Blake - Une Vocation

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Il est haut comme trois pommes et sait déjà ce qu’il fera plus grand : ministre du saint Évangile.

  — Fichtre, en voilà un ambitieux ! se plaît à dire Madame Taylor, la voisine.

  Blake passe désormais tout son temps libre à l’église Sainte Marie. Il côtoie plus souvent le petit Jésus sur sa croix que ses camarades de classe. Lorsqu’il pénètre dans l’église, il se sent à sa place. Il salue le père, le fils et le Saint-Esprit en s’aspergeant d’eau bénite, foule le plancher de la nef avec la même fierté que si c’était un tapis rouge et laisse le silence ambiant lécher ses plaies. La paix l’enveloppe et les moqueries lui semblent bien loin alors. Il voudrait rester éternellement dans le ventre de cette église aux courbes maternelles. L’édifice abrite quatre dômes-lanternes, des pendentifs romanesques et la plus grande collection de vitraux de tout l’Arizona. Blake passe son temps à les contempler. Les peintres-verriers sont des conteurs à leur façon. Le regard de l’enfant se perd dans les couleurs fusibles habillant le verre comme dans un kaléidoscope géant. L’histoire qui se joue sur certaines des rosaces lui échappe, mais Blake comble le manque de connaissance par l’imagination. L’un des vitraux le captive particulièrement. On y voit une femme au visage de madone, la chevelure recouverte par une capuche. Sûrement la fameuse Marie, pense Blake. Elle est vêtue d’une longue toge verte et une couronne d’étoiles encercle son visage. Elle croise ses bras sur sa poitrine. Un expert du langage corporel dirait que c’est une marque de repli sur soi, mais dans ce contexte, juste le signe d’une infinie dévotion. Marie semble pensive. Dieu, qu’elle est belle, songe Blake, admiratif. Des personnages, tapis dans l’obscurité la contemplent eux aussi. Des anges l’encerclent. Ils ont tous le même visage, aux proportions extravagantes. Des octuplés ailés, sans corps. En observant cette femme adulée, entourée d’adorateurs, Blake se demande ce que ça fait de provoquer autant d’admiration, d’être au centre de l’attention. Il le saura un jour, patience.

  À la croisée de la nef, du transept et de l'abside, un dôme éclaire le sanctuaire. L’autel est baigné de lumière. Blake aime observer la poussière qui scintille dans les rayons lumineux. C’est un môme contemplatif. Il n’a pas vraiment la foi, mais les lieux lui semblent bel et bien magiques. D’ailleurs, de la Bible, il ne retient que les tours de passe-passe; la marche sur l’eau, la pêche miraculeuse, le buisson ardent, le bâton devenu serpent, l’eau transformée en vin, la mer qui se fend en deux… Face aux miracles de Jésus, Houdini et Ed Marlo peuvent aller se rhabiller. Au fond, Blake croit en Dieu pour la même raison qu’il croit au Père Noël : parce que c’est cool les super-héros.

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