon sans condition. Un regard sans jugement.
Et là, dans cet instant bref et pur, l’écho du vrai amour résonne.
Pas l’amour qui prend.
Pas l’amour qui utilise.
Mais l’amour qui reconnaît.
Reconnaît en l’autre la même fragilité.
Reconnaît en l’autre la même quête de sens.
Reconnaît en l’autre… l’autre lui-même.
Et si ce n’est pas ça, l’amour entre hommes, qu’est-ce donc ?
Un rêve ? Une illusion ? Un luxe d’âme ?
Non. C’est une nécessité qu’on a oublié de cultiver.
Et tant qu’on ne la ressuscite pas, l’humanité restera une foule… mais jamais une famille.
Les illusions confortables
L’homme, las de ne pas trouver l’amour véritable chez son semblable, s’est réfugié dans des illusions confortables.
Des relations rapides, sans profondeur, sans engagement.
Des sourires codés, des poignées de main intéressées, des promesses qui s’effacent au premier obstacle.
Il s’est inventé des fraternités de façade, des complicités de circonstance.
Des alliances nées non pas du cœur… mais du besoin.
Et il appelle cela l’unité.
Mais l’unité sans amour est une mascarade.
Un théâtre bien monté, où chacun joue son rôle avec soin.
On rit ensemble, mais on ne pleure pas ensemble.
On partage un verre, mais pas un silence.
On parle de tout, sauf de ce qui fait mal.
Et pourtant, dans chaque homme, quelque chose appelle à plus.
Quelque chose crie au fond :
— « J’aimerais être aimé sans condition. J’aimerais être écouté sans être jugé. »
Mais il se tait. Il ravale ce cri. Il fait comme tout le monde. Il joue. Il ment. Il fait semblant d’être fort.
Et il appelle cela la maturité.
Mais quelle maturité est-ce que celle qui exige de renier ses sentiments ?
Quel progrès est-ce que celui qui fait de l’amour un danger ?
On a vidé l’amour de son essence.
On l’a redéfini, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un outil parmi d’autres, un moyen d’arriver à ses fins.
Un langage de manipulation.
Un piège à naïfs.
Et le vrai amour entre les hommes ?
Il survit peut-être… dans quelques regards silencieux, dans quelques gestes oubliés, dans la mémoire des cœurs blessés.
Mais tant qu’on préférera les illusions confortables à la vérité douloureuse, l’amour ne pourra être qu’un semi-parcours.
Jamais un chemin entier.
Jamais un lieu de repos.
Jamais une vraie demeure.
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