Épisode 3 - Sortir les poubelles

8 minutes de lecture

Tout se passa en une fraction de seconde.

Le démon bondit vers eux, toutes griffes dehors. Lars eut juste le temps de ré-envoyer le petit chat dans son placard avant de se jeter en arrière. Heureusement ! Encore un peu et il se faisait crever les yeux par son immonde adversaire. Ce dernier revint aussitôt à la charge, mais Lars le repoussa brutalement en créant un champ de force, les deux paumes en avant. L’autre se réceptionna sur ses jambes avec agilité, ses pieds griffus crissèrent sur le parquet. Puis, il se redressa avec lenteur, un sourire sadique aux lèvres.

Le mari de la charmante maire était méconnaissable : une rangée de crocs acérés ornait désormais sa bouche, tandis que sa peau rouge luisait sous l’éclairage artificiel. Il avait deux cornes immondes sur le front et ses mains se terminaient par des serres tranchantes.

Bon sang, ce qu’il était affreux et répugnant ! Le parfait cliché du petit démon de bas étage.

— Sören ? murmura la maire d’une petite voix horrifiée. Q-qui êtes-vous ?

Elle avait rejoint sa gamine sur le lit, la serrant fort contre elle. Les deux avaient le regard plein d’effroi face à la chose qu’était devenu l’honorable père de famille. Un imposteur plutôt. Le véritable Sören devait sûrement être mort depuis des semaines, son cadavre pourrissant quelque part… Et Lars eut presque de la peine pour la mère et la fille. La mère surtout, cette nuit allait sûrement la torturer pendant des semaines, en plus de tous ses autres problèmes.

La situation était d’autant plus affligeante, car faux Sören ne leur accordait aucune attention. Il était totalement obnubilé par Lars. Ses yeux jaunâtres fixaient celui-ci avec une avidité malsaine. Et le jeune homme soutint son regard sans ciller, évaluant son adversaire. Il était donc assez fort pour masquer son aura et se faire passer pour un faible humain… Intéressant.

— Strøm, lança le démon d’une voix ricanante. Mon nom est Bechet, j’attendais ta venue avec tellement d’impatience... Depuis le temps que je rêve de te rencontrer et m’amuser un peu avec toi. C’est que les rumeurs ne mentent pas : tu es vraiment savoureux à regarder...

Tout en parlant, il se passa une langue fourchue et perverse sur ses lèvres craquelées.

L’intéressé lui jeta un regard plein de dégoût et de condescendance. Il avait des nausées rien qu’à l’idée que cette horreur au nom ridicule puisse seulement imaginer “s’amuser” avec sa magnifique personne.

— Je ne crois pas te connaître… déchet, rétorqua-t-il en insistant sur le dernier mot avec tout le mépris dont il était capable. Que me vaut le déplaisir de ta présence ici ?

Oui, telle était la question : pourquoi un démon des enfers de Dante se manifesterait en chair et en os dans un trou pareil ? Pour l’anneau ? Mais cette relique n’avait aucune importance pour les neuf princes et les créatures infernales...

— Je viens de la part d’Ørjan, susurra son interlocuteur cornu sans cesser de le dévorer du regard. Il m’a envoyé pour récupérer l’anneau… en me promettant ta venue...

Ørjan, mais bien sûr ! Lars aurait dû se douter que ce foutu serpent serait impliqué dans toute cette affaire. Et comme toujours, penser à lui le submergea d’une fureur amère. Une colère noire qu’il se fit une joie de déverser sur l’autre.

Cette poubelle ambulante allait prendre cher.

Dolk, cracha soudain le jeune homme avec hargne.

Son aura embrasa immédiatement ses yeux comme à chaque fois qu’il faisait appel à ses pouvoirs. Elle dessina également un cercle aux symboles complexes devant ses paumes tendues. De longues piques de lumière en jaillirent et filèrent droit vers le démon.

Avec une rapidité surhumaine, ce dernier bondit contre le mur. Puis tel un animal, il s’élança à quatre pattes le long de la paroi pour échapper aux projectiles qui pleuvaient sur lui. Les piques s’écrasaient dans le bois dans une gerbe d’étincelles meurtrières. Comme de l’acide, elles rongeaient tout ce qu’elles touchaient.

