Chapitre 20 : L’amour qui observe, l’amour qui compare
Dans les rues, dans les foyers, dans les silences,
l’amour ne regarde plus dans les yeux,
il observe… pour comparer.
L’homme ne cherche plus l’autre pour lui-même,
mais pour ce qu’il peut refléter.
Il ne s’attache plus au cœur,
mais à l’image,
à ce que l’autre possède,
à ce qu’il projette,
à ce qu’il peut lui offrir devant les autres.
Tu marches avec un ami,
et il t’est fidèle…
jusqu’à ce qu’il rencontre quelqu’un de plus utile.
Tu confies ton âme à un frère,
et il t’écoute…
jusqu’à ce qu’une voix plus flatteuse l’attire ailleurs.
Ainsi va l’amour des hommes :
il pèse, il scrute, il classe.
"Cet ami est pauvre, mais sincère…
mais celui-là est riche, donc préférable."
"Celui-ci m’aime, mais n’a rien à m’offrir…
celui-là me flatte, il est plus intéressant."
L’amour qui compare est une trahison douce.
Il ne tue pas d’un coup,
il efface lentement.
Un silence un jour,
un oubli demain,
puis plus rien.
Et pourtant, l’amour véritable ne regarde pas autour.
Il voit l’autre tel qu’il est,
sans rival, sans copie.
Il n’a pas besoin d’alternative,
il se suffit de la vérité qu’il a choisie.
Mais aujourd’hui,
l’homme aime en vitrine.
Il veut l’ami parfait,
le frère qui brille,
le compagnon sans défaut.
Et il oublie que la valeur se cache,
que la loyauté ne s’affiche pas,
que l’amour fidèle est souvent discret.
Combien d’hommes ont quitté un cœur vrai
pour courir derrière un éclat ?
Combien ont perdu l’essentiel
en cherchant le meilleur ailleurs ?
L’amour qui regarde trop autour
devient aveugle à ce qu’il a.
Et à force de comparer,
il finit seul,
riche d’illusions,
pauvre de vérité.
L’amour qui dérange, l’amour qu’on redoute
Aujourd’hui, aimer sincèrement…
c’est presque un scandale.
Dire à un frère qu’on l’apprécie sans intérêt,
à un voisin qu’on veille sur lui sans calcul,
à un inconnu qu’il compte même sans lien…
cela trouble, cela éveille la méfiance.
Car l’homme, blessé tant de fois,
n’ose plus croire à l’amour gratuit.
Il pense que chaque geste cache une dette,
chaque main tendue dissimule un piège,
chaque parole douce annonce une chute.
L’amour est devenu suspect.
Un homme attentionné est moqué,
on le dit faible, naïf, ou manipulateur.
Un cœur sensible est vu comme une cible facile.
Alors, beaucoup se taisent.
Ils aiment, mais en silence.
Ils s’attachent, mais sans jamais le dire.
Ils donnent, mais sans espérer qu’on voie.
Parce qu’aimer, aujourd’hui,
c’est oser braver l’ironie,
c’est défier la peur de l’autre,
c’est accepter d’être incompris.
Et pourtant, c’est cet amour qui manque.
Celui qui n’a pas peur d’être mal interprété.
Celui qui éclaire, même si l’on détourne les yeux.
Celui qui soigne, même si l’on crache dessus.
Car l’amour vrai ne cherche pas le confort.
Il dérange, oui,
mais il réveille aussi.
Il déchire les armures,
il brise les chaînes invisibles de l’indifférence.
Il est rare,
mais quand il se montre,
il marque à jamais.
Alors, même dans ce monde méfiant,
ce monde froid,
où l’amour entre hommes est vu comme un piège ou un intérêt…
il faut continuer d’aimer.
Même doucement.
Même secrètement.
Car l’amour qui dérange aujourd’hui
sera peut-être l’amour qui sauvera demain.
Annotations
Versions