Cours, cours petit déchet des enfers !

Les lèvres étirées en un rictus mauvais, Lars suivait la progression de son ennemi avec ses paumes. Le cercle de lumière déversait ses piques sans discontinuer, faisant tout exploser sur leur passage. La chambre ne fut bientôt plus que ruines, tandis que poussière et fumée envahissaient l’air ambiant.

Profitant de ce brouillard improvisé, son adversaire se propulsa vers lui, ses griffes tendues en avant. Parfait, Lars allait pouvoir tester une de ses nouvelles attaques sur cet imbécile.

Stor ! cria-t-il d’un ton froidement amusé, les mains toujours tendues devant lui.

Et le cercle tripla soudain de taille. Les piques fusionnèrent en une seule et immense rafale d’énergie violine au moment précis où l’autre lui tombait dessus. Touché de plein fouet, Poubelle ambulante fut brutalement soufflé en arrière, puis traversa la fenêtre derrière lui dans un énorme fracas de verre brisé. Un bruit de chute indiqua qu’il s’était écrasé dans le jardin.

Enveloppé dans un faible halo de la même couleur que ses yeux, Lars s’éleva dans les airs. Sans se préoccuper des trois autres, il fonça à travers le trou béant qui remplaçait désormais un pan entier du mur de la chambre. Haine et pouvoir pulsaient à l’unisson dans ses veines, comme à chaque fois qu’Ørjan était mentionné. Cet espèce de…

Le jeune homme fut projeté à terre alors qu’il y posait les pieds. La seconde d’après, Déchet était sur lui et l’écrasait de tout son poids, en bloquant ses mains au-dessus de sa tête. Zut, songea-t-il en grimaçant alors que la pointe d’une queue apparaissait dans son champ de vision. Tel un serpent, elle s’enroula lentement, presque tendrement, autour de son cou, mais sans serrer. Pas encore.

— Est-ce tout ce dont tu es capable, Strøm ? Je suis déçu ! On raconte pourtant que tu es le meilleur, ricana l’autre en se penchant vers lui.

Il empestait la pourriture et la chair brûlée, l’odeur était juste insupportable. Une bonne partie de son hideux visage n’était plus qu’une masse visqueuse et dégoulinante. Cela ne l’empêchait cependant pas d’arborer une tête réjouie. Le reste de sa gueule puante s’étira en un large sourire d’où en sortit sa langue fourchue et dégoulinante de bave.

— Mmmm… je vais adorer ravager ces magnifiques traits, surtout ces si beaux yeux… susurra-t-il tandis que la pointe de sa langue remontait paresseusement le long du cou et de la mâchoire de Lars, y laissant des traces gluantes.

Répugnant, grinça intérieurement ce dernier en calculant déjà la quantité de gel douche qu’il allait devoir utiliser pour se débarrasser de toute cette bave immonde. Son corps fut parcouru d’un long frisson de dégoût, ce qui fit ricaner son assaillant.

— Lâche-moi espèce de sale rat immonde ! cracha le magicien en le fusillant du regard, l’air franchement écoeuré. Ton haleine est tout simplement infecte !

L’autre ricana de plus belle en se penchant davantage vers lui. Et Lars dut faire de sérieux efforts pour ne pas vomir lorsque les effluves répugnants envahirent ses narines.

Ne surtout pas détourner la tête. Continuer à affronter le regard de cette horreur sur pattes, se répéta le jeune homme en expirant lentement. Il planta ensuite ses yeux dans ceux de Poubelle ambulante. Très bien. Cette saleté avait tort de le sous-estimer. Lars n’avait pas besoin de ses mains pour tuer une petite raclure des enfers dans son genre.

La glace allait s’en charger pour lui.

Des piques blanches et acérées jaillirent aussitôt du sol enneigé en réponse à sa volonté meurtrière. Mais contre toute attente, ce fut tout autre chose qui fit reculer le démon. En effet, au même moment, deux coups de feu explosèrent brusquement dans la nuit. Et son pathétique adversaire poussa un glapissement de douleur en relâchant sa prise.

Lars sentit la répugnante queue se desserrer autour de son cou, tandis que du sang épais et visqueux giclait sur son visage. Et pour couronner le tout, quelque chose se tortillait sur sa joue. Le jeune homme ne put retenir un cri de rage en découvrant qu’il s’agissait de la langue coupée de l’autre !

De la bave et maintenant ça ?!

Lars envoya violemment ses genoux dans le ventre de l’autre avant de le propulser en arrière avec sa magie. Il écarta ensuite l’immondice de sa figure d’un geste brutal en se redressant d’un bond, le regard furieux.

Déchet ambulant titubait désormais à quelques mètres de lui, sa bouche grande ouverte crachait beaucoup de sang. Sa queue n’était plus qu’un pauvre moignon qui s’agitait pathétiquement dans son dos. Une grande partie de l’appendice était restée enroulée autour du cou du magicien.

— Aaaaaaaah, mais je n’en peux plus de toute cette… HORREUR ! rugit ce dernier en agitant rageusement les mains avant de se débarrasser de l’avilissant collier, les traits crispés par le dégoût. Makulere ! siffla-t-il ensuite en pointant un doigt furieux vers le responsable de tous ses malheurs.

Le sol se mit à gronder dans la seconde suivante et des stalagmites de glace émergèrent de toute part. Elles convergèrent vers l’ennemi avec une rapidité fulgurante, illustrant parfaitement l’acharnement de Lars. Celui-ci ne voulait qu’une chose : voir cette vermine déchiquetée en mille morceaux et agoniser dans d’atroces souffrances.

Il se délectait d’avance à l’idée d’envoyer sa tête en cadeau à Ørjan…

Poubelle ambulante réussit cependant à éviter les attaques, mais de justesse. Alors qu’il dérapait dans la neige, ses yeux jaunes accrochèrent les prunelles améthyste. Il esquissa un rictus mauvais, du sang dégoulinant toujours de sa bouche. Puis avant que le magicien n’eut le temps de réagir, la petite raclure se détourna brusquement. Il prit ensuite la fuite, filant comme une fusée hors du jardin avant de disparaître dans la nuit.

Zut, songea Lars en serrant les poings. Il aurait dû créer une barrière autour de la maison avant d’ouvrir les hostilités. Il est vrai qu’il n’avait pas envisagé une seule seconde qu’à un moment donné, le combat puisse tourner en sa défaveur...

Ça le chagrinait tellement d’avoir à l’admettre, mais il avait fait preuve d’une bêtise incommensurable. Une pathétique erreur de débutant ! Résultats : son bel ensemble était fichu. Un costume victorien fait sur-mesure pour sa magnifique personne, non, mais quel gâchis ! En plus, il lui faudra sûrement des heures et des heures pour se purifier de toute cette hémoglobine et cette bave. Et sans oublier tout le temps qu’il allait devoir consacrer pour mettre à nouveau la main sur cet abruti cornu…

Mais pourquoi ce genre de chose n’arrivait qu’à lui ? Pourquoi ?!

Lars poussa un long soupir exaspéré en essayant de remettre un peu d’ordre dans sa coiffure et sa tenue, mais sans succès. Il était désormais tout échevelé, trempé et crasseux, plus l’odeur en prime. Au secours !

Et c’est avec des mèches rebelles dans les yeux ainsi que du sang plein la face que le jeune homme retourna dans la maison. Il avançait à grands pas furieux, sans prêter attention au décor désormais apocalyptique tout autour de lui. Il n’accordait pas plus d’attention au voisinage qui commençait à envahir les rues et s’agiter avec effroi.

La nuit ne faisait que commencer et pourtant, Lars en avait déjà assez.

Hello ! Comme promis, un nouvel épisode d'ASG ! Comment l'avez-vous trouvé ? Je suis impatiente de lire vos commentaires :D et n'oubliez pas les tits coeurs siouplé ? Pour Lars :p

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire StianSamaelle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0